Accueil Culture Entretien avec l’auteur français François G. Bussac : «Une union paisible et dansante s’est créée partout dans le monde»

Entretien avec l’auteur français François G. Bussac : «Une union paisible et dansante s’est créée partout dans le monde»

Raconteur et nouvelliste, auteur d’«Aigres et douces ? Nouvelles de Tunisie» et de «L’affaire du Harlem Shake», publiés chez Arabesques Editions . Par une après-midi caniculaire de juin, nous l’avons rencontré pour vous lors d’une séance de présentation à l’IFT.

Dans un recueil de nouvelles sobrement intitulé «Aigres et Douces ? Nouvelles de Tunisie», nouvellement publié, François G.Bussac interroge différemment la Tunisie, celle d’après la révolution à travers les bribes d’un quotidien passionnant, fourrées de réflexions diverses : celui des Tunisiens lambda rencontrés au gré des hasards. «L’affaire du Harlem Shake» est une intrigue inspirée d’un phénomène social qui a secoué le monde en 2013 : celui de la danse du «Harlem Shake», devenue une forme de protestation y compris en Tunisie. François G-Bussac a tissé une fiction non moins rocambolesque autour de ce mouvement.
Un travail mémoriel destiné aux jeunes, dans la même lignée que «Le jardinier du Metlaoui», de divers romans pour enfants qui ont déjà vu le jour ou encore «du siècle d’Augusta» en hommage à sa mère, entre autres. Des livres ludiques signés par le même auteur, surnommé «le Capitaine». «L’affaire du Harlem Shake» est une fantaisie conçue en 2013 et qui se lit d’une seule traite. Raconteur et nouvelliste, l’auteur a ajouté un petit lexique pour permettre aux lecteurs de mieux cerner les péripéties relatées. Par une après-midi caniculaire de juin, nous l’avons rencontré pour vous lors d’une séance de présentation à l’IFT.

«Aigres et douces» confirme votre talent de nouvelliste. Quelle est la genèse de ces nouvelles, ces scènes de tous les jours ?
Je suis nouvelliste en effet. Un genre que je maîtrise bien. Ce sont des histoires qu’on peut écrire, mettre sur papier en peu de temps. J’avais déjà publié chez Arabesques Editions, il y a une dizaine d’années «Tunis cap TGM», ma première publication. Cette année, j’ai éprouvé le besoin d’écrire une suite : depuis, forcément, notre regard sur la Tunisie a évolué, a radicalement changé : et de l’émerveillement superficiel et naïf, est venu un approfondissement, une prise de conscience. Ma perception était tout autre.

Et en quoi consiste ce changement ?
A la fois, j’éprouvais beaucoup de tendresse pour la vie de tous les jours, sa drôlerie et le courage des «petites gens» qui ont des difficultés à joindre les deux bouts. Et aussi une certaine rage que je n’exprimais pas dans «Tunis Cap TGM», le premier ouvrage. Cette Tunisie originale, distinguée et si différente du monde arabe, n’arrive pas à aller jusqu’au bout en défendant un certain nombre de libertés. Sur papier, elle reste démocratique.

Pouvez-vous donner un aperçu du contenu d’«Aigres et douces» à vos lecteurs ?
Les premières nouvelles dans ce recueil concernent la vie de tous les jours. Mes nouvelles ont toujours une vérité : je fréquente beaucoup les taximen, je les trouve extraordinaires. Chacun est si différent et nous apprend beaucoup. Ils reflètent les Tunisiens. Une autre histoire que j’ai «twistée» — et qui parle des rapports familiaux — compte beaucoup pour moi : celle d’une vieille dame qui veut rester dans sa maison et qui se trouve menacée par ses propres enfants à cause de l’héritage. Une autre nouvelle raconte le quotidien des femmes battues, j’ai traité aussi de l’article 230, qui condamne jusqu’à nos jours l’homosexualité, de l’égalité dans l’héritage …

Pour cette nouvelle parution de «L’Affaire du Harlem Shake», vous avez opté pour  « un polar illustré», dédié à la jeunesse. Un genre littéraire encore très peu courant en Tunisie. Comment cette idée a t- elle germé ?
C’est venu tout d’un coup. En lisant un article du journal «Le Monde», par hasard (un article que je reproduis d’ailleurs en annexe), révélant ce que je ne savais pas. Le ministre de l’Education tunisien, en 2013, avait été irrité par un mouvement de danse qui avait atteint quelques établissements éducatifs et universitaires : là, où les cours se sont interrompus à cause d’élèves et d’étudiants voulant danser le «Harlem Shake». J’ai trouvé cela un peu exagéré, et je me suis dit que ça pouvait faire un bon sujet. Et alors que je ne pensais pas du tout écrire des polars pour la jeunesse, je me suis dit «essayons de présenter cette affaire-là, avec des indices et une intrigue qui ont donné naissance à une pièce policière. Et le scénario a vu le jour en dix minutes !»

Justement, si vous deviez donner un aperçu du livre à vos lecteurs ?
(Rires), Si tu veux, c’est assez simple et basique : deux équipes qui recherchent «qui donc a enlevé ce bonhomme ?», puisque dès la première scène, le jeune héros, Gary, après avoir accompagné sa petite amie Sonia, aux cheveux mousseux, étudiante en chinois à «Bourguiba School», rebrousse chemin et se fait suivre par une Peugeot noire, d’où surgissent trois individus cagoulés, le kidnappent, l’assomment et l’entraînent à l’arrière d’une vieille mosquée du Kram. Il est libéré par «Fil de fer», le fils de l’Imam, au petit matin. Et tous les deux se disent, «On va nous-mêmes trouver qui sont ces kidnappeurs ?». Gary retourne chez sa famille et veille à ce que son père, le commissaire, ne le sache pas. Il s’organise en bande, avec ses frères et leurs animaux, et tente de trouver des indices. L’enquête verra apparaître un «Stagiaire cher chic» et d’autres personnages tout aussi riches. Inutile de vous gâcher les évènements …

Comment s’est passée votre collaboration avec votre illustrateur ?
J’ai eu beaucoup de chance, en travaillant avec Chaher Majri. Je lui ai expliqué les diverses caractéristiques des personnages. Il les a esquissés d’une manière drôle, et ça a ajouté beaucoup à l’intérêt de cette «pochade».

Comment avez-vous découvert la danse du «Harlem Shake» ?
Par hasard, en visionnant une vidéo de militaires en Corée, où on les voyait tout interrompre pour danser le «Harlem Shake» : une danse laide, bruyante, épouvantable, qui s’est propagée comme une trainée de poudre dans le monde entier. Ce qui m’a interpellé, c’est que tout le monde dansait sur un lieu de travail ou de cours en 2013. C’était impressionnant ! Il y avait une espèce d’union paisible et dansante partout dans la planète.

D’après vous, cette danse avait-elle une portée politique, une façon de s’exprimer ?
Celle-ci non. Mais la danse en général, certainement. La danse acrobatique, toutes les formes artistiques de danse, oui. Je pense que c’est libératoire, c’est faire bouger son corps, c’est se retrouver en harmonie avec l‘autre. En Tunisie, la danse ne cesse de prendre de l’ampleur. Des pionniers, comme Imed Jemaa, Rochdi Belgasmi, s’adonnent à la danse et cassent avec les genres, surtout après la révolution. C’est l‘exultation du corps. Et la danse contemporaine a comme sujet la vie de tous jours, avec ses petitesses, sa candeur, ses moments d’hostilité, d’affectivité.

Dans votre ouvrage, vous décrivez un Tunis plutôt sombre, l’est-il réellement ?
Je trouve que la capitale s’enlaidit, hélas. Elle n’a presque plus aucun charme. Je le ressens comme ça. Je ne veux pas dire qu’elle est triste, mais elle est de moins en moins charmante. J’habite La Goulette-Kheireddine, des quartiers pas très chics. Les gens sont très aimables ici. Mais le charme de Tunis centre – à mon sens – se dissipe de plus en plus.

Comment se déroulera la promotion de cet ouvrage ?
Il y’a eu la Foire Internationale du Livre (Stand Arabesques). Le weekend dernier, l’IFT Sousse m’a contacté. Il a été présenté dans deux classes. Il faut initier les élèves au polar. Et je sais qu’on pourra transformer ce livre en pièce de théâtre. Je le ferai lire à des élèves et des étudiants si possible, et d’autres séances de présentation se feront. D’ailleurs, là maintenant, ça continue…

On le verrait plutôt bien en bande dessinée…
Bien entendu mais la B.D est un énorme de travail de dialogues et de dessins. Hbib Mansouri (metteur en scène), m’a suggéré lors d’une présentation à Mille feuilles, qu’elle devait être théâtrale : les deux premiers chapitres ont été réécris avant la séance, pour que des enfants et Mme Bouffetier puissent les lire. Pendant l’été, je pourrai le réécrire comme pièce de théâtre, et c’est évidemment beaucoup de dialogues avec énormément de caractères à reproduire.

Pouvez-vous nous donner un petit aperçu de votre prochain ouvrage ?
Un ouvrage qui n’a absolument rien à voir avec cela. Il s’agit du troisième tome d’une saga familiale consacrée à mon grand-père. «Le jardinier de Metlaoui» (2009) était consacré à mon père, le 2e «Le siècle d’Augusta» (2014), était dédié à ma mère et le prochain sera un bio roman.

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