A quelques jours du démarrage de la 7e édition de Dream city, nous avons eu droit à «un aparté», une visite guidée de 3 projets en cours qui questionnent la mémoire des espaces choisis.
La question de la restauration est au cœur de ce débat artistique, si Jozef Wouters et Vladimir Miller se sont approprié une vieille demeure de la Médina cherchant à restituer ses éléments tout en respectant son écosystème, le peintre Atef Maatallah réécrit le récit du lieu « El Msab », un terrain vague de la Médina devenu au cours des années une déchèterie. De son côté, Malek Gnaoui interroge un lieu qui n’existe plus, à savoir la prison du boulevard « 9 Avril ». Il restitue le lieu par des cahiers de lettres d’anciens prisonniers.
0904 de Malek Gnaoui à l’imprimerie Finzi
L’installation de Malek Gnaoui fixe certains états d’âme et ressentis, dans des journaux blancs, chaque page est une histoire, un moment, une tranche de vie. « Il y avait, à la prison du 9 Avril, un quotidien, des règles, une solidarité. Les prisonniers, “déviants” marqués au fer rouge par le pouvoir, furent un alibi continuel pour maintenir l’ordre » explique-t-il. Malek Gnaoui reconstitue la mémoire de ce lieu comme un puzzle. Chassant les témoignages, les objets, la parole de ceux qui y ont séjourné, il regroupe les fragments pour nous plonger dans “un sentiment de « honte”». Il fait remonter à la surface une partie amputée de la mémoire. L’artiste nous fait découvrir à travers son installation une micro-société qui s’est organisée entre les murs du 9 avril, une société avec ses dominants et ses dominés, sa propre économie et des problématiques qui lui sont propres.
« El Msab » par Atef Maatallah
Des ordures et des gravas sorts des fresques murales, l’hyperréalisme de Atef Maatallah se fraye un chemin, et se place au milieu de ce lieu à la marge du quotidien. Il ne s’agit pas d’oublier les ordures, elles disparaîtront du sol après nettoyage mais leur présence est gravée et consignée sous forme de strates « géologiques ». Le nom du lieu reste le même, inchangeable. Captives entre la poussière et les nuages, imagées plutôt que réelles, elles seront une souvenance. Cet espace à la frontière entre la réalité et la fiction construit sa propre logique, laisse la place à une végétation naissante.
L’espace sort de son aparté, de son état de lieu caché, à l’abri du regard, devient public ouvert et invite une autre population à se l’approprier. L’Histoire du lieu reste gravée dans la mémoire, par son nom, le souvenir de ce qu’il était, un vestige d’un passé qui renaît et réécrit son histoire.
« The soft layer performance » de Jozef Wouters et Vladimir Miller
Le scénographe bruxellois Jozef Wouters a pris résidence dans le bâtiment historique de Dar Bairam Turki et a demandé aux habitants de la Médina quelles visions ils avaient pour lui. Une chose sur laquelle tout le monde était unanimement d’accord est que l’avenir de la Médina et du Dar Bairam Turki est une version restaurée d’elle-même. Mais quelle version du passé devrions-nous choisir pour être le nouvel avenir et comment faire ce choix ? Si le seul avenir imaginable est le passé, où en sommes-nous maintenant ?
Jozef Wouters et son collaborateur artistique Vladimir Mil rassemblent ces idées contradictoires sur la restauration dans un processus qui ajoute des couches à ce bâtiment au lieu de les décoller. Avec les artistes tunisiens Fatma Ben Saidane, Amira et Hichem Chebli, cette Soft Layer éphémère va temporairement restaurer l’imagination collective. En y ajoutant des couches, des histoires, des copies et des visions, la cour s’agrandira-t-elle un soir et pourra-t-elle contenir les nombreuses versions sans éclater ?