Accueil Culture Cannes 2019 Lecture du Palmarès : Une Palme d’Or amplement méritée, mais …

Cannes 2019 Lecture du Palmarès : Une Palme d’Or amplement méritée, mais …

De notre envoyée spéciale à Cannes Samira DAMI
«Parasite» du Sud-Coréen Bong Joon-ho a raflé la Palme d’Or de la 72e édition du festival de Cannes. Pedro Almodovar, Terrence Malick et Elia Suleiman sont les oubliés du Palmarès. Le détail.

Bong Joon-ho n’a pas volé la Palme d’Or qui lui a été attribuée, samedi dernier, lors de la proclamation du palmarès de la 72e édition du festival de Cannes. Le président du jury, Alejandro Gonzalez Inarritu, a déclaré : «A une époque où la démocratie se perd, je peux vous assurer que ce jury a été très démocratique et cette palme a été attribuée à l’unanimité»
Très heureux et tout sourire, le réalisateur sud-coréen, ayant reçu la récompense suprême des mains de l’actrice Catherine Deneuve, a affirmé : «Je suis très inspiré par le cinéma français, je dois beaucoup à Clouzot et à Chabrol», rendant hommage à Chabrol et à Clouzot en expliquant que «Parasite a été une aventure particulière». Tout en poursuivant : «J’étais un enfant passionné de cinéma, c’est pour cela que je suis devenu cinéaste. Je suis le premier étonné d’avoir eu ce prix. Et de remercier ses acteurs « sans lesquels, a-t-il dit, le film n’aurait pas pu exister» dont notamment son acteur fétiche qui joue le rôle principal.
Voilà une Palme d’Or méritée, comme nous l’avons déjà mentionné dans nos pronostics, tant le film de Bong Joon-ho a ébloui la Croisette par la force de son propos, sur la lutte des classes et les inégalités sociales, la puissance de sa mise en scène délurée où le réalisateur mêle et jongle avec les genres en passant de la comédie sociale l’à l’horreur, en passant par le thriller.
Le Grand Prix a échu à «Atlantique» de Mati Diop, nièce du grand cinéaste sénégalais Djibril Diop Mambety, la réalisatrice métisse franco-sénégalaise s’est focalisée dans ce film sur les difficultés de la jeunesse dakaroise tentée, pour ne pas dire hantée, par la nécessité du départ vers des cieux économiquement plus cléments. Mais le film souffre d’un manque de rythme évident et de l’absence de réussite dans le parti pris du mélange des genres. Surprise elle-même, la réalisatrice a déclaré : «Je trouve fou d’être parmi vous. C’est la grande aventure du cinéma, je suis ici et en même temps là-bas à Dakar.».
Les frères Dardenne ont, eux, encore une fois raflé, un prix avec «Le jeune Ahmed », après leur double Palme d’Or obtenue consécutivement pour «Rosetta» et «L’enfant». Pourtant le propos du film pèche par schématisme et manque de profondeur et de construction des personnages, les coréalisateurs n’évoquent nullement les mobiles et raisons de la radicalisation de l’adolescent et le personnage de l’Imam est si mince, pourquoi donc ? Outre que leur style répétitif de mise en scène soi-disant sobre lasse à la fin, car, en fait, il n’y a pas de mise en scène, la caméra narre, illustre sans plus, sans aucune inventivité. D’autres films dont la mise en scène réellement inventive et débordante d’imagination auraient pu prétendre à ce prix tels «Une vie cachée» de Terrence Malick ou «Le lac aux oies sauvages» du Chinois Diao Ynan et autres. Le jury a peut-être voulu récompenser le propos du film, sur la radicalisation, parce que dans l’air du temps plutôt que la forme répétitive et très peu créative.
Le prix du jury a été octroyé en ex aequo à «Les misérables» du réalisateur français Ladj Ly et à «Bacurau» des Brésiliens Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles. Ladj Ly mérite totalement cette récompense tant ce film-choc a secoué la Croisette par la force de son propos, sur la violence policière dans les banlieues françaises et la maîtrise de la mise en scène. En prenant la parole, le réalisateur a déclaré: «Le seul ennemi commun, c’est la misère» et de dédier son film  «A tous les misérables».

Encore une fois, pas de Palme d’Or pour Almodovar
Côté prix de l’interprétation, c’est Antonio Banderas, comme nous l’avons pronostiqué, qui obtient le prix de l’interprétation masculine pour son rôle dans «Douleur et Gloire» de Pedro Almodovar. Un prix très mérité mais dès que l’acteur a déclaré dédier ce prix au réalisateur, absent de la cérémonie de clôture, qu’il considère comme son mentor, qu’il connaît depuis 40 an, qu’il aime et à qui il est reconnaissant, nous avons compris qu’une fois encore, et après sept participations, le cinéaste espagnol ne recevra pas la Palme d’Or. Visiblement, la douleur dont parle et souffre Almodovar n’est pas près de disparaître. Et Banderas a eu raison de déclarer que «derrière le travail de l’artiste et de l’acteur, il y a beaucoup de douleur». Et d’ajouter: «Mais il y a aussi des soirs de gloire et je pense que le meilleur est à venir». Le prix de l’interprétation féminine a récompensé l’actrice anglo-américaine Emily Beecham pour sa performance dans « Little Joe» de l’Autrichienne Jessica Hausner.
Et c’est la réalisatrice française, Céline Sciamma, qui a raflé le prix du scénario pour son film « Portrait de la jeune fille en feu», une autopsie d’une passion amoureuse.
Elia Suleiman, lui, dont le film a fait sensation et si ému la Croisette a dû se contenter d’une mince mention pour son opus « It must be Heaven ». Pourtant, le réalisateur palestinien a signé un grand film sur un si fort désir de paix en Palestine traitant ce thème par l’absurde sur un ton caustique et sarcastique des plus poétiques et mélancoliques. Mais il semble que la cause et la paix en Palestine, comme l’a deviné le cartomancien à la fin du film, n’est pas encore dans l’air du temps. Franchement, ce film méritait nettement mieux que cette maigre récompense.
« Once Upon a time…in Hollywood” de Quentin Tarentino, au grand regret de ses fans, n’a pas été récompensé mais c’était attendu car le film du réalisateur américain n’a pas fait l’unanimité ni totalement convaincu.
Concernant les courts métrages, la Palme d’Or a été décernée à «The distance between us and the sky» du Grec Vasilis Kekatos, tandis qu’une mention spéciale a été attribuée à «Monstruo Dios» de l’Argentin Agostina San Martin.
D’un bon cru, sans plus,la sélection officielle du festival, riche de 21 films, la plupart réalisés par des maîtres du cinéma mondial, n’a pas déçu, durant cette édition, contrairement aux deux années précédentes et le jury a eu l’embarras du choix certes, sauf que nous avons remarqué sa tendance à vouloir récompenser le thème plutôt que le cinéma, autrement dit l’inventivité et la créativité de la mise en scène.
S.D.

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