Les avis des juristes Sarsar, Klibi, Loghmani et Jawhar Mbarek sont concordants : le report des élections constitue une infraction aux termes de la Constitution qui stipule avec précision les délais de tenue des élections de fin de mandat.
Sortie brusquement de coulisses «bien informées» mais impossibles à définir, l’idée d’un éventuel report des prochaines élections a inquiété, il y a quelques jours, autant l’opinion qu’une bonne partie de la classe politique qui contestait les motivations avancées.
Mais les questionnements d’ordre juridique s’intéressent désormais plutôt à l’éventuelle vacance de pouvoir compte tenu de l’état de santé du président de la République. Et si pour l’essentiel les constitutionnalistes tombent généralement d’accord sur la signification des dispositions de notre constitution de 2014, les politiques divergent parfois sur certaines nuances ou interprétations. Parfois selon leurs intérêts conjoncturels.
Et si les raisons pouvant justifier une décision de report sont clairement indiquées dans le texte de la constitution : «un danger imminent» ou une «situation exceptionnelle», la décision étant du ressort du président de la République, les scénarios relatifs à la vacance du pouvoir à la présidence sont multiples et parfois complexes. Sauf que dans les deux cas, l’absence d’une Cour constitutionnelle pose problème. Car c’est une défaillance pouvant donner lieu à un report et empêchant de constater la vacance, qu’elle soit provisoire, durable ou définitive.
L’idée d’un report remonte à une déclaration faite par Lotfi Zitoun depuis le 30 août 2018. L’universitaire spécialisée en droit constitutionnel Salsabil Klibi avait réagi en déclarant que le report des élections de 2019 serait «une atteinte claire à la Constitution» puisque, contrairement aux déclarations de Lotfi Zitoun, «la Cour constitutionnelle n’est pas concernée par les conflits électoraux, lesquels sont plutôt du ressort du Tribunal.
Jawhar Mbarek, enseignant de droit constitutionnel, a lancé dans une radio privée, dans son style déclaratif habituel : «Quels que soient les scénarios, quelle que soit la situation, dans 102 jours, il y aura des élections sans aucun doute».
Mais certains juristes, comme Chafik Sarsar, estimaient déjà possible de la remplacer par l’Instance de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi.
S’agissant de combler une éventuelle vacance de pouvoir au niveau de la présidence de la République, l’argument reste égal à lui-même.
Sardar, ancien président de l’Isie, rappelle qu’il est indispensable de déterminer si une vacance est provisoire ou définitive.
Mais Sarsar refuse de parler d’un «vide juridique» mais de l’absence concrète d’une Cour constitutionnelle, laquelle ne pourra, en la matière, être remplacée par le parlement ou autre.
Cependant, et contrairement à d’autres juristes ou spécialistes en droit public, Sarsar estime que l’Instance de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi «pourra remplacer la cour constitutionnelle» dans le constat et l’annonce de la vacance de pouvoir au niveau de la présidence de la République, même si cette prérogative «n’est pas stipulée dans le texte de la Constitution».
Il s’agit d’un avis formulé dans l’esprit de combler une omission, dans la mesure, estime le juriste, où «le chef de l’Etat est dans l’incapacité de déléguer ses pouvoirs». Et Sarsar de suggérer donc de «penser à appliquer l’article 84 de la Constitution», lequel prévoit que le chef du gouvernement remplace le président de la République pour une durée ne dépassant pas les 60 jours.
Et Sarsar de rappeler qu’en cas de vacance définitive, c’est au président de l’ARP de remplacer le chef de l’Etat pour une période allant de 45 jours à 90 jours. Ce qui conduirait à la tenue des élections présidentielles en septembre, soit quelques jours avant les législatives.
Se pose un problème cependant, c’est que la nouvelle tâche dont Chafik Sarsar voudrait charger l’Instance de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi ne figure pas dans les attributions de cette instance telles que définies par la Constitution. Or, plusieurs juristes considèrent qu’il faudrait alors procéder auparavant à un amendement constitutionnel autorisant cela, ce qui ôterait à l’Instance sa qualité «constitutionnelle». C’est le cas de Slim Loghmani et de Salsabil Klibi.
Les avis des juristes Sarsar, Klibi, Loghmani et Jawhar Mbarek sont concordants : le report des élections constitue une infraction aux termes de la Constitution qui stipule avec précision les délais de tenue des élections de fin de mandat.