Sans élections libres et transparentes, pas de démocratie digne de ce nom. La deuxième élection présidentielle depuis la révolution tunisienne marque une nouvelle étape de la consolidation de la démocratie dans ce pays.
Mais l’avenir de nos libertés ne saurait être garanti si liberté, indépendance et pluralisme du journalisme ne sont pas préservés. En quelques jours, Reporters sans frontières (RSF) vient d’obtenir la signature de 13 candidats, qui se sont engagés à protéger et renforcer le droit fondamental des citoyens à l’information.
La liberté d’expression fut l’acquis le plus immédiat de la révolution tunisienne. Aujourd’hui, malgré les progrès effectués, l’indépendance éditoriale et le rejet de la censure demeurent un objet de mobilisation pour les journalistes tunisiens. Cette liberté retrouvée a été à plusieurs reprises mise à l’épreuve, entre intimidations, atteintes à l’indépendance éditoriale et tentative de censure, le secteur des médias et les journalistes tunisiens, ont su résister et évoluer pour continuer de jouer leur véritable rôle de quatrième pilier de la démocratie naissante en Tunisie.
La Tunisie est passée de la 164ème place en 2011 à la 72ème en 2019 dans le Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF. Cette évolution n’élude pas les lenteurs qui marquent l’élaboration du nouveau cadre légal relatif au secteur médiatique. En huit ans, des fondamentaux ont été posés pour la transformation des médias tunisiens en structures professionnelles, libres, autonomes et impartiales. Fruits de la volonté des journalistes tunisiens de se libérer et qui a été secondée par un soutien indéfectible des partenaires de la société civile médiatique, ces acquis demeurent toutefois menacés par les soubresauts de la transition.
La voie vers la liberté de la presse en Tunisie est certes tracée mais il reste à la préserver et à la baliser, rôle que devrait assurer le futur président de la république en tant que gardien de la constitution. Au nom de la Tunisie, feu le président Beji Caïd Essebsi s’est engagé, le 11 novembre dernier lors du Forum de Paris sur la Paix, avec, 11 autres chefs d’Etat et de gouvernement, à appuyer l’Initiative sur l’information et la démocratie. Ils se sont engagés sur la base de la Déclaration édictée par la Commission du même nom mise en place à l’initiative de RSF. Cette commission avait proposé, dans sa déclaration rendue publique le 5 novembre 2018, que l’espace mondial de l’information et de la communication soit considéré comme un bien commun de l’humanité, dans lequel doivent être garantis la liberté, le pluralisme et l’intégrité des informations.
RSF a adressé aux principaux candidats à l’élection présidentielle un appel en 6 points marquant leur engagement en faveur du respect de la liberté, l’indépendance et le pluralisme du journalisme sur la base de la constitution tunisienne et des engagements internationaux de la Tunisie en matière de liberté de l’information. Les candidats ayant adhéré à l’engagement ont tous affirmé leur volonté de poursuivre l’appui au processus politique sur l’information et la démocratie. Il reviendra par ailleurs au futur président de la République de proposer des initiatives législatives visant à assurer la protection des journalistes et l’indépendance des organes de régulation du secteur médiatique tout en appuyant le travail de la société civile médiatique dans ce domaine.
Reporters sans frontières s’engage à poursuivre le travail avec tous ceux qui ont milité pour la liberté, l’indépendance et le pluralisme du journalisme, considérant que cet engagement dépasse le cadre de ce rendez-vous électoral et qu’il doit prendre la forme d’un outil de changement visant à rompre de façon définitive avec toutes les tentatives visant à empêcher les journalistes d’accomplir leur mission ou d’affaiblir leur capacité à le faire.
Vive le journalisme libre, indépendant et pluraliste.
Par Christophe Deloire (secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF)) et Souhaieb Khayati (directeur du bureau de Tunis)