L’Observatoire tunisien de l’économie a publié, récemment, sous la plume de Imen Louati, Ph. D et Camille Balcou, une étude approfondie au sujet du Code des eaux dont la refonte est devenue nécessaire pour pallier les insuffisances constatées lors de l’exécution des projets. La ressource renouvelable totale en eau est estimée à 4,8 milliards de m3 par an en Tunisie dont 2,7 milliards pour les eaux de surface et 2,1 milliards pour les eaux souterraines.
En Tunisie, environ 450 m3 d’eau sont disponibles par habitant et par an, ce qui place notre pays, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dans les pays à très forte pénurie en eau. De plus, les ressources en eau sont très inégalement réparties sur le territoire, avec 81% des eaux de surface se situant dans la partie nord, 11% dans le centre et 8% dans le sud. La moyenne annuelle de pluviométrie varie de moins de 100 mm à l’extrême sud à plus de 1.500 mm à l’extrême nord du pays, ce qui a induit d’importants dispositifs de gestion et de transfert de l’eau. La construction de barrages et lacs collinaires ainsi que de puits et les forages ont permis la maîtrise des ressources en eaux de surface et souterraines pour répondre aux besoins socioéconomiques du pays depuis son indépendance, tout en assurant un certain équilibre interrégional, avec un impressionnant taux de desserte d’eau potable de 100% et de 92% dans les zones urbaines et rurales respectivement, et l’aménagement de 435.000 hectares de périmètres irrigués.
Ainsi, depuis les années 1970, les ressources en eau ont été mobilisées de manière systématique. Cette politique de gestion de l’offre sur laquelle est basé le code des eaux de 1975 a mené à un important taux de mobilisation, qui a atteint 98% des ressources hydriques mobilisables en 2015. Par ailleurs, cet important effort de mobilisation de l’eau a abouti à une gestion de l’eau étatique et centralisée, dominée par le ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche.
Demande en augmentation
Or, la demande en eau sera en augmentation dans les années à venir avec la croissance économique et démographique, mais également la menace du changement climatique : les précipitations vont à la fois fortement fluctuer et globalement diminuer. Une étude du World Resources Institute (WRI) classe la Tunisie 33e sur 167 des pays qui seront les plus touchés par le stress hydrique.
De plus, les infrastructures ont grandement besoin d’investissement: en 2012 les pertes en eau dans la production totale auraient fortement augmenté (21.1% contre 17,7% en 2008). D’importantes fuites dans certaines régions sont constatées, avec entre 30% et 50% de l’eau qui passe dans les conduites considérée comme perdue.
En milieu rural, les coupures sont de plus en plus fréquentes, et 300.000 personnes n’auraient toujours pas accès à l’eau potable, que ce soit en raccordement individuel ou en bornes fontaines. La question de la soutenabilité hydrique du pays est donc parfaitement pertinente et devient même urgente à cause de la faible marge de manœuvre qu’a actuellement la Tunisie par rapport à ses ressources hydriques mobilisables.
D’autre part, la mobilisation des ressources en eaux non conventionnelles, comme par le dessalement, reste limitée du fait des importantes retombées environnementales que cette technique peut induire, ainsi que son coût ingérable. De plus, la politique de transfert des eaux entre les régions peut causer des problèmes entre ces mêmes régions dans le cadre de la décentralisation et dans le contexte de la disponibilité actuelle des ressources. La remise en question des modèles de gestion utilisés jusqu’à aujourd’hui, ainsi que du code des eaux actuel qui repose sur la gestion de l’offre, sans prendre en compte la nature des ressources hydriques du pays ni les enjeux des changements climatiques, ne peut non seulement plus répondre aux problématiques actuelles et futures de l’eau en Tunisie mais pourrait même aggraver la situation. D’où le besoin urgent de mettre en place un cadre législatif approprié.
C.G.