16% Seulement des ménages ont emprunté un crédit formel durant l’année passée. Environ 17% des Tunisiens épargnent sur un compte épargne. Ces taux très faibles ont été révélés par une étude qui estime, cependant, que l’accès aux services financiers est bon en Tunisie.
Si l’on parle d’une économie informelle assez importante en Tunisie, une estimation approximative de cette économie souterraine à travers des indices sur l’inclusion financière peut être édifiante et nous éclairer davantage sur l’ampleur de l’informalité financière. Elle peut également donner des pistes de réflexion sur les raisons, notamment sociales, des comportements favorisant le recours au financement informel.
Une étude récente a été réalisée et publiée, à cet effet, en 2019 par l’Observatoire de l’Inclusion Financière (OIF), relevant de la Banque centrale (BCT). Ses résultats reflètent le niveau d’inclusion financière en Tunisie. Ils sont catégorisés selon 3 axes, à savoir l’accès aux institutions financières, l’usage et finalement la perception de la qualité des services financiers. Dans ce qui suit, nous allons nous intéresser principalement au volet usage, et ce, dans l’objectif de donner un aperçu sur le degré d’intégration économique des diverses tranches sociales.
Etude de référence
Tout d’abord, il est à souligner que l’étude sur l’inclusion financière se base sur 22 indicateurs définis consensuellement avec les parties prenantes du secteur, tout en étant en adéquation avec les standards nationaux, et constitue une étude de référence au niveau national et régional. Elle permet de mesurer le niveau de l’inclusion financière pour les individus et les micro-entreprises. Pour le 1er axe, en l’occurrence l’usage, les résultats ont démontré, en somme, un faible recours des Tunisiens aux services financiers formels sous toutes leurs formes, avec des disparités géographiques et sociales, mais également en termes de genre. Ainsi sur un échantillon de 6.250 ménages répartis dans les quatre coins du pays, 4.853 ménages ont déclaré qu’au minimum un adulte faisant partie du ménage est client d’une institution financière, soit un taux de 61%. La Poste, l’institution monopolisée par l’Etat, est en continuelle rivalité avec les banques.
En effet, 33% des ménages sont bancarisés contre 32% affiliés à la Poste. Environ 5% des ménages sont des clients d’une institution de microfinance et seulement 2% bénéficient d’une assurance non obligatoire. Ces résultats reflètent un potentiel d’exploitation pour les divers segments du marché financier, notamment les Institutions de microfinance et les assurances. Ils sont considérés comme très faibles en comparaison des standards internationaux.
Décalage régional
En termes de répartition géographique, un décalage entre les régions a été également observé au niveau du comportement d’usage des services financiers. Les taux des ménages affiliés aux institutions financières dans les régions du Grand-Tunis et le Nord-Est dépassent largement le taux national enregistré (61%) pour se fixer aux alentours de 71%. Pour le reste du pays les taux des ménages clients d’une institution financière varient entre 50% (enregistré au Centre-Est) et 58% (pour le Nord-Ouest).
Le taux de bancarisation le plus élevé s’établit au Grand-Tunis à 48%, tandis que le taux d’adhésion aux institutions de microfinance le plus important a été enregistré au Nord-Ouest, il est égal à 8%. Les clients de la Poste se font plus nombreux dans le Nord-Est et le Nord-Ouest du pays avec des taux respectifs de 49 et 40%.
Des disparités sociales
Une autre disparité basée sur le genre a été soulevée. En effet, seulement 51% des femmes sont clientes d’une institution financière, tous types confondus, contre 71% pour les hommes, soit un écart de 20% entre les deux genres. Par contre, la gent féminine est plus nombreuse à s’adresser aux institutions de microfinance avec un taux qui avoisine les 6%, soit deux points de plus par rapport aux hommes et un point de plus par rapport au taux national (5%). Aussi, il est à noter que les ménages habitant les milieux ruraux sont moins bancarisés que ceux qui habitent les zones urbaines. Les taux de recours aux services financiers de la Poste dans les deux milieux sont très proches et ne reflètent pas un écart significatif (32 et 34%).
Un autre facteur s’avère déterminant : le revenu du ménage. Plus le revenu est important, plus le taux d’affiliation à une institution financière augmente. En effet, 87% des ménages dont le revenu dépasse les 1.500 dinars sont clients d’une institution financière. Plus de 68% d’eux sont bancarisés. En contrepartie, seulement 44% des ménages dont le revenu est inférieur à 500 dinars sont affiliés à une institution financière.
La finance digitale n’a pas la cote
Pour la finance digitale, les Tunisiens ne sont pas encore enclins à l’usage des services financiers digitaux. Ils préfèrent encore l’usage exclusif du cash pour les transactions financières dans la vie quotidienne qui prévaut avec un taux dépassant les 69%. Ce taux est revu à la baisse pour les ménages à haut revenu, mais demeure encore important aux alentours de 50%. Un autre chiffre révélateur : uniquement 3% des Tunisiens ont recouru à des services financiers, principalement des virements, sur téléphone mobile, durant les 12 derniers mois.
Les Tunisiens empruntent en dehors des banques et des institutions de microfinance et épargnent principalement de manière informelle, soit en liquide ou au domicile. 16% seulement des ménages, objet de l’enquête, ont eu recours au crédit formel durant l’année passée et 17% épargnent sur un compte épargne.
Tous ces résultats ont été enregistrés malgré le bon accès aux services financiers : 91 points d’accès et 38 DAB pour chaque 100 mille adultes. Certes, les disparités selon les régions, la nature socio-démographique du milieu existent, mais l’accès aux services financiers est jugé bon en Tunisie.