LES instituts de sondage ne sont pas nés de la révolution mais l’ont précédée de quelques années. A l’époque, le pouvoir, par trop autoritaire et suspicieux, triait les candidats sur le volet, avant de les tolérer puis les encadrer de près par le biais de notre sorte de CIA d’alors, l’Atce, qui vivait de la publicité publique.
En fait, l’idée de mettre en place un institut national de sondage avait germé depuis l’époque du Premier ministre Mohamed Mzali, et c’est Tahar Belkhouja qui s’était chargé du dossier. Mais les préparatifs techniques au sein du ministère de l’Information avaient vite fait d’inquiéter les autorités publiques quant aux «risques encourus».
Il a fallu se battre et détourner ou contourner des lois pour arriver à imposer le premier institut de sondage, moyennant des complicités chez les officiels. Puis deux ou trois autres boîtes.
Les sondages ne sont, en effet, pas une science exacte, de sorte que les pouvoirs publics sont toujours méfiants à leur égard. Mais l’on arrive parfois à les supporter même lorsque le pluralisme est biaisé et la démocratie sous contrôle.
En Tunisie, la liberté s’est imposée après la révolution et les premiers sondages électoraux publics ou d’origine diplomatique ont balisé nos premières élections, celles de l’Assemblée nationale constituante. Et il s’agit de reconnaître que la société la plus en vue a vu ses chiffres confirmés par les résultats du scrutin.
Il se trouve, cependant, que des voix très suspicieuses ont incriminé des fuites provenant de milieux diplomatiques dont la source aurait été des sondages commandités à l’étranger.
Cela dit, les mises en doute ne se sont déclarées qu’à la suite du sondage ayant révélé des chiffres nettement en baisse pour Ennahdha et BCE. Ce qui a vu Ennahdha attaquer cette agence au niveau des médias et la menacer de réglementer le secteur.
Réglementer est le mot magique que craignent tous les instituts de sondage du monde. Ils sèment la terreur dans leurs rangs sans jamais arriver à les rendre vraiment dociles ou infaillibles. Car les méthodes, normes et critères ne seront jamais vraiment fiables, mais seulement quelque peu rationalisés. Ce qui a le mérite de rendre les chiffres sinon tout à fait fidèles, du moins un tant soit peu crédibles, proches de la réalité.
A la condition que l’on fasse vite de légiférer dès le lendemain des prochaines élections.