Une délégation du Groupe d’action financière (Gafi), institution internationale en charge de l’examen et l’élaboration des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, a entamé, lundi dernier, une visite de deux jours en Tunisie, pour statuer sur la question du retrait de la Tunisie de la liste des pays soumis à la surveillance du Gafi.
La visite des experts du Gafi est décisive. A l’issue de ladite visite, la Tunisie souhaite sortir définitivement de la liste du Gafi après avoir achevé son plan d’action visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Les résultats de cette visite seront officiellement annoncés en octobre 2019 lors de l’assemblée générale du Gafi. Les experts vont s’assurer que le cadre législatif tunisien dans le domaine de la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent est bien conforme aux dispositions convenues lors de la première visite. Le Gafi a donné une dernière chance aux autorités tunisiennes, au cours du mois de juin dernier afin de réviser le plan d’action relatif à la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent.
Des secteurs exposés
La Tunisie est passée déjà de la liste noire à la liste grise en attendant de ne plus en faire partie. A noter que plusieurs secteurs et métiers sont exposés, à des degrés divers, au blanchiment d’argent. Ainsi, les secteurs de l’immobilier, de la bijouterie et des banques peuvent faire l’objet d’opérations frauduleuses visant à blanchir des sommes d’argent. D’où la nécessité de faire preuve de prudence et de vigilance pour ne pas accepter de l’argent sale provenant de la vente d’armes et de drogue. Un réseau mondial, composé de plusieurs personnes, est actif dans ce domaine et n’hésite pas à enrôler des pays en développement comme la Tunisie pour faire entrer cet argent dans le circuit financier légal.
La Tunisie a déjà pris les mesures nécessaires pour contrecarrer la prolifération de l’argent sale. Un guide relatif à la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes destiné aux intermédiaires en Bourse et aux sociétés de gestion des portefeuilles de valeurs mobilières pour le compte de tiers a même été élaboré pour sensibiliser et informer les établissements bancaires notamment à bien vérifier la provenance de l’argent. La surveillance de première ligne doit être exercée par les salariés de l’établissement concerné qui sont en contact direct avec les clients, dans le but de détecter les opérations suspectes sur la base de la cartographie des risques établie par l’établissement concerné.
Cette cartographie doit être mise à jour régulièrement. Les établissements concernés élaborent un manuel écrit à l’intention de leurs salariés chargés de la surveillance de première ligne précisant les critères appropriés leur permettant de déterminer les opérations suspectes, auxquelles il est requis qu’ils attachent une attention particulière. Le manuel élaboré doit être présenté au responsable de la conformité et du contrôle interne et agréé par les organes de direction. L’examen des opérations suspectes inclut, notamment, celui de leur justification économique et de leur légitimité apparente.
Surveillance de première ligne
Les établissements concernés précisent également par écrit à l’intention de leurs salariés chargés de la surveillance de première ligne la procédure requise en vue de la transmission des rapports écrits à la personne ou aux personnes responsables de l’obligation de déclaration à la Commission tunisienne d’analyses financières (Ctaf) au sein de la société. Les procédures écrites doivent notamment préciser que l’employé doit en cas de détection d’une opération ou transaction suspecte : ne pas alerter le client ; prendre en charge rapidement l’opération ou transaction concernée ; informer immédiatement sa direction ; envoyer à la personne chargée de la déclaration à la Ctaf l’ensemble des informations pertinentes concernant l’opération ou la transaction concernée.
Un respect scrupuleux de cette interdiction de divulgation apparaît capital au regard des objectifs poursuivis au travers de la déclaration. En effet, le secret des déclarations d’opérations suspectes constitue une condition indispensable pour que les auteurs d’opérations de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme puissent être appréhendés et leurs avoirs saisis par les autorités judiciaires. Il importe de souligner qu’une rupture de l’obligation de secret dans le but de permettre à l’auteur de l’opération de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme de se soustraire aux conséquences de la déclaration effectuée ou à effectuer pourrait, en fonction des circonstances, constituer en outre un acte de complicité de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.
S’agissant de la surveillance de seconde ligne, il y a lieu de noter que les établissements concernés complètent la surveillance de première ligne par une surveillance de seconde ligne exercée par un système de surveillance efficace. Les établissements concernés doivent instaurer un système de surveillance automatisé, sauf s’ils démontrent que la nature et le volume des opérations à surveiller ne requièrent pas l’automatisation du système de surveillance. Le système de surveillance doit faire l’objet d’un réexamen périodique de sa pertinence en vue de l’adapter, au besoin, en fonction de l’évolution des activités ou de la clientèle.
Opérations suspectes
Le système de surveillance doit couvrir l’intégralité des comptes des clients et de leurs opérations ; permettre une détection rapide des opérations suspectes ; produire des rapports écrits décrivant les opérations suspectes détectées et ceux des critères sur la base desquels elles sont considérées suspectes. Ces rapports étant transmis à la personne ou aux personnes responsables de l’obligation de déclaration à la Ctaf au sein de la société. Lorsqu’il y a suspicion de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme, et que la mise en œuvre des mesures de vigilance risquerait d’alerter le client concerné, les établissements concernés peuvent immédiatement faire la déclaration à la Ctaf sans appliquer les mesures de vigilance. Les établissements concernés doivent désigner une ou des personnes chargées d’accomplir l’obligation de déclaration à la Ctaf parmi leurs employés ou dirigeants ainsi que leurs suppléants. Ils doivent aussi communiquer au secrétariat général de la Ctaf la décision de désignation du correspondant et de son suppléant avec indication de leur qualité, fonction ainsi que de leurs coordonnées et adresses électroniques. Le correspondant et son suppléant doivent assister aux réunions périodiques des correspondants avec la commission chaque fois qu’ils y sont conviés. Ils doivent fournir, dans les meilleurs délais, à la Commission tous les documents et informations qu’elle demande.
La ou les personnes ainsi désignées doivent disposer de l’expérience professionnelle et du niveau hiérarchique au sein de l’établissement concerné qui sont nécessaires à l’exercice effectif et autonome de leurs fonctions. Elles procèdent ainsi à l’analyse des opérations et des transactions suspectes et effectuent, le cas échéant, la déclaration à la Ctaf conformément au modèle prévu par la décision de la Ctaf n°2017-1 du 02 mars 2017. Cette obligation de déclaration s’impose également concernant toute tentative desdites opérations ou transactions. En principe, la transmission de l’information doit être obligatoirement préalable à l’exécution de l’opération ou de la transaction. Dans ce cas, la déclaration doit indiquer le délai dans lequel l’opération sera exécutée, afin de permettre à la Ctaf, si elle l’estime nécessaire en raison de la gravité ou de l’urgence de l’affaire, de faire opposition avant l’expiration du délai.