Rafaâ Ben Achour, magistrat tunisien auprès de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, a jugé « indispensable » d’opérer, au plus vite, une révision technique de la constitution pour combler plusieurs insuffisances et parer à toute éventualité de blocage ou d’instabilité gouvernementale.
» Bien qu’elle soit excellente dans son ensemble, la Constitution de 2014 souffre de manquements techniques qui pourraient paralyser, de facto, l’action du gouvernement et bloquer les institutions de l’État », a affirmé Ben Achour dans une déclaration à la TAP, en marge du 4e Dialogue judiciaire africain, qui se tient du 30 octobre au 1er novembre 2019 à Kampala, la capitale de l’Ouganda. Pour Ben Achour, la Constitution actuelle est défaillante au niveau de « l’ingénierie constitutionnelle ».
« Le système politique issu de cette Constitution est inefficace. Son caractère hétérogène n’aide pas le gouvernement et le pouvoir exécutif en général à accomplir les fonctions de contrôle et de gestion de l’État et de réalisation du développement dans une société démocratique où sont consacrés les droits et libertés », a-t-il ajouté.
D’après lui, la Constitution a créé un système où s’entremêlent les prérogatives entre les institutions constitutionnelles, à savoir la présidence du gouvernement et la présidence la République. « Le blocage et les différends constatés, il y a quelque temps, entre le chef du gouvernement et le chef d’État au sujet de plusieurs questions en est, à cet égard, la parfaite illustration », a-t-il rappelé.
Et de regretter ; « Nous vivons aujourd’hui en Tunisie dans un régime politique « particulier » où on se soucie de l’indépendance des institutions au point de bloquer le pays et de le paralyser ». Ben Achour a plaidé pour la mise en place d’un « vrai régime parlementaire » et non pas d’un régime beaucoup plus proche du régime de « l’Assemblée », appelant à donner à l’exécutif les moyens nécessaires pour réaliser ses projets et mener à bien ses actions.
Il a, à cet égard, proposé de simplifier la procédure de la législation par voie de décret-loi en permettant au gouvernement d’engager sa responsabilité sur le vote d’un texte. « Aujourd’hui, il y a 200 textes de loi au parlement qui sont toujours en instance », a-t-il soutenu. Par ailleurs, Ben Achour a plaidé pour une réforme du régime politique tunisien et du mode du scrutin pour combler plusieurs lacunes.
« Le mode de scrutin à la proportionnelle aux plus forts restes doit être révisé ». Pour le magistrat Ben Achour, les principes généraux de la Constitution et la garantie des droits et libertés sont sans aucun doute conformes aux standards internationaux. Cette constitution a même consacré des principes progressistes dont on peut se réjouir, comme celui de la liberté de conscience, de la parité ou encore du caractère civil de l’État.
Il ne faut cependant pas croire que la constitution soit intouchable ou sacrée, a-t-il prévenu. Organisé par la Cour africaine, le 4e Dialogue judiciaire africain réunit plus de 300 délégués, dont des Présidents des cours suprêmes et des cours constitutionnelles, ainsi que des représentants d’instances judiciaires régionales et internationales venant des 55 États membres de l’Union africaine (UA).
Placé sous le thème « Faire face aux problèmes contemporains des droits de l’homme : le rôle du pouvoir judiciaire en Afrique », le Dialogue vise à améliorer la mise en réseau des autorités judiciaires, l’échange d’informations et la bonne administration de la justice sur le continent.