Les voix commencent à s’élever. Quelle légitimité pour la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle et quelles autorité et obligation pour ses décisions alors que son mandat a officiellement expiré ? La question est loin d’être résolue, deux lectures juridiques différentes résument actuellement la situation de l’Instance de régulation de l’audiovisuel.
Le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), Néji Bghouri, avait déjà soulevé le problème en mai dernier. Alors que son mandat de six ans, fixé par le texte du décret-loi 116, a expiré le 3 mai dernier, la Haica fait face à des critiques compte tenu de la légitimité de ses décisions et son activité en elle-même.
Derrière cette situation, une confusion juridique se manifeste pour nous rappeler encore une fois, la difficulté et la complexité à parachever la mise en place de ces instances indépendantes, prévues par la Loi fondamentale, dont notamment la Cour constitutionnelle. En effet, l’article 7 du décret-loi 116 stipule que le président, le vice-président et les membres de la Haica soient désignés pour un mandat de six ans, non renouvelable. Et c’est exactement en se basant sur cette donne juridique que certains, dont notamment les détracteurs de l’instance, s’appuient pour remettre en question sa légitimité.
Mais dans leurs réponses, les membres de l’Instance de régulation s’appuient sur un autre texte légal, issu de la Constitution, selon lequel l’instance est appelée à poursuivre son activité jusqu’à élection de la nouvelle Instance de régulation des médias audiovisuels. « En vertu du texte de la Constitution 2014, la Haica se doit de poursuivre ses fonctions jusqu’à l’élection de l’Instance de la communication audiovisuelle », a soutenu, la vice-présidente de l’Instance, Assia Laâbidi. Elle a rappelé dans ce sens que la Haica est tenue par la loi d’encadrer les prochaines élections législatives et présidentielle.
Pourtant, des voix se sont élevées pour critiquer cette situation de confusion légale concernant la régulation du paysage audiovisuel et accuser l’instance d’être en situation d’illégitimité et d’illégalité. D’ailleurs c’est la chaîne Nessma, déjà en conflit avec la Haica, qui a considéré, en mai dernier, que l’instance n’a plus d’existence légale rejetant ainsi toutes ses décisions. « En vertu de la loi (décret 116), la Haica n’existe plus. Le décret stipule que son mandat, de 6 ans, a expiré le 3 mai 2019 et ne peut être prorogé. De ce fait, l’instance n’a plus ni existence légale, ni cadre législatif, en rapport avec les décisions qu’elle prend », a-t-on communiqué.
L’ARP bénit la Haica
Conscient de cette situation peu claire et confuse, Nouri Lajmi, président de ladite instance, s’est entretenu avec le président de l’ARP, Mohamed Ennaceur, pour revenir sur la situation de son instance après le dépassement des délais de son fonctionnement, six ans après sa mise en place.
Selon Lajmi, Ennaceur a confirmé le soutien de l’ARP à l’Instance et lui a demandé de poursuivre le travail jusqu’à l’élection de la nouvelle instance.
Résumé de la situation : conformément au décret-loi 116, le mandat de la Haica a légalement expiré, mais ses membres s’appuient sur la Constitution pour assurer sa légitimité en espérant la mise en place de la nouvelle instance qui sera chargée de la régulation du secteur de l’audiovisuel. A cet effet, un projet de loi a été soumis à l’ARP fin 2018, mais depuis, il n’a pas été examiné.
D’ailleurs cette même situation a préoccupé les différents intervenants du secteur lors de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse le 4 mai dernier. Bghouri a appelé à cet effet l’Assemblée des représentants du peuple à examiner le projet de loi relatif à l’organisation du secteur audiovisuel et octroyant des prérogatives concrètes à la nouvelle instance constitutionnelle.
Ainsi l’accélération de l’examen par l’ARP de ce projet de loi, qui ne fait pas l’unanimité des protagonistes du secteur des médias audiovisuels et la mise en place de la nouvelle instance devraient mettre fin à cette situation peu claire, qui laisse la porte ouverte aux spéculations et remises en question compte tenu du rôle de la Haica et la légalité de ses décisions, notamment à l’approche des prochaines élections.
K.J.