Le meilleur emploi, c’est celui qui dure et qui produit des richesses, qui elles, à leur tour, s’investissent en créant d’autres emplois.
C’est un processus vertueux cumulatif et c’est l’objectif final ciblé par les décideurs, partout dans le monde.
C’est l’objectif final des pouvoirs publics en Tunisie, du moins dans les discours.
Cependant, une série de signaux négatifs convergents se sont récemment multipliés en Tunisie, à la lumière de la crise multiforme, et ses effets sur l’économie réelle.
Des signaux qui nous renvoient à un certain nombre de considérations.
Tout d’abord, il n’y a pas d’emplois sans investissements.
Des investissements dans des emplois durables, qui garantissent un juste revenu aux producteurs et qui les incitent à innover en répondant à de nouveaux besoins sociaux… Il s’agit donc de bousculer les idées reçues.
Comme le font remarquer des économistes que certains pseudo « experts » qualifient « théoriciens », quand une entreprise emploie, elle ne le fait pas pour « rendre service », c’est parce qu’elle attend « un plus » en retour. Sinon, elle ne le fait pas.
Ce qui nous renvoie à la problématique du rendement du travail fourni par l’emploi. Un rendement quantitatif et qualitatif.
Les tentatives de tous les décideurs, qui se sont bousculés au portillon de la Kasbah et de la Banque centrale de Tunisie (BCT) depuis 2011, d’expliquer le chômage à partir de réflexions exclusivement économiques et monétaires, nous poussent à mettre en exergue la pertinence du débat : le chômage, la misère et les ravages sociaux sont-ils principalement ou seulement accessoirement liés au champ économique?
Est-il congru d’imputer l’essentiel du chômage à l’évolution des agrégats macro-économiques?
Il est certain que la recherche d’un « meilleur emploi » passe par celle d’une croissance aussi soutenue que possible, d’un soutien effectif de l’effort d’investissement, et notamment d’une détente réelle des taux d’intérêt.
Cependant, l’aspect « économique » du chômage, en Tunisie, n’occulte pas les autres sources non économiques de ce dernier, et notamment ses aspects « structurels ».
Dans quelle mesure peut-on évincer l’inefficacité des politiques de l’emploi et du travail, des comportements contre-productifs des organisations syndicales et patronales?
Dans quelle mesure peut-on évincer les conséquences de l’immobilisme institutionnel de tous bords et leurs effets sur le dysfonctionnement du marché du travail?
« L’économie » ne se résume pas à la « seule recherche du profit ». Néanmoins, elle constitue un moyen efficace pour offrir aux hommes des perspectives de progrès et cimenter un lien entre l’individu et le collectif, avec un véritable « retour sur investissement » pour la collectivité avec en filigrane, la relation entre « l’économie » et le « profit social», c’est-à-dire l’économie socialement efficiente.
Enfin, l’efficience sociale renvoie à son tour à la sphère économique, c’est-à-dire à l’économie de marché. D’où le dilemme: « Pour ou contre l’économie de marché ». Ce question obsède et cristallise le débat centré autour de la critique de l’économie qui considère le travail comme un service offert (par les employés) et demandé (par les entreprises) sur un marché (du travail) mouvant au gré des besoins des entreprises (à l’écoute du marché des produits) et qui expriment des besoins en matière de qualifications.
Des besoins que le système de formation doit satisfaire, au risque de ne pas s’adapter au monde réel, avec comme résultat « un retour sur investissement » nul et socialement contreproductif.
Une économie de marché au service de l’homme ?
Dans quelle mesure est-elle réelle ?
Dans quelle mesure est-elle possible ?
Quels en seraient les moyens (économiques, éducatifs…) pour qu’elle se développe « socialement » ?
L’économie peut-elle constituer un excellent outil au service du progrès social ? Un défi ?
Le véritable défi est de décloisonner l’économie et le social, en les « co-intégrant » l’un dans l’autre, en réinventant les nouveaux liens fructueux par l’insertion des « sans-emplois », notamment les jeunes, dans ce qu’il convient d’appeler « une économie sociale de marché ».
D’autres l’ont fait… Ils ont très bien réussi… Nous y reviendrons.
Dr Tahar El Almi :
Economiste-universitaire