Un recrutement intelligent, un stade partiellement renouvelé et même des places aux tarifs avantageux : cette saison, la direction azzurra a mis le paquet pour fidéliser les tifosi du Napoli, qui préfèrent depuis belle lurette se mobiliser lors des affiches à enjeux, plutôt que de se déplacer invariablement au San Paolo. Problème : alors que Naples entame sa saison de Série A à Florence hier, le club ne dénombre qu’environ 8.000 abonnés, un des chiffres les plus faibles de l’élite italienne. Bizarre, pour une équipe qui revendiquait pourtant régulièrement autour de 60 000 abonnés dans les années 1980 et en comptait encore plus de 20.000 au début de la décennie 2010…
De loin, cela ressemble à un mystère. Comment Naples, la ville italienne la plus gaga de football de toute la Botte, se retrouve année après année avec un San Paolo à moitié plein ? La mythique enceinte du Napoli a beau compter 55.000 places assises, elle ne remplissait en moyenne qu’autour de 34.000 sièges la saison dernière. Le club partenopeo ne rassemblait alors que la 6e affluence de Série A. Loin, très loin des autres équipes qui ont fini dans le dernier top cinq du championnat, à savoir l’Inter, le Milan, la Juve et la Roma, qui revendiquaient respectivement des moyennes de 62.000, 52.000, 40.000 et 38.000 spectateurs à domicile. De quoi se demander ce qui ne tourne décidément pas rond dans les tribunes de ce Napoli-là.
Le lifting du San Paolo
Quelques chiffres en guise d’apéritif : Naples pâtit d’un nombre d’abonnés en chute libre depuis le début de la décennie, qui ne lui permet pas de mobiliser nécessairement une base massive de tifosi lors de matchs à faible enjeu ou contre des équipes de bas de tableau de la Série A. Depuis la faillite du club partenopeo en 2004, qui conduisait à sa rétrogradation en Série C, le record d’abonnements du club monte à 23.000, lors de la saison 2009-2010. À titre de comparaison, Naples rassemblait autour de 6.000 abonnés lors de l’exercice 2017-2018, seul Sassuolo comptant alors moins de fidèles dans l’élite italienne. Cette saison, le club azzurro aurait pour le moment une base d’environ 8.000 abonnés, un chiffre faible, alors que 17 clubs de Série A font actuellement mieux que le Napoli dans l’exercice.
Le phénomène n’est donc pas foncièrement nouveau, et le coupable, évidemment, est tout désigné. À savoir le San Paolo et ses structures vétustes, dont le charme désuet ne lasse pas les tifosi les plus passionnés, mais ne permet pas au Napoli de fidéliser son audience à chaque rencontre à domicile. Pourtant, lors de l’été en cours, la direction partenopea s’est résignée à faire bouger les lignes : les vieux sièges ont été intégralement remplacés, de nouveaux écrans et vestiaires ont été installés et l’éclairage remis au goût du jour. Un lifting bienvenu pour le San Paolo, mais qui n’a manifestement pas encore convaincu. Peut-être parce que les problèmes structurels du stade demeurent: la vue depuis l’anneau inférieur du stade reste désastreuse et la piste d’athlétisme qui cercle le terrain est maintenue, puisque la mairie de Naples veut continuer d’y organiser des compétitions.
En attendant Icardi
Pourtant, le club n’a pas ménagé ses efforts en acceptant également de revoir les prix de vente des billets, certaines catégories de places coûtant jusqu’à 30% moins cher que l’année précédente, alors que le tarif des abonnements à l’année a lui aussi été revu à la baisse. Par ailleurs, l’équipe est aussi restée fidèle à ses ambitions sportives, alors que le mercato azzurro n’a pas déçu : Naples a très peu vendu et très bien recruté, en accueillant notamment dans ses rangs la sensation mexicaine du PSV Eindhoven, Hirving Lozano, le désormais ex-défenseur central de la Roma, Konstantinos Manolas, ou encore le prometteur milieu macédonien Eljif Elmas.
Insuffisant, néanmoins, pour faire décoller la campagne d’abonnements, alors que, selon les médias italiens, la tifoseria napolitaine attendrait l’éventuel recrutement de Mauro Icardi, avant de décider ou pas de s’engager pour l’année. Signe que les exigences des tifosi ont grandi en proportion des moyens du club, alors que leur relation avec le président De Laurentiis s’est significativement dégradée ces dernières saisons. Alors que le Napoli vit sa période la plus glorieuse sur le plan sportif depuis l’ère Maradona, il est reproché au grand manitou azzurro de chercher avant tout à faire exploser des talents dans la ville du Vésuve, avant de les revendre au prix fort, sans jamais vraiment viser à faire tomber l’ogre Juventus en Série A.
Paradiso perdu
Un jugement sévère, qui est peut-être aussi le produit de la plus grande distance qui caractérise les relations des tifosi avec les acteurs du club. Si le Napoli, porté par la folie suscitée par le génie de Maradona, dénombrait régulièrement autour de 60.000 abonnés dans les années 1980, le record d’abonnements pour une saison date de l’exercice 1975-1976, où le président Corrado Ferlaino avait investi des millions de lires pour rebâtir une équipe ambitieuse, ce qui provoquait la souscription de 70.405 fidèles dans un stade qui comptait alors 76.000 places.
Une autre époque, où la concurrence de la TV était évidemment moindre, mais où le Napoli était aussi perçu comme une formation populaire, proche de ses fans, alors que l’équipe s’entraînait encore au centro Paradiso, à Soccavo, une banlieue de Naples. Un lieu beaucoup plus fédérateur et proche de son public que Castel Volturno, une commune à une quarantaine de kilomètres de la ville, où l’on trouve les joueurs napolitains depuis le rachat du club par De Laurentiis en 2004. Un éloignement qui ne permet plus à la majorité des tifosi de suivre de visu leurs joueurs au quotidien. Comme un symbole du fossé qui se serait creusé entre la chefferie du club et le public partenopeo, en somme. Un public qui ne devrait manifestement pas se laisser amadouer par les abonnements à prix cassé proposés par sa direction, avec qui la tifoseria napolitaine n’a pas fini d’entretenir des rapports mouvementés.
Source : So foot