L’usage de la plateforme électronique des marchés publics Tuneps a été lancé au mois de septembre 2018 pour l’octroi des marchés publics par les ministères et les entreprises publiques. Depuis, Tuneps a enregistré le lancement de 2.800 appels d’offres, outre l’inscription de 584 acheteurs publics et plus de 5.000 fournisseurs. En septembre 2019, le système d’information Tuneps sera lancé pour l’octroi des marchés publics au niveau municipal
Si le nouveau Code des collectivités locales a doté les municipalités de plus d’autonomie, notamment en matière de financement et de prise de décision, c’est que la corruption, en l’occurrence dans le domaine des marchés publics, pourrait profiter des brèches et des entourloupes lui permettant de proliférer. C’est dans cette perspective impliquant, de facto, une approche préventive que l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) a placé l’action municipale au cœur des priorités de la stratégie nationale de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Ainsi dans le cadre du « Renforcement de la gouvernance démocratique et de la redevabilité publique en Tunisie » — un programme de coopération Pnud-Tunisie mis en place en partenariat avec l’Inlucc et financé par l’Agence de coopération internationale de la Corée (Koica) — l’Inlucc a organisé, hier à son siège, avec la collaboration de l’ambassade du Canada, un atelier pour débattre des « moyens de renforcement de l’intégrité dans la passation des contrats et leur exécution au niveau municipal ». Réunissant des élus municipaux de différentes communes en présence de l’inspectrice générale de la ville de Montréal, Mme Brigitte Bishop, et des représentants des hautes instances de contrôle, notamment l’Observatoire national de la commande publique (Haicop), la séance a permis de partager les expériences de gouvernance des marchés publics dans les communes tunisiennes et la ville de Montréal.
Un système d’information : une approche préventive pionnière
Dans son allocution d’ouverture, le président de l’Inlucc Chawki Tabib, a affirmé qu’outre l’action municipale, l’instance a identifié trois secteurs prioritaires dans sa stratégie de lutte contre la corruption, à savoir la santé, la sécurité et la douane. En se référant à l’exemple de la ville de Montréal où la corruption a sévi, durant des années, dans le secteur de la construction, Tabib a souligné que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la corruption n’est pas l’apanage des pays en voie de développement. A cet égard, il a noté que le benchmarking constitue un moyen efficace dans la lutte contre la corruption dans l’octroi des marchés publics au niveau municipal.
A vrai dire, les marchés publics, un domaine universellement connu pour sa forte vulnérabilité à la fraude et la corruption, a pu finalement s’armer d’un outil redoutable permettant d’enrayer le fléau de la corruption qui y sévit. Il s’agit de la plateforme électronique des marchés publics Tuneps. Son usage obligatoire par les ministères et les entreprises publiques, pour l’octroi des marchés publics, a été décrété au mois de septembre 2018. L’entrée en vigueur de cette plateforme pour les municipalités aura lieu au mois de septembre prochain. Comment cette plateforme fonctionne-t-elle ? Comment contribue-t-elle à la prévention contre la corruption dans les marchés publics ?
Lors de sa présentation de la plateforme, la directrice de Tuneps, Sonia Ben Salem, a souligné que deux principaux objectifs ont été assignés à la plateforme au moment de sa conception, à savoir minimiser l’intervention humaine et promouvoir la participation des PME tunisiennes dans les marchés publics, impliquant de facto le renforcement de la transparence, l’intégrité et l’égalité des chances.
Réduire à zéro l’intervention humaine
Sonia Ben Salem a affirmé que grâce à un système informatique d’interconnexion assurant un échange des données entre les diverses institutions intervenantes, à savoir le centre informatique du ministère des Finances, la Caisse de sécurité sociale (Cnss), la Banque centrale (BCT), les banques commerciales, le ministère de l’Equipement (étant partie prenante dans les projets de construction) et l’Agence nationale de certification électronique (Ance), la plateforme électronique Tuneps permet tant aux acheteurs publics qu’aux PME postulant aux appels d’offres de s’affranchir des documents administratifs matériels. Elle a fait savoir que grâce au système de notification automatique des candidatures, les fournisseurs sont informés en permanence en temps réel de l’état d’avancement de l’appel d’offres, ouvrant ainsi la voie à la concurrence loyale entre les diverses PME. « Actuellement, nous nous attelons à parachever le système e-paiement pour que la phase Exécution de l’appel d’offres, c’est-à-dire le paiement des commandes publiques, soit totalement numérisée. Et de ce fait, toutes les étapes de l’octroi du marché public seront digitalisées. On peut dire dans ce cas que notre objectif sera atteint. Notons que nous nous sommes également penchés sur la numérisation de l’évaluation de l’offre, l’objectif étant de réduire à zéro l’intervention humaine», détaille Ben Salem. A cet effet, elle a ajouté que la Haicop travaille, actuellement, à mettre en place une base de données unique de l’ensemble des PME tunisiennes.
S’exprimant sur le niveau de la sécurité informatique du système Tuneps, Sonia Ben Salem a expliqué que les signatures électroniques des postulants aux appels d’offres sont validées par l’Agence nationale de certification électronique sous forme de clé USB. La sécurité informatique étant établie à un très haut niveau de sécurisation (niveau 3).
De son côté, le président de l’instance, Chawki Tabib, a déclaré que depuis son lancement par l’Observatoire national de la commande publique (Haicop) en 2014, le Tuneps a rencontré plusieurs difficultés. La plateforme fait encore face à une forte résistance, notamment de la part d’une partie des hommes d’affaires. « Il faut que le gouvernement mette en place tous les moyens indispensables au bon déroulement du système Tuneps, pour qu’il aboutisse à des résultats concrets », a-t-il déclaré.