Réparer les dommages, c’est bien. Mais est-ce suffisant pour faire barrage aux prochaines inondations?
Dans l’une de ses dernières apparitions télévisées dans le cadre de la campagne électorale, Youssef Chahed a lâché ce missile: pour espérer protéger définitivement la Tunisie contre les menaces des inondations, une enveloppe de l’ordre de, tenez-vous bien, cinq milliards de dinars est nécessaire. Un montant, avouons-le, hautement colossal. Une fortune qui fera vivre douilletement des générations et des générations. Or, si l’on prend acte de cette déclaration tonitruante qui est certainement le fruit d’une étude exhaustive et fiable établie par des experts en urbanisme, des questions surgissent par la force des choses : pourquoi a-t-on attendu ces jours-ci pour en parler? Pourquoi ne l’a-t-on pas fait depuis belle lurette, c’est-à-dire à l’époque où, comme le disent les sportifs, la partie était jouable et l’économie nationale, alors bien bâtie sur ses jambes, pouvait se permettre de tels investissements dont les coûts étaient plus abordables et supportables? Psychose, quand on sait que tous les pouvoirs et gouvernements, qui se sont succédé depuis l’émergence en Tunisie des inondations dans les années 60-70, n’ont pratiquement rien fait, ou ont fait peu pour s’en prémunir, abusant d’improvisation et de vaines mesures de rafistolage de façade. A l’époque, la marge de manœuvre de l’Etat était pourtant si large qu’il n’y avait ni explosion démographique, ni expansion urbaine, ni même économie en détresse. Au demeurant, inutile d’entrer dans les détails pour éviter de remuer davantage le couteau dans la plaie. Mais question impérative et «in» : est-on aujourd’hui vraiment préparé pour les… prochaines inondations? En d’autres termes, aura-t-on un remake de ce que fut la catastrophe naturelle de ce lundi 9 septembre 2019 de triste mémoire?
Bonjour répétition
En attendant, on panse ses blessures, en jouant aux effets de… l’Efferalgan qui atténuent la douleur sans garantir un (prompt) rétablissement. Regardez ce qu’on a fait depuis le cauchemar de lundi dernier. Ce qu’on a fait justement, c’est curer les oueds, refermer les barrages, soulager les réseaux des eaux pluviales et des eaux usées.
On est allé, depuis, jusqu’à ramasser les détritus jalonnant les trottoirs, retaper des égouts, pomper le reste des eaux stagnantes. Le tout avec des équipes d’intervention et des commissions de crise mobilisées 24 heures sur 24, et au rythme effréné de visites d’inspection effectuées par des membres du gouvernement et les autorités régionales et locales. Bref, l’état d’alerte est à son paroxysme. Et c’est très bien. Mais, hélas, il y a toujours un mais, est-ce suffisant pour faire bonne figure lors des inévitables inondations attendues en hiver ? La question revêt une telle importance que le fond du problème est fatalement demeuré ignoré et sa solution est, encore une fois, reportée aux calendes grecques. En effet, qu’a-t-on fait pour la rénovation des vieilles canalisations des eaux pluviales et des eaux usées? Rien. Les réseaux d’assainissement, plus que saturés, ont-ils été refaits ou renforcés ? Que nenni. A-t-on identifié un moyen ou une formule pouvant sinon punir, du moins sensibiliser le citoyen, voire le sommer de ne plus jeter ordures ménagères et détritus dans les canaux d’évacuation des eaux? Zéro tentative ! C’est pourquoi, et au risque de… déplaire aux éternels satisfaits que rien ne secoue, il est franchement à craindre, en matière de prévention contre les inondations, que d’autres catastrophes pourraient survenir. Sombre perspective ? Pourvu que les événements (imminents ?) nous contredisent.
Mohsen ZRIBI