
En plus de son statut de membre fondateur du mouvement national, Tahar Ben Ammar restera à jamais vivant dans notre mémoire collective pour avoir été celui qui a signé, le 20 mars 1956, les protocoles grâce auxquels la France avait reconnu l’indépendance de la Tunisie, après 75 années d’occupation.
Tout au long de près d’un demi-siècle, de militantisme et d’engagement responsable, le grand leader Tahar Ben Ammar (1889-1985) ne ménageait aucun effort pour le bien de la Tunisie, sa patrie et pour celui de ses compatriotes.
Il restera à jamais vivant dans notre mémoire collective pour avoir été celui qui a signé, le 20 mars 1956, les protocoles grâce auxquels la France avait reconnu l’indépendance de la Tunisie, après 75 années d’occupation (1881-1956),
Sans jamais abandonner ses responsabilités financières et techniques au sein d’une famille de riches propriétaires agricoles, notre leader a pris part à toutes les étapes du processus de libération nationale puis à l’action fondatrice de l’Etat tunisien moderne, et ce, depuis sa prime jeunesse (voir notre précédente édition).
A la fin, en 1918, de la grande guerre, le voilà chargé par ses compagnons de lutte de présenter les doléances tunisiennes au président des Etats-Unis, Woodrow Wilson, qui avait, en janvier de la même année et lors de la conférence de paix à Paris, appelé au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Avec le président Wilson, à Paris
Il le rencontrera à Paris, en juin 1919, lors de la participation de ce dernier au fameux congrès de Versailles et lui remettra le fameux document. Notre jeune leader s’acquittera de sa mission grâce à un ami, un ancien ambassadeur des EU à Paris qui lui permettra d’effectuer cette délicate prouesse.
Entre-temps, les compagnons de Ben Ammar (Guellati, Sakka, Zmerli et autres) travaillaient, sous la direction du leader Abdelaziz Thaâlbi, à la rédaction des différentes moutures de ce qui va devenir un peu plus tard un événement majeur, la parution, en janvier 1920 de «La Tunisie martyre». Ouvrage qui a été présenté à Paris par Thaâlbi, en présence du jeune Ben Ammar.
Ouvrage qui s’avèrera être un véritable réquisitoire contre la présence française en Tunisie et aussi le programme de ce qui va devenir en mars de la même année, le Parti libéral constitutionnel tunisien ou «Destour», à la fondation duquel notre jeune leader participera.
De retour à Tunis, il replonge dans l’action en s’opposant activement à la demande par la France, au nom du gouvernement tunisien d’un prêt obligataire qui était contre les intérêts du pays et sera ainsi signalé par les autorités coloniales comme étant une personne hostile à la France.
Etiquette qui l’empêchera, en mai 1920 de diriger la Chambre de l’agriculture du Nord, malgré son élection massive à la tête de cette structure fraîchement fondée en vertu d’un décret beylical, l’administration coloniale ayant refusé d’entériner l’élection, comme elle l’avait fait quelques mois plus tard (octobre 1920) en l’empêchant de faire partie de la fameuse «Conférence consultative».
Grâce à ses influentes relations avec les milieux politiques, économiques, culturels et médiatiques et aussi pour ses qualités humaines, Ben Ammar sera chargé de présider la deuxième délégation du mouvement national dépêchée, en décembre 1920 à Paris, par le Destour (la première qui débarqua quelques mois auparavant n’ayant pu accomplir sa mission).
La délégation eut des contacts très fructueux (parlementaires, politiciens, dirigeants d’organisations nationales, etc.), publia et diffusa un document ayant pour titre : «La Question tunisienne», fit publier les doléances des Tunisiens dans un journal de la place.
Elle réussit, enfin à rencontrer, début janvier 1921 le chef du gouvernement français qui était également chef de la diplomatie française, et qui avait bien sympathisé avec Ben Ammar lors d’une visite qu’il avait effectuée en Tunisie. Rencontre au cours de laquelle la délégation lui remit la fameuse requête sous forme d’une pétition comportant quelque 30.000 signatures. La délégation sera reçue quelques jours plus tard par le nouveau locataire de Matignon. Elle lui remettra le même document.
Quelques mois plus tard, il participera avec Hassan Guellati à fonder le Parti réformiste tunisien qui prônait la participation des Tunisiens aux structures consultatives mixtes afin de pouvoir mieux défendre la cause tunisienne.
Mais suite à de profondes discussions relatives et pour avoir pris réalisé les limites des méthodes d’action dudit parti, Ben Ammar préféra le quitter. Il s’orientera alors vers la lutte au sein des structures associatives et représentatives à caractère économique et social.
Combat pour la terre tunisienne
Ainsi et après avoir participé à la création d’une grande société agricole visant à aider les agriculteurs tunisiens du Nord, à moderniser leurs méthodes de travail, il participa à la fondation d’une association pour les agriculteurs (1928-1929) qu’il présidera à partir de 1930 et jusqu’en 1934.
Ben Ammar décida aussi d’intégrer le Grand conseil, une structure consultative mixte, et ce, afin de faire entendre la voix des Tunisiens et mieux défendre leurs intérêts. Il sera élu, en novembre 1928, membre de ladite structure puis un peu plus tard président de sa section tunisienne.
L’association, qui entreprit, à partir de 1932, de s’étendre géographiquement, jouera un important rôle au profit de ses adhérents et des agriculteurs tunisiens d’une façon générale. En leur facilitant, entre autres, l’accès aux crédits saisonniers et ceux à moyens et longs termes.
Retour, en 1930, de Ben Ammar à la chambre tunisienne de l’agriculture. A la suite des nouvelles élections, il présidera alors ladite structure jusqu’en octobre 1957, date à laquelle elle sera dissoute sur décision du président Bourguiba.
Au nom de cette structure, mais aussi au sein du Grand conseil, Ben Ammar livrera un combat acharné en faveur de l’agriculture et des agriculteurs tunisiens et contre la cupidité toujours grandissante des colons français.
Il le fera non seulement en dénonçant haut et fort les politiques agricoles coloniales qui visaient, à court, moyen et long terme à déposséder les Tunisiens de leurs terres, mais en prônant d’un autre côté la modernisation des méthodes de travail de nos agriculteurs et nos paysans.
Nous pouvons citer parmi ses actions, l’important discours qu’il a prononcé, en 1931 à Tunis, devant Gaston Doumergue, président de la République française, en visite à l’époque en Tunisie. Discours au cours duquel il a insisté sur les problèmes fonciers engendrés par l’occupation, dont la spoliation, et leurs conséquences néfastes sur les Tunisiens.
Il a par ailleurs fustigé la politique des deux poids deux mesures, adoptée par les autorités coloniales et qui défavorisait les Tunisiens face aux Français, puis appelé à faciliter l’accès à l’enseignement agricole moderne pour les enfants des paysans, partout dans le pays.
Ben Ammar fera aussi partie de deux délégations dépêchées à Paris, la première en 1931 et la seconde l’année d’après. Mission, défendre les intérêts des agriculteurs tunisiens auprès des autorités métropolitaines. Surtout, régler le problème épineux de l’endettement dont souffraient les paysans tunisiens et à cause duquel des centaines de milliers d’entre eux risqueraient de perdre leurs terres.
L’échec de la première délégation à faire entendre la voix des Tunisiens, à cause de la pression exercée par les colons, surtout les prépondérants parmi eux, a incité les concernés à reprendre la lutte et repartir pour Paris. Là, la délégation rencontrera les mêmes entraves et elle sera sommée par les autorités coloniales à Tunis de rentrer.
Ben Ammar ainsi que l’un de ses compagnons refuseront d’obtempérer et resteront plusieurs jours encore dans la capitale française et réussiront, enfin, à rencontrer le chef du gouvernement français. Ce dernier décidera la constitution mixte pour aller enquêter sur place.
Il rédigera par ailleurs plusieurs rapports dans lesquels il analysera la situation de l’agriculture en Tunisie, surtout ceux auxquels sont confrontés ses compatriotes, et proposera des solutions aux différents problèmes évoqués. Études qui deviendront, une fois publiées, des documents de référence.
(A Suivre)
Par Foued ALLANI