
Par Foued ALLANI
Scandaleux! Mille fois scandaleux. Deux des plus nobles secteurs sociaux et où l’éthique va de pair avec les résultats sont devenus, depuis au moins trois décennies, une formidable foire d’empoigne, pour s’ériger en la plus grande et la plus vile arnaque de toute l’histoire sociale du pays.
L’Education et la Santé, deux besoins vitaux pour l’individu et la société, deux droits sociaux, économiques et culturels fondamentaux, garants de l’avenir de toutes les générations, sont devenues, en effet livrées à elles-mêmes, pires à de véritables réseaux de flibustiers.
Avec l’avancement du processus honteux et ô combien improductif du désengagement mal étudié et mal planifié de l’Etat, lesdits secteurs sont en effet devenus un terrain de prédilection pour des pratiques le moins que l’on puisse dire mercantiles, sans scrupules, sauvages et, ces dernières années, massives.
Nous ne le répéterons jamais assez, il s’agit de la plus grande et de la plus vile arnaque dont a été victime notre peuple au cours de son histoire plusieurs fois millénaire, au sens que certains, avec la complicité de l’Etat et même parfois sous sa protection, ont soumis le peuple au pire des chantages et au pire des pillages.
Commençons par l’Education et rappelons, en passant, que des centaines de milliers de familles sont, au cours de cette présente période, en train de vivre un grand stress. Celui lié aux performances que leurs enfants respectifs sont appelés à réaliser, en affrontant les épreuves des examens nationaux auxquels ils sont respectivement soumis.
Un lourd et interminable stress qui plonge ses racines dans l’originalité de notre pays et de son histoire, lequel pays ne possède pour toute vraie richesse que l’intelligence de ses enfants mais aussi dans les énormes sacrifices consentis par les familles et les candidats pour espérer rester dans la course aux obstacles du savoir et pourquoi pas y obtenir une place honorable.
Temps, argent, efforts, privations, tout est bon pour la famille afin d’assurer à ses enfants un avenir décent. Acculée, comme elle l’est, à offrir à ses enfants les meilleures conditions d’acquisition du savoir, la famille tunisienne peut même se séparer de certains de ses biens afin d’atteindre ledit objectif.
Considérés comme de vulgaires cobayes, au moins deux générations ont dû subir les pires tâtonnements, appelés à tort «réformes», commis par les différents gouvernements qui se sont succédé à la barre des affaires publiques du pays.
Depuis plus de quatre décennies, notre système de production des compétences a non seulement vu ses performances dégringoler mais s’est vu aussi et surtout devenir une machine à produire du chômage. Un chômage, qui en plus, coûte très cher, puisque les taux «déchets» dudit système restent très élevés.
Avec un niveau toujours en baisse, auquel sont venus s’ajouter grèves et autres fléaux intra et extramuros, l’acquisition des connaissances nécessite, depuis au moins trois décennies, d’énormes sacrifices pour le soutien et le rattrapage.
Une défaillance flagrante de l’institution publique, donc de l’Etat, que les familles sont acculées à combler moyennant d’énormes sacrifices. Ménages qui, pour une bonne partie d’entre eux, payent leurs impôts et ont par conséquent le droit d’espérer que l’Etat leur offre en contrepartie un minimum de garantie des résultats.
Depuis des années, un formidable marché des cours particuliers a planté ses griffes dans le cou des familles transformant ainsi l’Education en de vulgaires transactions pécuniaires. Et gare à celle ou celui qui oserait protester ou se rebeller contre cette mafia !
Afin de décrocher le fameux baccalauréat pour chacun de ses enfants, chaque famille se voit obligée de payer un lourd tribut à ce système en faillite. Enormes sommes pour les cours particuliers tout au long des différents cycles mais aussi pour les fournitures scolaires qui, chaque année, deviennent de plus en plus lourdes.
Commenceront alors les interminables sacrifices pour assurer des études supérieures qui, pour bon nombre d’étudiants, mènent tout droit au chômage. D’où le recours de plus en plus fréquent aux universités privées ou encore à l’étranger. Dans ce dernier cas, ce sont des sommes faramineuses en devises qui quittent, chaque mois, le pays.
Entre autres résultats, l’émergence et la consolidation d’une école à plusieurs vitesses, avec des disparités révoltantes, villes —campagnes, villes côtières— villes de l’intérieur, quartiers huppés et quartiers dits populaires, familles aisées et familles à revenu modeste ou démunies.
Autre réalité honteuse, celle de l’obligation de payer un droit d’inscription pour avoir la possibilité de participer aux examens nationaux, taxe qui porte une atteinte grave au principe de la gratuité de l’enseignement, garanti par la Constitution, déjà bafoué dans tous les sens, qui, de plus, est une mesure quasi répressive et dissuasive à l’encontre des familles à faible revenu.
Bref, une situation qui semble s’installer dans la durée, qui est en train de spolier les familles, de permettre à d’autres de s’enrichir sur leur dos tout en ne payant à l’Etat aucun millime au titre de la contribution fiscale et, pire, devenir (la situation) une source d’hémorragie pour les devises et aussi pour les cerveaux.