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La tragédie aurait-elle pu être évitée ?

Bien qu’on ignore les causes exactes du décès de ces bébés, ce nouveau drame fait ressurgir les dysfonctionnements dont souffrent les services de pédiatrie et de néonatalogie dans les régions, ce qui augmente les risques de décès des prématurés pris en charge dans les établissements hospitaliers

Quatre mois à peine après la tragédie survenue à La Rabta, un nouveau drame vient de se produire à l’hôpital régional Mohamed-Tlatli de Nabeul suscitant la consternation au sein du milieu hospitalier. Six bébés prématurés sont morts les 22,23 et 24 juin. Souffrant de tares sévères, il semblerait que leur état de santé se soit, pour la plupart, brutalement dégradé entraînant leur décès. Une thèse qu’a vite réfutée la directrice régionale de la santé à Nabeul Dalel Zouaoui préférant ne pas se lancer trop tôt dans des conclusions hâtives alors qu’une enquête est actuellement en cours pour déterminer les causes exactes du décès. L’enquête préliminaire qui a été menée tout juste après le décès de ces prématurés n’aurait pas non plus mis en cause de façon évidente la présence d’un germe pouvant être à l’origine d’une infection nosocomiale, a affirmé, par ailleurs, la directrice régionale de la santé de Nabeul. 

Cependant, le fait que ces prématurés qui présentent des pathologies très sévères soient hospitalisés dans un service qui inclut une seule unité regroupant à la fois les spécialités de néonatalogie et de pédiatrie soulève plusieurs points d’interrogation : comment se fait-il que de grands prématurés dont l’état de fragilité extrême expose à un risque élevé de décès nécessitant, par conséquent, une prise en charge devant répondre à un protocole sanitaire très rigoureux, soient hospitalisés dans des conditions en deçà des normes requises? Il est certain en tout cas que le service de néonatologie de l’hôpital régional  Mohamed-Tlatli de Nabeul ne semble pas être le seul cas de figure. Certains services de néonatalogie souffriraient, en effet, de nombreuses défaillances, qui, s’ajoutant à d’autres facteurs, augmenteraient le risque de décès chez les prématurés. 

Le cri de détresse du chef de service de l’unité

Le chef du service par intérim de l’unité de pédiatrie et de néonatalogie de l’hôpital Mohamed-Tlatli, Dr Haythem Bachrouch, avait pourtant, en décembre dernier, tiré la sonnette d’alarme menaçant, à l’instar de ses collègues, de démissionner de son poste si des mesures urgentes n’étaient pas prises pour améliorer les conditions d’hospitalisation et de prise en charge dans le service de néonatologie et de pédiatrie de l’établissement hospitalier. Cet assistant hospitalier universitaire aujourd’hui démissionnaire et qui n’a voulu donner aucune déclaration, excédé probablement par ce qui se passe dans les services de néonatologie en Tunisie et les vaines promesses du ministère de la Santé, avait pointé du doigt, dans un article écrit par notre collègue Abdelaziz El Hali et paru dans les colonnes du journal le 25 décembre dernier, les dysfonctionnements des unités de néonatologie et de pédiatrie dans les deux établissements hospitaliers de la région qui ont poussé au départ les deux médecins pédiatres de l’hôpital de Menzel Tmime, l’un ayant décroché un contrat dans un pays du Golfe et l’autre ayant tout simplement envisagé de démissionner à cause de la situation devenue intenable dans son service.

Alors que le gouvernorat de Nabeul compte à lui tout seul plus d’un million d’habitants et que l’hôpital Mohamed-Tlatli assure 5.600 naissances par an et accueille dans ses urgences entre 150 et 200 patients par jour, on compterait seulement 10 assistants hospitalo-universitaires pour la spécialité gynécologie obstétrique à l’échelle de tout le territoire.

La plupart des services de néonatalogie et de pédiatrie manqueraient, par ailleurs, cruellement d’effectif dans les établissements hospitaliers publics, ce qui rend difficile et aléatoire la prise en charge des prématurés et des enfants en bas âge, notamment dans les hôpitaux régionaux. Cette pénurie de spécialistes affecterait grandement l’hôpital Mohamed-Tlatli de Nabeul. En effet, selon les propos du Dr Haythem Bachrouch recueillis par notre collègue, les services de biologie et de radiologie de l’établissement seraient sans médecins spécialistes depuis plus d’un an, ce qui aurait des répercussions sur le rendement de ces unités.

Interrogée à ce propos, la directrice régionale de la santé à Nabeul se veut rassurante.  Le conseil régional de la santé  présidé par la ministre par intérim Sonia Ben Cheikh et qui s’est tenu le mois de mai dernier  au sein du ministère en  présence du gouverneur de la région, des cadres de la santé centraux et régionaux et des chefs de service  s’est penché sur la situation sanitaire et le renforcement de la région en personnel et en équipements.  « Le ministère de la Santé a lancé un avis de recrutement afin de pourvoir aux postes vacants et renforcer l’effectif des médecins spécialistes dans les 24 gouvernorats. Des décisions ont été prises, par ailleurs, pour renforcer l’activité du service de pédiatrie de l’hôpital régional de Menzel Temime afin d’alléger la pression sur les unités de pédiatrie et de néonatologie de l’hôpital Mohamed-Tlatli », a déclaré la directrice régionale de la santé de Nabeul.

En fonction des causes exactes du décès des nourrissons qui seront bientôt révélées par l’enquête en cours, d’autres mesures seront prises pour pallier les défaillances de l’unité de pédiatrie et de néonatologie de l’hôpital Mohamed-Tlatli de Nabeul.

Pour l’heure, le ministère et la direction régionale de la santé à Nabeul ont mis en place une cellule de crise pour l’aide et la prise en charge psychologique des familles des prématurés décédés.

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