Accueil A la une YTRB Network, la Fabuleuse Histoire d’un Réseau de Jeunes Chercheurs Tunisiens (I): la genèse

YTRB Network, la Fabuleuse Histoire d’un Réseau de Jeunes Chercheurs Tunisiens (I): la genèse

 


Depuis son indépendance de la France coloniale en 1956, la Tunisie n’a cessé d’investir dans l’éducation et la science. La Tunisie compte actuellement 13 universités, dont la plus ancienne d’Afrique, du monde Arabe et Musulman, à savoir l’Université Ez-Zitouna fondée en 737 (Isabel Schaefer, 2018). La Tunisie compte aussi 31 centres de recherche et 6 Techno-pôles (les chiffres du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, MES).

Dans ces institutions, les laboratoires travaillant sur les sciences dites de la vie représentent 52% des activités de recherche (Biologie et Biotechnologie, toujours selon les données du MES). Ce pourcentage explique le nombre important de publications produites par les chercheurs tunisiens biologistes ces dernières années. En effet, au 1er Aout 2019, on compte plus de 21.000 papiers sur la base de données référence PubMed avec le mot clef « Tunisie » pour seulement 13.500 pour le Maroc ou encore 7.000 pour l’Algérie, à titre de comparaison. On peut aussi citer un autre paramètre révélateur, le téléchargement des papiers dits « pirates » via des sites tel que le sci-hub. La Tunisie apparaît comme un pays ou l’on télécharge le plus de papiers pirates pas seulement en Afrique ou dans la région du MENA, mais dans le monde (John Bohannon, 2016)

C’est donc une évidence que la Tunisie et les chercheurs biologistes tunisiens investissent beaucoup dans l’éducation et le développement.

 

Les utilisateurs du site pirate de téléchargement d’articles scientifiques Sci-Hub

 

Implication directe de la diaspora dans l’économie tunisienne

En se basant sur les chiffres officiels de l’Institut National de la Statistique, en 2015, la diaspora représente à-peu-près 13% de la population tunisienne et est principalement installée en Europe. En 2017, la diaspora Tunisienne a transféré « officiellement » au pays l’équivalent de 2,5 milliards de Dollar US, ce qui représente 6,5% du PIB National. Ce chiffre est supérieur à la somme des investissements étrangers et de l’assistance internationale perçue par la Tunisie (FMI, Perspectives de l’économie mondiale, 2018; Johanna Edelbloude et al, 2017). On peut imaginer dès lors le chiffre envoyé via les canaux non officiels vu le coût très élevé des transferts. Cette contribution fait donc de la diaspora la 4éme source de devise pour la Tunisie et se positionne comme un pilier important pour le développement économique du pays.

Le pourcentage des expatriés qualifiés a plus que doublé durant ces dernières années. Entre l’an 2000 et 2012, le nombre de docteurs, médecins, pharmaciens, ou encore ingénieurs représente à-peu-près 40% des tunisiens ayant quitté le pays, qui au contraire de l’immigration classique (familles, travailleurs non qualifiés et/ou peu qualifiés et qui sont principalement installés en France, en Allemagne et en Italie) sont implémentés plus largement dans le monde (Kaies Samet, 2014). De récents rapports non officiels qualifient l’immigration post-révolution (2011) des cadres tunisiens comme fuite de cerveaux, si ce n’est une hémorragie de cerveaux. En effet, 90.000 cadres ont déjà quitté le pays depuis 2012 (Frida Dahmani, 2018; Iman Zayat, 2017). On va de notre part considérer ce chiffre comme un peu exagéré mais on va définitivement adopter le phénomène.

Dans ce contexte de transition, peu d’initiatives concrètes visant à faire profiter la Tunisie, en tant que patrie de ces ressortissants, ont vu le jour visant à favoriser et à optimiser le rôle de cette communauté de scientifiques en ‘transhumance’. Conscient du rôle considérable que peut avoir la diaspora tunisienne dans le développement en générale et dans les sciences et l’éducation en particulier, le projet YTRB pour Young Tunisian Researchers in Biology a vu le jour. Ce projet est d’autant plus crédible que ses fondateurs sont tous issues des universités tunisiennes est ayant fait au moins un stage postdoctoral à l’étranger.

Nucléosynthèse* du YRTB

L’idée a émergé fin 2014 lors d’une conférence en biotechnologie en Tunisie. Deux jeunes chercheurs travaillant en France se sont rencontré se sont mis a critiquer autour d’un café le format des conférences jusque là organisées au pays (Mohamed Jemaà et Chamseddine Kifagi de l’Université de Montpellier, vieux copains et diplômés de l’Institut Supérieur de Biotechnologie de Monastir). Unanime sur la nécessité de voir les jeunes chercheurs plus impliqués dans l’organisation et l’animation de ce genre d’événements scientifiques. Très vite, d’autres amis et collègues très enthousiastes les ont rejoints à savoir Walid Elfalleh de l’Université de Gabes, Imen Chamkha de l’Université de Lund en Suède, Myriam Fezai de l’Université de Tübingen en Allemagne et Fakher Frikha de l’Université de Sfax. L’idée principale était donc l’organisation, à l’horizon de l’année 2016, d’un premier symposium international avec comme conférenciers des jeunes chercheurs chef d’équipe (Denrée toujours rare en Tunisie), communément appelés Principal Investigator (PI).

Pour former un comité d’organisation en bonne et due forme, un Email a été envoyé a un large groupe de jeunes chercheurs biologistes tunisiens pour leur expliquer l’idée principale et en les invitant à joindre l’aventure. C’est ainsi que Ons Mamai de l’Université de Californie au Etat Unis, Chaker Slaymi de l’Université de Montpellier en France, Radhouène Doggui de l’Université de Carthage, Nourhène Fendri de l’Université de Sfax et Abdelaziz Tlili de l’Université Al Sharjah au Emirat Arabe Unis ont rejoins le groupe. Le premier comité YTRB fut ainsi crée !

(À SUIVRE…)

 

*Nucléosynthèse: Ensemble des processus qui conduisent à l’apparition des éléments chimiques constituant la matière de l’Univers.


Références

  • Declan Butler (2011) Tunisian scientist rejoice at freedom, Nature 469, 453-454
  • Fezai Myriam, Slaymi Chaker, Ben-Attia Mossadok, Kroemer Guido, Lang Florian, Jemaà Mohamed (2017) Inhibition of Colon Carcinoma Cell Migration Following Treatment with Purified Venom from Lesser Weever Fish (Trachinus vipera). Cell Physiol Biochem 41(6), 2279-2288
  • Fezai Myriam, Slaymi Chaker, Ben-Attia Mossadok, Lang Florian, Jemaà Mohamed (2016) Purified Lesser weever fish venom (Trachinus vipera) induces eryptosis, apoptosis and cell cycle arrest. Scientific Reports 20(6), 39288
  • FMI, Perspectives de l’économie mondiale (2018) Chapitre 1, Octobre
  • Frida Dahmani (2018) Tunisie: la fuite des cerveaux s’accélère, Jeune Afrique, 10 May
  • Iman Zayat (2017) Exodus of highly skilled labour could cripple Tunisia’s development prospects, Arab Weekly, 19 November
  • Isabel Schaefer (2018) Political Revolt and Youth Unemployment in Tunisia: Exploring the Education-Employment Mismatch. Middle East Today, Palgrave Macmillan
  • Jemaà Mohamed, Abassi Yasmin, Kifagi Chamseddine, Fezai Myriam, Daams Renee, Lang Florian and Massoumi Ramin (2018) Reversine inhibits Colon Carcinoma Cell Migration by Targeting JNK1. Scientific Reports 8(1), 11821
  • Jemaà Mohamed, Fezai Myriam, Bissinger Rosi, Lang Florian (2017) Methods Employed in Cytofuorometric Assessment of Eryptosis, the Suicidal Erythrocyte Death. Cell Physiol Biochem 43(2), 431-444
  • Johanna Edelbloude, Charlotte Fontan Sers and Farid Makhlouf (2017) Do remittances respond to revolutions? The Evidence from Tunisia, Research in International Business and Finance, 42, 94-101
  • John Bohannon (2016) Who’s downloading pirated papers? Everyone, Science 352(6285), 508-512
  • Kaies Samet (2014) La fuite des cerveaux en Tunisie, Hommes & migrations, 1307, 123-128

 


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