Le président du parti Ennahdha se devait de présenter, hier, au président de la République, le nom du chef de gouvernement pressenti par le parti arrivé premier aux législatives. Ce qui fut fait en la personne de Habib Jomli en début d’après-midi. Le Conseil de la choura du mouvement Ennahdha avait déjà procédé à ce choix par vote secret, avant-hier, mais avait préféré ne pas l’annoncer publiquement pour laisser au chef de l’Etat la primeur. Le Président Kaïs Saïd a donc reçu, hier, Rached Ghannouchi, en sa qualité de président du parti Ennahdha, qui l’a informé du nom de la personnalité pressentie en vue de former le gouvernement. Suite à ce bref entretien, le président de la République a reçu Habib Jomli et lui a remis une lettre officielle le chargeant de former le gouvernement de la République. Jomli aura un mois pour former et finaliser son gouvernement, avant de le soumettre à l’Assemblée des représentants du peuple pour le vote de confiance en plénière, sachant qu’au cas où le délai d’un mois ne suffirait pas pour former le gouvernement, il pourra demander au chef de l’Etat de lui accorder un mois supplémentaire. Cependant, si le chef de gouvernement pressenti venait à échouer dans la formation de son équipe ou si l’Assemblée ne lui accordait pas sa confiance par un vote majoritaire d’au moins 109 députés, il reviendra au président de la République de procéder lui-même à des consultations et de charger de la formation du gouvernement la personnalité qu’il jugera la plus apte. Un scénario que n’a cessé de privilégier le mouvement Echaâb sous l’appellation de «gouvernement du Président».
Le prochain locataire de la Kasbah aura donc un délai d’un mois, renouvelable une fois, pour constituer son gouvernement.
Trois noms avaient circulé suite à la décision du Conseil de la choura, à propos de l’identité du chef de gouvernement pressenti, tous trois des indépendants proches d’Ennahdha et ayant fait partie des gouvernements de la Troïka : Habib Kchaou (ancien conseiller auprès de Hamadi Jebali), Mongi Marzouk (ancien ministre des Technologies dans les gouvernements de Jebali et de Laârayedh, puis ministre de l’Energie sous Habib Essid) et Habib Jomli (ancien secrétaire d’Etat à l’Agriculture auprès du ministre Mohamed Ben Salem sous la Troïka).
Le président de la choura, Abdelkrim Harouni, a affirmé que le choix de la personnalité pressentie s’est basé sur les «critères de la compétence et de l’intégrité», assurant qu’Ennahdha aspire à un «gouvernement fort et solide», estimant que « cela n’est possible qu’à travers un large consensus entre les différentes parties de la scène nationale ».
Le dirigeant au sein du mouvement Ennahdha Mohamed Ben Salem a indiqué, dans une déclaration à Shems FM, que tous les candidats soumis au Conseil de la choura pour la présidence du gouvernement sont proches du mouvement sans en faire partie. Mohamed Ben Salem a ajouté que le prochain chef du gouvernement est une personnalité technocrate, économique et fédératrice. Les observateurs de tout bord estiment qu’Ennahdha a symboliquement puisé dans les rangs des personnalités ayant servi sous la Troïka comme pour signifier un «come-back» ayant valeur de revanche. Cependant, indépendamment de la compétence et des qualités de la personnalité choisie, l’option retenue n’a pas l’air de signer une ouverture dans le sens d’un consensus semblable à celui de 2014. Même si l’on ne pourra avoir un jugement adéquat que lorsque l’équipe sera constituée, dévoilant la nature et l’étendue des alliances. A ce stade, l’on ne peut souhaiter au chef de gouvernement désigné que plein succès dans ses consultations, en espérant qu’il saura présenter une équipe cohérente soudée autour d’un véritable programme de gouvernement et de réformes digne des attentes exprimées par le peuple tunisien et des aspirations de la jeunesse.
Habib Jomli, né le 28 mars 1959 à Kairouan, est un spécialiste universitaire en développement agricole. Il est, à ce titre, l’auteur de plusieurs études et travaux de recherche. Il a occupé des responsabilités au sein des unités de recherche relatives aux grandes cultures ainsi qu’au sein de la direction de la qualité et du développement au ministère de l’Agriculture.
Après son mandat en qualité de secrétaire d’Etat dans les gouvernements de la Troïka, il sera proposé par Ennahdha comme candidat au poste de ministre de l’Intérieur à Habib Essid sans suite.
