La Commission de discipline devra statuer aujourd’hui. Le TAS a renvoyé l’affaire à la CAF. Et maintenant?
Le litige ayant opposé l’Espérance Sportive de Tunis au WAC depuis cette finale retour du 31 mai arrêtée à la 59’ sur le score de 1 à 0 en faveur du club tunisien (après que l’arbitre Bakary Gassama a refusé de valider, en l’absence de la VAR, un but inscrit par le club marocain lequel a quitté le terrain et a refusé carrément d’obtempérer à la décision de reprendre le jeu) n’est pas une simple ni une mince affaire. Par sa décision du 31 juillet, le Tribunal arbitral du sport, la plus haute institution juridique sportive dans le monde qui statue en dernier et ultime recours et dont les arrêts sont définitifs, en a reconnu implicitement la complexité. Plus qu’un casse-tête chinois pour lui, un véritable guêpier et un sentier semé de grosses embûches que le TAS a visiblement refusé d’emprunter malgré tout l’arsenal juridique et l’immunité dont il dispose. Cette cour de cassation a cherché donc à se débarrasser de ce «cadeau empoisonné» et trouvé dans la forme un moyen d’éviter d’aller jusqu’au fond. On peut dire que par son verdict, elle a mis l’EST et le WAC dos à dos et qu’en renvoyant l’affaire à la CAF, elle a placé cette dernière et son président Ahmad Ahmad dos au mur. Les deux clubs se sont même réjouis à moitié de cette décision et chacun d’eux ne regarde que le verre à moitié plein et oublie la moitié vide. L’Espérance a raison de dire qu’elle a obtenu une demi-victoire dans l’attente du succès final, puisque la principale décision du comité exécutif de la CAF de «rejouer la finale» a été annulée et les deux requêtes du WAC de le déclarer champion d’Afrique ou à défaut de décréter une nouvelle finale en un seul match sur «terrain neutre» n’ont pas été également retenues et ont donc été rejetées. Le WAC raisonne, lui, d’une autre manière et à sa façon en déclarant que le fait que le TAS a également «fait fi de la requête de l’Espérance de la déclarer officiellement et légitimement championne d’Afrique et de valider son sacre et son titre est un jugement implicitement en sa faveur qui a pris en compte tous les griefs qu’il n’a pas manqué de signaler dans le déroulement de cette deuxième manche tumultueuse après le 1 à 1 du match aller à Casablanca». Une manière de faire pression sur la commission de discipline de la CAF à laquelle a été renvoyé pratiquement tout le dossier de l’affaire pour qu’elle le traite aujourd’hui de la façon et avec une lecture que les deux clubs opposés jugent conformes aux faits saillants du match et aux règlements en vigueur.
La FTF a mis la main à la pâte pour soutenir le représentant tunisien en publiant un communiqué dans lequel elle indique notamment que le «TAS a reconnu dans les attendus de sa décision, même si cela n’a pas été explicite, l’abandon du terrain par le WAC et qu’en rejetant ses requêtes principales, il a mis le club marocain sur le banc des accusés et le voit plus en coupable qu’en victime avec ses larmes de crocodile qui n’en finissent pas». Côté Fédération marocaine de football, ce sera sans doute le même combat via communiqués optimistes, déformant la réalité des faits et donnant le faux espoir que le WAC «finira par obtenir gain de cause».
Dans ce vent de tempête qu’elle a elle-même fait souffler, la CAF est montée elle aussi au créneau en déclarant «qu’elle a pris acte de la décision du TAS, qu’elle s’y conforme entièrement et que la commission de discipline s’attelle à la tâche qui lui est confiée et rendra son verdict aujourd’hui». Simple opération de saupoudrage pour masquer le mécontentement, voire l’agacement du président Ahmad Ahmad et de la poignée des membres de son comité exécutif qui ont été discrédités et désavoués ouvertement par le TAS qui les a déclarés «inaptes juridiquement pour décider d’une affaire qui n’entre pas dans le champ de leurs compétences», mais qui est du ressort exclusif des commissions désignées pour statuer en première instance et dont les verdicts peuvent être attaqués en appel et en dernier recours justement devant la «cour de cassation» du TAS. La question qui se pose est la suivante : est-ce que le toujours énigmatique Ahmad Ahmad va saisir cette perche inespérée qui vient de lui tendre le TAS pour laisser les commissions sous sa tutuelle travailler et plancher sur le dossier en toute indépendance et prendre en leur âme et conscience les décisions qui s’imposent et s’y plier avec fair-play en homme au-dessus de tout soupçon d’ingérence? Ou va-t-il, au contraire, en profiter pour user de toute son influence en homme irresponsable et «régler ses comptes» avec une fédération tunisienne qui lui a marché sur les pieds parce qu’elle a crânement et légitimement défendu le droit du club tunisien à un sacre africain. On verra ce que la commission de discipline va décider aujourd’hui.
Hédi JENNY