Accueil Economie Supplément Economique Centralisation ou gouvernance locale : Quelle voie pour le développement régional ?

Centralisation ou gouvernance locale : Quelle voie pour le développement régional ?

Aujourd’hui, deux gouvernorats fonctionnent à deux vitesses, à savoir Tunis 1 et Tunis, d’un côté, et Sfax 1 et Sfax 2, de l’autre. La gestion de ces régions a toujours posé le problème du développement et de l’essor socioéconomique. Plusieurs solutions et approches ont été adoptées sans grand résultat.

À la veille des premières élections pluralistes en Tunisie (1981), Bourguiba avait déclaré que le peuple tunisien n’était pas encore mûr politiquement. Cette conviction d’un grand chef d’État peut-elle avoir cours, aujourd’hui, à la lumière des élections du 15 septembre et celles prévues le 6 octobre ?

La superficie de la Tunisie n’est que de  163.610 km2. A l’Indépendance, elle comptait quatorze gouvernorats. Cinq autres ont été créés en 1974, à l’intérieur du pays, traduisant ainsi la volonté politique de déconcentration administrative et de rattrapage socioéconomique de l’ouest de la Tunisie. Trois gouvernorats ont été par la suite mis en place au sud-ouest (Kébili, Tozeur et Tataouine) tandis que le gouvernorat de Tunis était divisé en trois (Tunis, Ben Arous et l’Ariana). En 2000, le gouvernorat de l’Ariana est scindé en deux avec l’autonomisation de sa partie sud qui constitue le gouvernorat de La Manouba.

C’est ainsi qu’il y a, aujourd’hui, 24 gouvernorats dont deux fonctionnent à deux vitesses (Tunis I et Tunis II d’un côté et Sfax I et Sfax II de l’autre).

La gestion de ces régions a, toujours, posé le problème du développement et de l’essor socioéconomique de ces zones (particulièrement, celles de l’intérieur). Plusieurs solutions et approches ont été adoptées sans grands résultats. Les gouvernorats de l’intérieur sont toujours au même stade et n’ont enregistré aucune avancée majeure. Des politiques de décentralisation, de gouvernance locale sont, alors, proposées de nouveau surtout après les changements intervenus après 2011.

L’extension des communes

Selon le Rapport n°198 du 26 mars 2019 de l’International Crisis Group (organisation indépendante qui s’emploie à prévenir les guerres et à élaborer des politiques pour un monde plus pacifique), le ministère des Affaires locales et de l’Environnement avait achevé l’extension des communes à l’ensemble du pays. On a vu 187 municipalités s’agrandir et 86 autres se créer. De ce fait, on compte 350 communes contre 264 en 2013. Un tiers des 12 millions de Tunisiens ont ainsi intégré des municipalités et obtenu le droit d’élire leurs représentants. En janvier 2017, le parlement a voté la loi électorale organisant le scrutin communal, en respectant les principes de parité hommes-femmes et de discrimination positive établis par la nouvelle Constitution. En  avril 2018, le Code des collectivités locales a été adopté. C’est ce qui a permis les premières élections municipales libres et concurrentielles de l’histoire du pays. Plus de 7.200 élus locaux ont pris place au sein des 350 conseils municipaux.

C’est ce qu’on se complaît, actuellement, à considérer comme la démocratie locale. Celle-ci s’est concrétisée grâce à des élections municipales en 2018 qui ont donné des conseils municipaux décousus et hétéroclites qui n’ont pas tardé à imploser. On a assisté, alors, à une cascade de démissions de ces conseils et à l’immobilisation de l’action des collectivités locales. Les luttes entre les intérêts contradictoires des élus et leurs pairs ont freiné l’évolution des régions au lieu de leur donner un nouveau souffle, elles n’ont fait que mettre des freins.

Les gens se consacrent beaucoup plus au sabotage des uns et des autres et à se quereller au lieu de réserver leurs capacités à répondre aux besoins des administrés. C’est pourquoi d’aucuns considèrent que cette expérience des élections municipales a été un échec. On ne croit plus au transfert des prérogatives centrales aux régions. L’inverse serait le mieux. Autrement dit, il serait plus profitable de revenir à la centralisation.  

Des partisans du régionalisme

Paradoxalement, certains de ces conseils sont devenus des obstacles devant la réalisation de grands projets nationaux tels que les routes, les ponts ou d’autres grands travaux de portée nationale. Il n’y a qu’à citer l’exemple du blocage de la réalisation du tronçon du RFR qui traverse la ville du Bardo.

Le transfert des compétences du pouvoir central est-il, donc, prématuré ? Bien des gens n’hésitent pas à l’admettre. Les résistances à cette politique de décentralisation sont persistantes et sont une source de problèmes dont on pourrait se passer. Bien au contraire, c’est l’autorité de l’Etat qui s’en ressent le plus. Et ce n’est pas par hasard que d’importants programmes de développement sont au point mort alors que les budgets sont prêts.

La faiblesse de l’autorité régionale et son incapacité à réagir faute de structures juridiques claires et précises adaptées aux nouvelles situations, ne sont plus à démontrer. Par contre, on voit se former un contre-pouvoir fort lié aux lobbies et à la puissance matérielle de personnes ayant des intérêts totalement opposés à ceux du pays. Des  partisans du régionalisme se manifestent de plus en plus et prônent des approches les unes plus absurdes que les autres.

Aussi, le bon sens voudrait-il que l’on observe une pause pour mieux voir ce qui serait le mieux pour la Tunisie de demain. On a constaté à travers chaque délégation de pouvoir au peuple ce que cela peut donner.

Toutes les élections qu’on a organisées n’ont pas fait avancer les choses. Les mauvaises surprises sont, toujours, au rendez-vous. Et, au lieu d’aller de l’avant, on ne fait que reculer. D’où l’idée qui soutient le retour à l’autorité centrale et à la restauration du prestige de l’État et non à la gouvernance par le bas comme le souhaitent certains.

Car ce serait la voie toute tracée  d’une dérive sans fin. Si d’autres pays arabes ont été détruits par les guerres, la politique proposée par nos apprentis sorciers nous mènera vers le démantèlement de toutes les structures de l’État par les outils de ce l’on appelle la «démocratie».

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