Accueil Société A l’approche des pluies de l’hiver et un an après les inondations dans la région de Nabeul : Le spectre d’une nouvelle crue hante les esprits

A l’approche des pluies de l’hiver et un an après les inondations dans la région de Nabeul : Le spectre d’une nouvelle crue hante les esprits

Un peu plus d’un an après les pluies torrentielles qui se sont abattues sur Nabeul et qui ont causé des dégâts considérables aux maisons et aux commerces de la ville, les habitants vivent dans la psychose que cette catastrophe ne se reproduise à nouveau. Cette inquiétude est d’autant plus légitime que la géographie de cette partie du Cap Bon confère de la plausibilité à cette théorie.

Au cours des vingt dernières années la conjugaison de plusieurs facteurs a balisé le terrain à une vulnérabilisation plus élevée de la région de Nabeul, contribuant ainsi à augmenter le risque d’inondation dans cette partie du Cap Bon. Le couvert végétal des montagnes, qui encerclent les deux villes et qui représente un rempart naturel contre les inondations, a fini par disparaître au fil des années. A cela vient s’ajouter une urbanisation galopante et chaotique qui s’est traduite par la hausse du nombre des constructions anarchiques aménagées sur les parcelles agricoles qui absorbent l’eau et sur les lits des oueds qui se sont considérablement rétrécis, impactant négativement leur capacité naturelle à assurer la fluidité du ruissellement les eaux pluviales. Une autre raison serait également derrière la mauvaise évacuation des eaux pluviales: les lacs collinaires qui ne joueraient plus convenablement leur rôle. La réalisation de ces derniers a été décidée en 1986 après la survenue d’inondations provoquées par les pluies torrentielles qui se sont abattues sur la ville de Nabeul. Face à l’ampleur des dommages provoqués par les eaux pluviales, les autorités de l’époque ont décidé de mettre en place un programme prévoyant la construction de lacs collinaires sur les bassins versants des oueds afin de faciliter la collecte et le stockage des eaux pluviales. Alors que 30% n’ont jamais vu le jour, 90% des édifices qui ont été réalisés ont fini par s’ensabler et sédimenter à cause du manque d’entretien qui les a rendu inefficaces et inopérants.
Le problème du stockage et de l’emmagasinage des eaux pluviales a refait à nouveau surface après les pluies torrentielles qui se sont abattues le 22 septembre 2018 et qui ont révélé et mis à nu le problème d’évacuation des eaux pluviales dont les flots ont tout charrié et emporté sur leur passage. «Ce jour-là, l’eau a atteint 1m80 dans les maisons et les commerces par endroits», se souvient Jamil Rafrafi, ingénieur général en génie civil.

Aucun rempart naturel n’a été efficace
La plupart des locaux et des habitations ont été inondées par des quantités de pluies exceptionnelles qui ont atteint presque 200 millimètres en quelques heures, ce qui représente 50% de la moyenne annuelle de précipitations. «Le club de Nabeul conscient de la gravité de cette catastrophe du 22 septembre 2018 a pris en charge l’établissement d’un constat suivi d’un diagnostic de tout ce qui s’est passé au cours de cette journée, a relevé M.Rafrafi. Fort de ce dossier, le club a organisé une journée de sensibilisation des autorités locales et régionales ainsi que de la société civile afin de leur faire prendre conscience de l’ampleur de cette catastrophe. Cette journée a été intitulée
Li kay la nensa“ ».
Le club a poursuivi sa réflexion en proposant des solutions appropriées pour éradiquer le passage des sept cours d’eau traversant la zone urbaine Nabeul et Dar Chaâbane El Fehri, et ce, en proposant la solution de mise en place d’un canal ceinture pour la déviation des eaux passant par ces oueds directement vers la mer par le biais des deux oueds d’extrémité Est et Ouest, à savoir Oued El Kebir côté est et Oued El Maleh côté ouest.
«Cette solution ne sera efficace que si elle est complétée par les deux sous-projets suivants, à savoir le traitement du sol et le reboisement de la partie amont du canal ceinture et un réseau d’assainissement des eaux pluviales dans la zone urbaine en aval du canal», poursuit M. Rafrafi.
Une équipe composée du professeur de génie civil, Najla Tlatli Hrigua, et de trois étudiants en hydraulique de l’INAT vont prendre, à leur tour, la relève en réalisant une étude basée sur le diagnostic, l’identification et la présentation de solutions d’ordre structurel qui permettraient d’atténuer, voire d’éviter que la ville ne soit envahie par les flots chaque fois que des trombes s’abattent sur la région de Nabeul.
L’étude a finalement montré que ce qui s’est passé dans la région de Nabeul, l’an passé, était prévisible au vu des remparts naturels qui n’ont pas joué leur rôle et du réseau de conduites non adapté à la collecte des eaux pluviales. Les averses exceptionnelles qui se sont abattues sur la ville ce jour-là ont été précédées deux jours avant par une bruine qui a saturé les sols des parcelles agricoles rendant difficile l’absorption des eaux pluviales le 22 septembre 2018. Idem pour les «tabias» et le couvert végétal qui n’ont pas rempli non plus leur fonction de capteur d’eau à cause du manque d’entretien. Ensablés et sédimentés, les lacs collinaires construits sur les bassins versants n’ont servi à rien. Sans compter que les quantités exceptionnelles d’eau n’ont pu être détournées et évacuées complètement à travers les lits des oueds remplis de remblais, gravats et de déchets de toutes sortes et occupés par les constructions anarchiques. Les eaux ont dévalé des montagnes jusqu’en contrebas charriant leurs flots violents à travers les ruelles et les quartiers des villes de Nabeul et de Dar Chaabane El-Fehri et prenant au dépourvu les citoyens.

la première tranche du mégaprojet prévue pour 2020
Une autre raison explique également que les deux villes aient été submergées en quelques heures par les eaux. Alors qu’il devrait y avoir un réseau pluvial séparatif, constate Rafrafi, ces dernières sont dotées d’un réseau servant à la fois à évacuer les eaux usées et les eaux pluviales et qui n’a pu ce jour-là évacuer les quantités impressionnantes d’eau qui ont dévalé dans la ville de Nabeul. «La section de ces conduites ne permet pas d’évacuer les eaux pluviales, explique l’ingénieur. Les avaloirs sont sous-dimensionnés et obstrués. Et puis, il n’y a pas de curage périodique de ces derniers». D’après les conclusions de l’étude de l’équipe du Pr Najla Tlatli qui rejoignent celles d’une autre étude commanditée par la direction de générale de l’hydraulique urbaine du ministère de l’Equipement, la protection efficace et durable de la région de Nabeul contre les inondations passe par la réalisation d’un canal de collecte et d’évacuation des eaux pluviales au nord, et en amont de la ceinture routière qui encercle les deux villes et qui permettrait ainsi de détourner et d’évacuer directement vers la mer les eaux provenant des bassins versants situés sur les hauteurs. «La réalisation de ce projet doit être accompagnée d’autres solutions permettant de renforcer la protection des villes de Nabeul et de Dar Chaâbane. En plus de la réalisation d’un réseau unitaire d’assainissement des eaux pluviales qui sera dimensionné pour pouvoir collecter et évacuer des eaux de pluie cinquantenaires voire centenaires «exceptionnelles», il faut rééquilibrer les lits des cours d’oueds qui ne sont pas occupés par des constructions anarchiques afin de faciliter l’évacuation des eaux pluviales et construire de petits bassins de protection sur les rebords de ces lits afin d’emmagasiner le surplus d’eau en période de crue. Sachant que le couvert végétal joue un rôle naturel dans le captage et l’emmagasinage des eaux pluviales, il faut également reboiser toute la zone agricole et achever la construction du reste des lacs collinaires prévu par le programme mis en place en 1986 après les inondations qui ont eu lieu cette année-là», poursuit l’ingénieur en génie civil. Bonne nouvelle pour les Nabeuliens : 7 millions de dinars seront consacrés au démarrage de la première tranche du mégaprojet qui aura lieu début 2020. «Ces 7 millions de dinars ont été programmés sur le budget d’investissement de la loi de finances 2020», conclut l’ingénieur général en génie civil.

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