Le discours consensuel rassurant d’Ennahdha, et plus spécialement de Rached Ghannouchi, a-t-il été rangé au placard des objets usés, voire désuets ? La question mérite d’être posée et reposée jusqu’au stade du questionnement stratégique.
Le choix du leader islamiste de contourner les mauvais pronostics des sondages le concernant, en se parachutant en tête de la liste législative de Tunis 1, lui accordant toutes les chances d’être élu, inquiète les tendances réfractaires de ce mouvement et interpelle les observateurs et analystes nationaux et internationaux.
Ceux-ci s’interrogent sur la finalité de cet humble retrait tactique du cerveau des islamistes. Est-il si humble que cela ou marque-t-il un changement radical de la stratégie politique nahdhaouie directement concoctée et menée par un tout petit directoire autour du leader ? Tout se passe comme si la vision consensuelle mise au point avec Béji Caïd Essebsi à Paris était délaissée.
Mais cela fait également penser au choix parlementaire des islamistes que peut matérialiser une «Hijra» du cheikh vers le Bardo.
Mais ce qui préoccupe, à l’écoute de son discours à Hammamet, c’est la hargne avec laquelle il exprime sa volonté de se battre sur les trois fronts: présidence de la République, contrôle du parlement et «présidence» du gouvernement, avec pour argument l’exemple des démocraties partisanes occidentales.
Le fait est qu’en 2014, le consensus avec BCE avait permis de mettre en veilleuse cette mainmise sur les trois pouvoirs par Nida Tounès, du fait des intentions démocratiques et républicaines de BCE, reconnues unanimement. Alors qu’un contrôle des trois présidences pourrait, théoriquement, mener à la dictature, cette hypothèse, reste aujourd’hui peu probable au vu de la mobilisation des Tunisiens autour des principes et valeurs auxquels ils s’attachent désormais, acquis dans la foulée de la révolution du 14 Janvier.
Il est possible également que Ghannouchi ait voulu réchauffer ses troupes sur un compromis de radicalité: une victoire totale sur les trois fronts, mais qui reste une simple victoire électorale pour un mandat de cinq ans. Sans zèle révolutionnaire ni la moindre intention de modifier les équilibres de la Constitution ou le mode de vie des Tunisiens.
A moins que les radicaux ne se rebiffent. L’appétit vient en mangeant.