Qui en famille, qui en solo, nos compatriotes ne se privent pas de loisirs, tout en privilégiant l’austérité. Avec un grand A.
Dans les immenses artères de Doha où se côtoient, dans un décor fabuleux, hauts buildings à l’américaine et superbes grosses cylindrées fraîchement commandées auprès des célèbres firmes occidentales et asiatiques de fabrication des automobiles, il est rare de croiser un piéton de nationalité tunisienne parmi une foule clairsemée et pressée, because la chaleur torride. C’est que «le new tuniso-qatari» est plutôt casanier, exception faite pour nos SDF, dont on a parlé précédemment. C’est justement at home qu’il passe le plus clair de son temps de repos. En effet, de retour du boulot après avoir fait ses emplettes en cours de route, il s’enferme chez lui pour se planter devant la télé, dont il suit les informations, les rencontres sportives et les films.
Dans deux maisons tunisiennes sur trois, a-t-on constaté, des familles entières se regroupent pour une veillée typiquement tunisienne dominée par nos plats traditionnels (salés et sucrés) et les jeux de cartes. Le tout connecté à nos chaînes de télévision. «On a pris l’habitude d’échanger les visites entre nous, en cours de semaine», note Mourad Soltani, haut cadre dans une société privée qui indique que «le week-end (vendredi et samedi) est consacré aux sorties au cours desquelles on mange et dîne dehors, tout en permettant à nos enfants de s’adonner aux plaisirs des manèges».
Il est vrai que les aires d’attraction pour enfants sont partout, y compris à l’intérieur des immenses grandes surfaces, dont on met des heures pour en découvrir les quatre coins, tellement l’espace est hautement spacieux.
Si spacieux que les pavillons éparpillés le plus souvent dans cinq à six étages y rivalisent de luxe, de propreté et d’abondance de produits. On y achète tout (tentation oblige) jusqu’à la voiture dernier cri ! Dans les restaurants, c’est l’embarras du choix, étant donné les multiples offres des cuisines orientales, asiatiques, européennes et américaines. Cela donc pour les familles. Quant à nos célibataires exerçant au Qatar, eh bien ils sont généralement condamnés à la solitude, ne fréquentant que rarement les lieux publics. «Pour moi, c’est l’exil», reconnaît Aymen Ben Salah, 28 ans, technicien dans une entreprise de télécommunications. «C’est, précise-t-il, un destin que j’ai cherché et choisi avec conviction, en étant persuadé que pour gagner sa vie dans ce beau pays, rien ne vaut les sacrifices». Au point que cet originaire du Bardo affirme avoir arrêté de fumer et de boire, «en raison, gémit-il, des prix faramineux du tabac et de l’alcool qui sont… sept fois plus chers qu’en Tunisie»! En optant pour l’austérité, nos émigrés ne le regrettent jamais, vu les importantes économies qu’ils s’assurent et qui leur permettront, plus tard, de lancer des projets en Tunisie. Les plus ambitieux d’entre eux n’hésitent pas à aller contracter des crédits auprès des banques qataries. «Celles-ci, indique Aymen, sont sans doute plus généreuses et plus clémentes que les nôtres tant pour la célérité des formalités administratives exigées que pour les avantages financiers (intérêts, délais de remboursement, agios…) qu’elles offrent par rapport aux banques tunisiennes».
Cependant, pas question de pouvoir rentrer définitivement au bercail sans avoir, au préalable, régularisé son dossier auprès de la banque prêteuse.
Et gare à celui qui ose désobéir en cherchant la fuite, car arrêté facilement à l’aéroport où les ordinateurs ne laissent rien passer, il est automatiquement écroué en prison pour une longue peine. Jusqu’ici, heureusement, seuls deux Tunisiens ont été pris au piège. Un… score honorable, par comparaison avec les centaines d’ouvriers asiatiques incarcérés pour le même délit.
Du rôle de l’amicale
Comme dans quasiment tous les pays, la colonie tunisienne au Qatar compte une amicale dûment reconnue par les autorités locales. Sous son toit, se tiennent des réunions et s’organisent des élections concernant le comité directeur.
Se voulant rassembleur, cet organe n’est jamais en panne d’idées: meetings, séminaires, conférences et rassemblements à l’occasion des fêtes nationales et religieuses célébrées par la Tunisie. Collaborant étroitement avec notre ambassade à Doha, ladite amicale se distingue particulièrement au mois de Ramadan, en organisant des restos de cœur au profit des plus démunis et des SDF parmi la colonie tunisienne, tout en leur distribuant des aides à l’occasion de l’Aïd Al Fitr et de l’Aïd Al Idha.
Elle sert aussi de bouée de sauvetage pour tout Tunisien désespéré et déprimé par le chômage et désireux de regagner Tunis. Et cela en lui facilitant et finançant les formalités du retour. Autant nous saluons le dynamisme et le patriotisme de l’équipe de l’amicale, autant nous exprimons des réserves quant à sa gestion de ‘‘l’école tunisienne de Doha‘‘. En effet, celle-ci, très sollicitée par nos concitoyens voulant se rassurer sur le parcours scolaire de leurs enfants, ne manque pas de lacunes et de carences qui vont des problèmes d’inscription, au régime même de l’enseignement, en passant par le comportement peu clément de certains éducateurs et éducatrices tunisiens qui suscitent souvent la colère des parents d’élèves. Ces derniers, qui vont jusqu’à chercher l’intervention de l’ambassade «pour que justice soit faite», revendiquent, à l’unisson, une meilleure compréhension de la part des responsables de l’amicale. Pourvu que le message passe…
M.Z.