Le secteur du textile-habillement en Tunisie a connu un développement appréciable au cours des dernières années, grâce aux partenariats conclus avec de grandes firmes nationales et l’amélioration du taux d’encadrement des entreprises en stylistes-modélistes et gestionnaires.
La fripe ne cesse de s’agrandir d’une année à l’autre. Jadis, concentrée dans le quartier El Hafsia de Tunis, la fripe est aujourd’hui visible dans presque tous les quartiers. Même au niveau de la Place Barcelone, devant les boutiques de prêt-à-porter, les fripiers ont installés leurs cartons plein d’habits de toute sorte pour hommes, femmes et enfants. Une pièce peut coûter 1 ou deux dinars. D’autres articles sont cédés à 5 dinars. Le plus beau est que l’on trouve, dans cet amas d’habits, des articles neufs avec étiquette et prix original en euros !Si la fripe connaît une telle floraison, c’est qu’elle est très demandée par les consommateurs et notamment ceux à revenu moyen et limité.
En effet, des femmes et des hommes s’attardent devant ces étals de fortune et choisissent leurs habits et ceux de leur enfants à un prix très réduit. Malgré le contrôle des agents de sécurité et la saisie des marchandises, les fripiers reviennent avec force pour vendre. Parfois, c’est une course poursuite qui se déclenche entre les policiers et les fripiers qui profitent des immeubles adjacents pour cacher leurs articles usagés.
Vendre le maximum d’articles
Les avis des consommateurs sont partagés au sujet de la fripe. Certains estiment que ce commerce est bénéfique pour les citoyens à revenu limité ou moyen car ils ne peuvent pas se permettre d’acheter des articles neufs vu leur pouvoir d’achat en érosion continue. D’autres sont plutôt contre ce commerce considéré comme illégal et invitent les autorités compétentes à regrouper tous ces vendeurs dans un espace approprié afin qu’ils n’installent pas leurs étals en carton en plein centre-ville, ce qui contribue à dégrader l’aspect esthétique de la cité.
Quant aux gérants des boutiques de prêt-à-porter, il proposent de limiter l’importation de ces produits pour pouvoir stimuler la production locale. C’est dire que les articles de la fripe concurrencent sérieusement les habits fabriqués en Tunisie et qui sont très chers, notamment quand il s’agit d’articles pour enfants. C’est aussi l’avis des industriels qui souhaitent voir une limitation de l’étendue du marché de la fripe.
Même les soldes organisés de temps à autre semblent touchés par les articles de la fripe qui ne se limitent pas uniquement aux habits mais également aux chaussures et aux jouets vendus à prix dérisoires. Le marché local est presque condamné et les industriels sont tenus, s’ils veulent faire de bonnes affaires, de s’orienter davantage vers le marché d’exportation.
Des articles démodés mais neufs
Du côté du marché Sidi El Bahri, on peut remarquer aussi ces vendeurs d’habits usagés qui sont de plus en plus nombreux. Tous les articles vestimentaires sont vendus comme les chemises, les tricots, les manteaux, les pyjamas, les sous-vêtements… Les clients potentiels peuvent choisir à leur guise l’habit qui leur sied pour quelques dinars. Certes, les articles sont démodés, mais neufs et se distinguent par une finalisation soignée. Et dire que le secteur du textile-habillement en Tunisie a connu un développement appréciable au cours des dernières années, grâce aux partenariats conclus avec de grandes firmes nationales et l’amélioration du taux d’encadrement des entreprises en stylistes-modélistes et gestionnaires.
Certaines entreprises ont choisi de se tourner vers le marché extérieur pour vendre la totalité de leur production à des importateurs étrangers alors que d’autres ont préféré commercialiser une partie de leur production sur le marché extérieur et une autre sur le marché local. L’industrie textile-habillement fait travailler un main-d’oeuvre nombreuse notamment au niveau des ouvrières qualifiées. Si cette situation de concurrence déloyale perdure, plusieurs unités risquent de mettre dans la rue ces ouvrières qui ont un grand besoin d’argent vu leur situation sociale précaire.
Les fripiers veulent conquérir totalement le marché local et porter un coup dur aux entreprises dans ce secteur. Pour ce faire, ils utilisent tous les moyens en leur possession pour attirer les clients quitte à réduire encore plus leurs prix. Des négociations sont parfois menées entre le client et le fripier pour parvenir à un prix qui arrange tout le monde.
Une stratégie pour promouvoir le secteur
Rappelons que le gouvernement a mis en oeuvre une stratégie visant à promouvoir et développer le secteur du textile-habillement pour renforcer son positionnement sur le marché international. L’une des mesures prises concerne l’amélioration de la valeur ajoutée des articles produits en optant pour le haut de gamme qui nécessite un savoir-faire poussé et un investissement conséquent. L’objectif recherché à travers cette mesure est de contourner les articles bas de gamme importés massivement de certains pays asiatiques et vendus à des prix très bas.
Le haut de gamme exige de l’entreprise l’amélioration de son taux d’encadrement par le recrutement de stylistes-modélistes de haut niveau capables d’innover et de travailler selon la conception assistée par ordinateur. Les industriels sont encouragés également à conclure des partenariats avec les firmes étrangères pour bénéficier d’un transfert technologique et d’un accès aux réseaux commerciaux en Europe notamment où les consommateurs se comptent par millions.
Cependant, une organisation optimale de la fripe demeure nécessaire en aménageant des espaces pour ces commerçants. Il n’est pas normal, en effet, de voir les fripiers s’installer en plein centre de Tunis. En outre, les quotas d’importation doivent être revus, selon les industriels pour éviter d’inonder le marché par ces articles venus d’ailleurs. Ainsi, on pourrait sauver notre industrie et réserver une part du marché local aux articles fabriqués par les unités tunisiennes dont certaines souffrent d’un déséquilibre financier chronique et risquent de mettre la clé sous le paillasson.