Instabilité politique en vue et qui pèsera de tout son poids et d’une manière négative sur la crise économique en passe de devenir chronique, conflits sociaux qui ne manqueront pas d’éclater et dont les germes sont partout, y compris au sein des familles elles-mêmes, guerres idéologiques qui pourraient dégénérer, profonde crise morale, profonde crise de citoyenneté, etc.
Autant de problèmes sérieux et parfois très difficiles à résoudre qui assombrissent les horizons de la Tunisie. Problèmes puisant leurs origines dans un système autocratique violent et corrompu qui ronge la société depuis des décennies, qui ont éclaté au grand jour depuis plusieurs mois et qui ont pris, aujourd’hui et à l’occasion des élections présidentielle et législatives, des dimensions cauchemardesques.
Avec les deux pays voisins en ébullition, une crise économique mondiale qui s’annonce grave et difficile à surmonter, la situation de la Tunisie est devenue, le moins que l’on puisse dire inquiétante, surtout qu’elle n’a jamais cessé d’être infiltrée par les renseignements étrangers et que les puissances étrangères autant que les multinationales comptent asseoir davantage leur mainmise sur notre économie, par le biais, entre autres, d’un pouvoir politique faible.
La faiblesse du pouvoir est, il faudrait le rappeler, une donnée constante depuis le milieu des années 1950 avec le conflit Bourguiba-Ben Youssef, et ce, malgré le caractère autocratique et violent dudit pouvoir (Création au milieu des années 1960 de l’Etat-parti) pour atteindre son paroxysme au milieu des années 1970.
A cette époque-là, la bande au pouvoir avait tripoté la Constitution pour créer la présidence à vie, à la suite du grand scandale relatif à l’union avortée avec la Libye. Ce même pouvoir qui perdit sa légitimité en 1978 en matant dans le sang le soulèvement populaire du 26 janvier, a mis l’économie du pays à genoux pour la livrer en 1986 aux diktats du Fonds monétaire international (FMI).
En écartant Bourguiba, en novembre 1987, Ben Ali avait promis monts et merveilles aux Tunisiens, tout en s’engageant, devant la société internationale, à instaurer la démocratie et à respecter les droits de l’Homme. Au lieu de cela, il créa à côté du pouvoir, resté oligarchique, une mafia politico-économique et se jeta pieds et poings liés dans les bras du sionisme international.
Afin de maquiller la perte de sa crédibilité, il jouera à fond la carte du populisme et celle de la sécurité. Résultat, stérilité de la société qui est entrée en décomposition, et qui est devenue par conséquent incapable de produire des élites.
Coupé de la population, le pouvoir continua sa mue mafieuse tout en s’entourant de hordes d’opportunistes et d’affamés pour montrer à l’opinion publique internationale qu’il jouissait d’une popularité incontestable. Eh bien, tout ce que nous vivons aujourd’hui comme déchirements et égarements sont le fruit de ces pratiques érigées en politiques publiques tout au long d’un demi-siècle, auxquelles sont venus s’ajouter les sous-produits d’une mondialisation sauvage et inique qui possède le pouvoir de détruire toutes les particularités pour créer l’homme-objet.
Nous voilà donc devant un parlement qui risque fort de connaître la pire des crises car il est difficile, au regard des résultats actuels, encore provisoires, du scrutin de dimanche dernier, de constituer une coalition capable de mettre en place un gouvernement.
Un parlement qui illustre, à merveille, le populisme et la raison sécuritaire avec ses multiples dimensions, déjà cités. Un parlement qui est le fruit de l’ignorance et de la peur, devenues endémiques depuis des lustres. Or, ces deux fléaux n’ont jamais rien construit. Pire, ils ont déjà ouvert grande la porte à la colonisation. Celle-ci est aujourd’hui à peine voilée.
Une énième crise qui finira par asphyxier notre économie déjà suffocante, surtout que partis et indépendants qui au lieu de proposer de vrais et sérieux programmes aux électeurs, avec de grandes réformes et de nouveaux horizons, avaient avancé des listes d’actions pour la plupart d’entre elles de rafistolage.
Aucun salut ne viendra de ce bourbier. La seule solution est celle que nous n’avons cessé de promouvoir sur ces mêmes colonnes, s’asseoir autour d’une table, concevoir une charte que nous pourrions appeler la «Constitution économique et sociale » du pays, puis élaborer un nouveau modèle de développement et le mettre en œuvre.
Par Foued ALLANI