Le projet de loi sur le Code des eaux est enfin prêt. Il comporte plusieurs dispositions de nature à combler les lacunes constatées dans l’ancien Code qui date de 1975. Les dispositions stipulent notamment le droit des citoyens à l’eau potable, l’équité de la distribution des ressources en eaux et la responsabilité régionale au niveau de la gestion et de la bonne gouvernance.
Le projet de la loi organique relative à la promulgation du Code des eaux a été approuvé lors d’un Conseil ministériel, tenu, récemment sous la présidence du chef du gouvernement. Le projet du Code des eaux est nécessaire vu la multiplication des ouvrages et de l’infrastructure de base hydraulique, et ce, depuis des décennies. En outre, les changements climatiques et les quantités limitées en eau ainsi que l’intensification de la demande ont eu des répercussions négatives et des perturbations importantes au niveau de l’équilibre entre l’offre et la demande. L’ancienne loi est donc devenue inadaptée aux exigences de la Constitution de la deuxième République qui a consacré le droit du citoyen à l’eau. Celle-ci doit être préservée et exploitée d’une façon rationnelle.
Il s’est avéré que le Code des eaux de 1975 comporte plusieurs lacunes, ce qui a eu pour conséquence une exploitation effrénée des eaux souterraines, qui a dépassé les capacités disponibles et autorisées. En effet, le Code en question n’a pas tenu compte de la demande et s’est contenté de l’offre. On a constaté aussi une absence de programmation intégrée des ressources en eau au niveau local, régional et national. L’activité de forage n’a pas été réglementée alors que les techniques et les méthodes d’accès à l’eau ont connu, au cours de ces dernières années, une évolution appréciable. Plus encore, les données relatives aux eaux ne sont publiées, ce qui constitue un manque de transparence et n’encourage pas les investissements liés à ce secteur vital.
La société civile non impliquée
L’un des points faibles de la politique de l’eau au cours de la période passée s’explique par l’absence de la société civile dans la gestion intégrée des eaux et la non-participation des exploitants et des utilisateurs des eaux dans la prise de décision. Le cadre institutionnel actuel ne répond plus aux exigences de la gestion rationnelle, de la préservation et du contrôle des ressources hydriques. De son côté, l’aspect dissuasif n’a pas été mis à jour, à l’encontre des crimes perpétrés dans le domaine de l’eau, et ce, depuis la promulgation du Code des eaux en 1975, ce qui a encouragé certaines personnes à s’attaquer à la propriété publique hydrique et contribué au déséquilibre entre l’offre et la demande. Même les Groupements de développement actifs dans le domaine des eaux n’ont pas été en mesure de gérer de façon adéquate les systèmes hydrauliques car ils ne font pas l’objet d’un contrôle sur son rendement administratif et financier.
Compte tenu de toutes ces insuffisances, il a été décidé de promulguer un nouveau Code des eaux, adapté aux exigences de l’étape actuelle et celle du futur et consacrant les dispositions de la Constitution du 27 janvier 2014, notamment celles qui évoquent le droit du citoyen à l’eau, à un environnement sain, à une vie décente, à un développement durable, à un équilibre entre les régions et une équité sociale, au droit d’accès à l’information et au renforcement de la décentralisation. Il s’agit aussi de considérer les richesses naturelles comme étant une propriété du peuple tunisien. D’où la nécessité d’assurer leur exploitation rationnelle. L’élaboration du nouveau Code des eaux a commencé depuis une dizaine d’années et sur plusieurs étapes. Des experts, cadres et représentants de la société civile ont été impliqués dans l’élaboration du nouveau document. Depuis deux ans, les travaux y afférents ont été accélérés grâce à la conjugaison des efforts de toutes les parties prenantes pour arriver, enfin, à une ébauche de Code des eaux, approuvée par un Conseil ministériel.
La décentralisation au cœur du débat
Les principales dispositions du nouveau Code des eaux considèrent, entre autres, les ressources hydriques comme une richesse naturelle à exploiter et à préserver. Le principe du droit à l’eau potable et à l’assainissement est consacré. Le concept de la décentralisation est intégré dans la gestion de la propriété publique hydrique, et ce, par l’installation de conseils régionaux des eaux. Le principe de la solidarité nationale et de l’équité dans la distribution des eaux sera retenu et appliqué.
Le projet du Code des eaux comporte aussi des dispositions supplémentaires en cas de force majeure comme les inondations et la sécheresse. Il est obligatoire, cependant, de publier les informations relatives aux eaux et auxquelles le citoyen a droit d’accéder. Les ressources hydriques doivent, en outre, faire l’objet d’une bonne gouvernance en impliquant la société civile et les utilisateurs des eaux dans la réalisation de plans hydriques et la gestion durable de ces ressources. L’aspect dissuasif sera renforcé pour rappeler à l’ordre les personnes qui endommagent la propriété publique hydrique.
Par ailleurs, le projet du Code des eaux a mentionné la consolidation du cadre institutionnel de gestion et de préservation des ressources hydriques à travers un certain nombre de dispositions dont la création de Conseils régionaux des eaux en vue d’étudier les aspects liés à la gestion de ces ressources au niveau régional dans le cadre des stratégies nationales. Il est question, de même, de créer un Conseil national régulateur des services hydriques dont le rôle consistera à évaluer et réguler les services publics dans le domaine de l’eau, et ce, pour garantir une distribution équitable de l’eau pour tous les citoyens et assurer son utilisation dans les différents domaines. Par ailleurs, il est prévu la création d’une agence nationale de protection de la propriété publique hydrique dont le rôle sera essentiellement de contrôler et de protéger cette propriété. Les Groupements de développement dans le secteur de l’agriculture et de la pêche opérant dans le domaine de l’eau seront, quant à eux, remplacés par des Groupements hydriques à intérêt public.