Le grand réalisateur taïwanais passé à Hollywood, Ang Lee, sort «Gemini Man», film d’action dans la lignée d’un James Bond.
Après Tigre et dragon, L’Odyssée de Py ou Le Secret de Brokeback Mountain, Ang Lee signe un film d’action dans les règles de l’art avec Will Smith dans un double rôle étonnant. Avec une qualité d’image révolutionnaire, au relief bluffant, Gemini Man n’en reste pas moins décevant par rapport aux attentes.
Looper
Henry Brogan (Will Smith) est considéré comme le meilleur tueur à gages au monde. Ce n’est pas pour rien que la CIA fait systématiquement appel à lui. Jusqu’au jour où un concurrent se dresse devant lui et le met en échec. Etrange : il lui ressemble comme deux gouttes d’eau, vingt ans en moins, et tous deux agissent de manière identique. Brogan doit faire face à son pire ennemi: lui-même !
Le canevas de Gemini Man rappelle Looper (Rian Johnson, 2012, avec Bruce Willis), où un tueur à gages futuriste envoyé dans le passé doit éliminer un témoin gênant qui n’est autre que lui-même avec vingt ans de plus. Les jeux sur le temps sont complexes à décrire, tout comme ceux du thème du double (doppleganger, selon le terme allemand consacré). Gemini Man relève du genre en surfant, comme Looper, sur le thriller d’action teinté de science-fiction, pour donner au final un divertissement sans surprise.
120 images par seconde
C’est en cela que l’on attendait mieux de Ang Lee, réalisateur exigeant, entier, qui, ici, semble se plier à une commande au goût de réchauffé. Car il ne surprend guère avec son idée de science-fiction (que l’on ne dévoilera pas, mais facile à deviner), et des scènes d’action (gunfights et poursuites) que l’on croirait sorties d’un James Bond. Très réussies (surtout une poursuite en moto remarquable), elles n’en demeurent pas moins anonymes, comme tournées par un réalisateur de seconde équipe talentueux. Le drame au cœur du film est secondaire, inexploité et aboutit à un happy-end conventionnel et consternant.
Reste un divertissement de cinéma du samedi soir, respectable, mais qui a ses limites. L’on espérait mieux d’un réalisateur qui a su être à la fois populaire et exigeant par le passé. Demeure un procédé filmique révolutionnaire consistant à tourner à 120 images par seconde, au lieu des 24 images par seconde traditionnelles. Le système génère une définition de l’image et une profondeur de champs inédites, au relief (avec lunettes) jamais vu. C’est la seule innovation du film de Ang Lee, mais elle est de taille.