Le président de l’Association des magistrats tunisiens (AMT), Anas Hamadi, a mis en garde contre toute tentative visant à considérer le secteur des magistrats comme un maillon faible ou une entité qui ne sait pas défendre ses intérêts sur fond notamment des tergiversations observées quant au non-versement des indemnités dues aux magistrats qui assurent les séances de permanence dans les tribunaux.
Lors d’une conférence de presse tenue hier au siège de l’AMT au Palais de Justice à Tunis, Anas Hamadi s’est livré à une attaque frontale contre le ministère de la Justice, l’accusant au passage de faire travailler les magistrats dans des conditions qu’il a qualifiées de déplorables, inhumaines et indécentes.
Trois ans après l’entrée en vigueur de la loi 2016-5 du 16/02/2016 modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale, la situation a beaucoup empiré pour les magistrats qui se trouvent des fois dans l’obligation de travailler 48 heures de suite dans des conditions lamentables. En dépit des revendications se rapportant au versement des indemnités dues aux magistrats assurant les séances de permanence dans les tribunaux depuis 2016, rien n’a été fait et aucune mesure n’a été prise à leur profit contrairement à d’autres secteurs.
A ce propos, le président de l’AMT a pointé du doigt la politique de deux poids deux mesures observée par le ministère de la Justice. Il a fait savoir que ce ministère n’a pas respecté un accord établi dans ce contexte avec l’association des magistrats depuis 2017 au moment où les procureurs, juges d’instruction et magistrats subissent des charges supplémentaires depuis la révision du Code de procédure pénale en vertu de la loi 2016-5 du 16/02/2016.
Anas Hamadi a appelé le ministre de la Justice à assumer ses responsabilités et a dénoncé le grand retard au niveau de la publication du décret portant sur l’indemnité de permanence d’autant plus que 57% des affaires sont traitées par le Tribunal de première instance de Tunis et que pour 80 unités sécuritaires, on ne dispose que de 15 substituts de procureur alors que le nombre des crimes est en nette augmentation.
Les statistiques présentées par le substitut du procureur Taher Bouzekher lors de ce point de presse font état du grand nombre des affaires traitées par les juges permanenciers contre le nombre très réduit de ces derniers. Rien que pour le Tribunal de première instance de Tunis, on a enregistré du 01/04/2019 à la date du 07/07/2019 environ 4.408 procès avec une moyenne de 1.356 procès par mois, ceci sans compter les procès émanant du pôle judiciaire antiterroriste.
Toutes les formes militantes seront prises en vue de faire entendre les doléances des procureurs, juges d’instruction et magistrats assurant les séances de permanence. Une réunion a été programmée pour ce lundi pour désamorcer la crise mais le président de l’AMT met déjà le ministère de tutelle en garde.
On n’ira pas pour négocier mais pour dire que les magistrats ne travailleront plus dans des conditions déplorables, dépourvues des moyens financiers les plus élémentaires et des exigences minimales en matière de sécurité, de santé et de confort physique et psychologique, martèle à la fin de la conférence Anas Hamadi. On ira s’il le faut jusqu’à la suspension pure et simple des séances de permanence et la tenue d’un Conseil national d’urgence pour prendre toutes les formes d’escalade afin d’assurer les droits élémentaires aux juges.