La mobilisation apparemment spontanée et généralisée des jeunes pour nettoyer et embellir nos rues pourrait-elle déclencher d’autres mouvements similaires pour d’autres causes publiques, rompant ainsi avec la mentalité d’assisté et la «revendicationnite» aiguë dont souffre notre pays et qui parfois devient grave de par ses conséquences ?
Espérons-le, car ce comportement à haute valeur civique manquait à notre société, qui préfère, suivre au lieu de réfléchir, subir et non agir, revendiquer sans pour autant mieux s’acquitter de ses devoirs, s’embourber dans des futilités au lieu de se surpasser.
Une mobilisation qui nous a rappelé ces groupes d’autodéfense qui se sont formés dans nos quartiers pour protéger les leurs d’éventuelles attaques et autres actes de vandalismes et de pillage. Il faudrait cependant faire attention à ce que ces groupes ne soient pas récupérés par des organisations aux desseins hors la loi.
Sans doute enthousiasmés par les messages lancés par Kaïs Saïed, candidat heureux à la présidentielle, qui devrait aujourd’hui être intronisé troisième président de la IIe République, appelant à libérer l’initiative des jeunes, ces groupes, qui parfois font dans l’excès, ont démontré, que le peuple est capable de sortir le pays de la crise dont il souffre en se libérant des carcans qui le paralysent.
Adeptes du pessimisme et atteints de « complotite » chronique, bon nombre de Tunisiens se sont employés à saper à la racine cet élan et à le massacrer à tout bout de champ, au lieu de l’encourager ou de mettre la main à la pâte et prodiguer des conseils à ces jeunes qui parfois croient bien faire en bariolant certains espaces publics.
Face à l’initiative de faire don d’une journée de travail par mois pendant cinq ans, afin d’éradiquer la pauvreté et la précarité, bon nombre de ces grincheux ont fait preuve d’une agressivité inquiétante laissant exprimer ainsi leur crainte de voir cette proposition se transformer en une règle contraignante qui viendrait perturber leur train de vie.
Pour notre part, nous avons à plusieurs reprises et depuis 2011 appelé à ce que les autorités publiques ordonnent la mobilisation générale de la population afin d’éradiquer la pauvreté, de nettoyer nos villes et villages, d’intensifier le boisement du pays, de consommer tunisien, d’économiser l’eau et l’énergie, de lutter efficacement contre les fléaux sociaux et sanitaires, etc.
C’est-à-dire de focaliser toutes les énergies sur des objectifs de développement bien précis au lieu de les gaspiller dans les conflits, le farniente (y compris dans ces catastrophes sociales nommées cafés), la débauche, la violence, la criminalité, etc.
Fort de cet éveil et cette mobilisation pour la bonne cause, le nouveau président veillera à ce que cet élan ne se traduise pas par la création d’organisations qui transformeront ces actions spontanées en slogans et règles à imposer aux autres et obliger ainsi les gens à adhérer à leurs actions.
Le nouveau locataire de Carthage devrait rester vigilant et ne pas vouloir à tout prix imposer sa vision sans que la société ne soit bien préparée pour s’en approprier. Il ne faudrait surtout pas qu’il oublie qu’une bonne partie de ses électeurs le sont par nécessité, car ayant sanctionné ses adversaires
Saïed devrait donner l’exemple en réformant d’abord l’institution présidentielle restée hypertrophiée et très coûteuse. Il devrait commencer par revoir nettement à la baisse les avantages du président de la République, surtout le parachute doré cousu de fil d’or par Ben Ali qui avait fait adopté puis promulgué la fameuse loi de la honte, celle numérotée 2005-88, du 27 septembre 2005.
Des avantages révoltants accordés par ladite loi aux présidents après la fin de leur mission et à leurs ayants droit et qu’aucun des quatre présidents qui se sont succédé à la tête de l’Etat n’a osé revoir ou essayé de susciter un débat autour d’elle.
C’est qu’un président coûte déjà très cher en termes d’avantages en nature, que dire alors côté salaire. Surtout s’il effectue des déplacements improductifs à l’extérieur comme à l’intérieur du pays ou termine un mandat sans aucun plus pour le pays et qu’il continue à filer, après tout ce gâchis, une retraite dorée.
Il s’agit de le prémunir contre les tentations et la corruption et aussi de préserver le prestige de l’Etat, arguent ceux qui sont pour l’octroi de ces émoluments au président. Pourquoi alors l’agent municipal, l’agent de police, l’instituteur, l’infirmier et autres membres de professions délicates ne bénéficient-ils de cette logique ?
Par Foued ALLANI