Après une première nationale peu médiatisée, —le 31 octobre dernier dans le cadre des JCC—, «Avant qu’il ne Soit Trop Tard», premier long-métrage de Majdi Lakhdar a eu droit à une seconde projection pour la presse au cinéma Le Palace en présence du réalisateur.
Cette production de Polimovie et International Pictures est réalisée d’après un scénario coécrit par Majdi Lakhdar et le duo Mohamed Ali Ben Hamra et Soumaya Jelassi, qui sont également les producteurs du film.
Lecture dans les événements d’une fiction (73’) du genre dramatique et entretien avec le réalisateur sur le tournage, le casting et l’aspect artistique général adopté par un réalisateur à cheval entre cinéma, photographie et arts plastiques.
Le drame d’une famille sous les décombres
Aux faubourgs de Tunis, s’installe le malaise, le rêve d’un futur meilleur et les malheurs d’une vie incertaine. Dans un quartier limitrophe de la Capitale, une famille de 4 membres vit dans la précarité au sous-sol d’une ancienne maison menacée d’effondrement.
L’effondrement, prévisible, de la maison prise par les feux d’un incendie allait renverser la situation et dévoiler un vieux secret qu’Ali (Raouf Ben Amor) cachait à ses proches. Ce père de famille allait essayer de trouver les moyens de sauver ses enfants et sa femme engloutis sous les décombres d’une maison en feu «Avant qu’il ne Soit Trop Tard».
Ali, couturier, est malmené par la vie, affaibli par l’âge et à peine en lien avec le monde extérieur. Il passe son temps cloîtré entre les murs de son atelier où il devait confectionner des habits masculins. Sa porte est constamment fermée à clé.
Sa femme (Rabiaa Ben Abdallah) supporte mal l’indifférence d’un mari mystérieux. Elle meut dans le silence d’une vie sans lendemain. Soucieuse du sort de sa famille, elle doit aussi s’accommoder d’un cadre de vie humide et favorable aux problèmes respiratoires. La dame asthmatique est condamnée aux crises respiratoires aiguës.
Leurs enfants, Kais (Majd Mastoura) et Hajer (Salma Mahjoubi), sont pris dans leur élan de jeunesse à la recherche d’un avenir meilleur. La fille s’apprête à finaliser son mémoire de fin d’études et le fils essaye de se débrouiller dans de petits métiers.
La maman n’arrive pas à comprendre l’acharnement de son conjoint à rester dans une maison en ruine. Sauf que le père lui cache un vieux secret et passe son temps dans la galerie souterraine de la maison à la recherche du trésor.
Ali creuse dans l’espoir de tomber un jour sur ce trésor introuvable.
Le réalisateur dit être parti de deux phénomènes ayant marqué la Tunisie post-révolutionnaire, les dénicheurs de trésors et l’effondrement de vieilles maisons du centre-ville de Tunis ce qui contraint des familles à se trouver dans la rue.
Entre réalité et métaphore, l’histoire de cette famille est la genèse d’une vie presque ratée. Une lecture préliminaire permet de déceler la vision du réalisateur qui «essaye de donner une vision globale sur une situation sociale et la crise dans le pays durant la période post-révolution».
Tournage et technique adoptée
Totalement tourné par la technique de la Caméra subjective, le film se passe sur un seul lieu et ses événements se déroulent sur une seule journée. Ce choix explique une volonté de «raconter une histoire et de permettre au spectateur de vivre les événements ou encore plus se mettre à la place des personnages».
Le réalisateur misait sur l’interaction du spectateur avec les événements avec un large plan sur chaque personnage. Un objectif qui n’était pas assez développé, ce qui donne l’impression de suivre des événements quelque part bâclés.
La musique qui n’apparaît que dans le générique de fin est signée par un groupe de rock tunisien «Bitter Heart». Elle est composée spécialement pour le film.
Par ce choix de sonorités Rock, le réalisateur, voulait faire sortir le spectateur de « ce huis clos» et les événements dans le souterrain, pour se projeter vers la lumière du jour,- avec la sortie de la famille des décombres de leur demeure, à la fois effondrée et incendiée.
Une façon à lui de déclencher la sonnette d’alarme marquant la fin du cauchemar. Le drame est bien fini, —avec la venue des sapeurs-pompiers et l’issue trouvée par le père à travers les canaux qu’il creusait dessous—, sans que l’on sache plus sur le dénouement des événements pour une famille miraculée.
Le tournage a couronné des préparatifs de six mois. Il a eu lieu au mois de juillet 2018 sur une courte période de 16 jours, ce qui est de l’avis du réalisateur, «un temps record». Les répétitions sur un mois ont permis aux acteurs de s’accommoder de la technique de tournage adoptée, en plus d’une semaine de répétitions filmées dans les décors et les conditions réelles du tournage.
Majdi Lakhdar parle d’un «décor réel» puisque le tournage a eu lieu dans une maison du quartier de Montfleury. Au moment du repérage du site, le choix a été porté sur cette maison, vieille de plus de 100 ans, pour ensuite faire les aménagements nécessaires, adaptés au scénario.
La majeure partie du film a été tournée de nuit dans le sous-sol de la maison. Le reste des séquences a été tourné à la lumière naturelle du jour, sur deux journées. Elles se passent devant la maison de la famille du couturier et dans le café du coin apparu au début du film où l’on voit Ali prendre son café quotidien.
Côté casting, le réalisateur affirme que « depuis le départ, Raouf Ben Amor était presque pressenti pour interpréter le rôle d’Ali». Le choix sur Majd Mastoura était en fonction de la connaissance du réalisateur de ses anciens rôles, «Bidoun2» de Jilani Saadi et «Hedi» de Mohamed Ben Attia.
Le réalisateur était attiré par le profil d’un acteur qui ose expérimenter et est largement imprégné dans le milieu artistique, du fait de sa vocation de slameur et sa passion pour la poésie et les arts en général.
Majdi Lakhdar, 32 ans, est un diplômé de l’Institut supérieur des arts multimédia de La Manouba (Isamm) en 2009 qui a déjà fait trois courts métrages «Commando», «Grand Cœur Petit Cœur» et «Le Dossier». De ses premiers films, il garde cette orientation vers un cinéma expérimental, sur le plan esthétique et de narration. Ce premier long métrage est dans la continuité des démarches adoptées dans les courts à travers l’usage de la caméra subjective et cette approche esthétique qu’il essaye de développer.
Après avoir eu un financement public début 2017, le film a pu ensuite bénéficier du soutien de la banque Biat. Sélectionné pour la projection en séance spéciale hors compétition aux Journées cinématographiques de Carthage (JCC) 2019, le film est dans les salles tunisiennes depuis le 3 novembre.
Pour la sortie nationale, l’équipe du film se déplace à travers les salles de projection dans la Capitale, à Sousse, Siliana et Bizerte et prochainement au Kef, à Sfax, Gafsa et Gabès.
Sa sortie intervient après une projection en avant-première mondiale aux JCC qui, selon le réalisateur, a eu lieu «en l’absence de la quasi totalité de la presse nationale».
Une absence qui pourrait être justifiée par un calendrier assez chargé pour les médias assez souvent orientés vers la compétition officielle surtout que la durée du festival ne permet pas de voir aisément la majeure partie de la sélection.