« J’aime cet homme qui a su protéger les droits de la femme ». Comme Donia, une Tunisienne venue rendre hommage au président Béji Caïd Essebsi devant le cimetière du Djellaz à Tunis, les femmes étaient au premier rang dans la foule qui l’a accompagné vers sa dernière demeure.
« Aujourd’hui c’est un jour triste, un grand jour », a lancé Amira, qui a patienté depuis le matin, comme des milliers d’autres Tunisiens, au cimetière où le cortège est arrivé au son de la fanfare vers 14H30 (13H30 GMT).
« Adieu fils de Tunis! repose en paix », crie de son côté Fatma, 59 ans, prise par l’émotion en apercevant le cercueil enveloppé du drapeau tunisien.
Pour cette enseignante, « c’est Béji qui a mis le pays sur le bon chemin, qui a honoré le pays, de son vivant comme dans sa mort ».
« Nous avons vraiment perdu un grand homme, » renchérit Donia Abouda, arborant dans sa main une rose rouge et en haut de sa robe noire un petit portrait du président tunisien.
« J’ai bien peur que les droits et les acquis de la femme soient menacés après sa mort, jespère qu’on aura un président comme lui mais je doute fort », s’inquiète cette Tunisienne de 39 ans.
« Considération pour les femmes »
Comme Donia, de nombreuses femmes de tous âge sont au premier rang de la foule, bravant la chaleur des heures durant pour saluer un président « qui avait une grande considération pour les femmes ».
« J’ai voté pour lui en 2014 et j’étais prête à lui donner ma voix une autre fois! », déclare Mounira Nougatef, 47 ans.
Décédé jeudi à 92 ans, le président tunisien a soutenu pendant sa carrière politique de nombreuses mesures importantes en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, dans la lignée de son mentor Habib Bourguiba, premier président de la Tunisie indépendante.
Il n’était pas « féministe », mais « il laisse un bilan très fort en matière de droits des femmes », considère Yosra Frawes, présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). « Il y a plusieurs points lumineux qui resteront dans l’histoire ».
Lorsqu’il était Premier ministre en 2011, Béji Caïd Essebsi a levé les réserves de la Tunisie à l’égard de la Convention de l’ONU sur l’élimination des discrimination à l’égard des femmes. C’est le point de départ de nombreuses évolutions, dont une loi contre les violences faites aux femmes.
Depuis septembre 2017, les femmes tunisiennes de confession musulmane peuvent se marier avec des non-musulmans.
Il avait constitué en août 2017 une commission présidentielle chargée de traduire dans la loi l’égalité consacrée par la Constitution de 2014, adoptée dans la foulée de la Révolution ayant mis fin à la dictature.
Un projet de loi inédit dans le monde arabe sur l’égalité successorale, a été présenté à sa demande au Parlement, mais n’est jamais arrivé jusqu’à la plénière.
Ce texte, réclamé de longue date par la société civile, aurait dérogé à un principe inspiré du Coran et en vigueur dans la plupart des pays musulmans selon lequel un homme hérite le double d’une femme du même degré de parenté.
« C’est à nous maintenant de prendre la suite, et continuer pour faire vivre son héritage », estime Farah, une architecte quadragénaire venue saluer le président défunt au pied d’une statue de Bourguiba.
par Kaouther LARBI