La raréfaction de l’eau en Tunisie nécessite la concrétisation de nouveaux partenariats pour le transfert du savoir-faire et des technologies nouvelles. L’Allemagne se porte garante afin de redresser la barre pour la Tunisie qui vit sous le seuil de stress hydrique.
De nombreux experts, intervenants nationaux et internationaux ainsi que des partenaires commerciaux de la Tunisie dans le domaine de l’eau sont venus exposer leurs idées, animer les débats ou promouvoir leurs produits lors d’un séminaire sur la gestion des ressources en eau qui s’est tenu cette semaine à Tunis. Il s’agit de jauger les perspectives mondiales à venir en matière de gestion de l’eau, qu’elle concerne un pays sous le stress hydrique comme la Tunisie ou un autre qui traverse une période d’abondance comme l’Italie ou la Turquie.
Mme Julia Braune, directrice générale de la German Water Partnership basée à Berlin en Allemagne, n’a pas manqué de le souligner durant son exposé dans lequel elle a présenté dix-sept objectifs à atteindre dans le cadre des Objectifs du Développement Durable (ODD). Cette organisation non gouvernementale qui collabore avec la Tunisie depuis une dizaine d’années fait fort en la matière puisqu’elle a noué un partenariat avec une institution régionale pour le monde arabe, dénommée «Aqua» basée à Amman en Jordanie, qui traite pareillement la problématique de l’eau.
La coopération bilatérale tuniso-jordanienne qui a été récemment renouvelée pourrait être mise à profit pour que la Tunisie améliore sa politique de l’eau. La Jordanie ne se situe pas dans un seuil critique de stress hydrique auquel est confronté la Tunisie qui pourrait en profiter pour tirer son épingle du jeu sur le plan régional. Auparavant, M. Mounir Majdoub, maître conférencier en tant qu’expert en eau et environnement et ancien secrétaire d’Etat à l’environnement, a salué l’aboutissement de ce séminaire qui a nécessité trois ans de démarches et de labeur tout en félicitant la chambre tuniso-allemande pour le commerce et l’industrie (C.T.A.C.I.) dans la lutte qu’elle mène pour tracer de nouveaux horizons plus clairs sur la problématique de l’eau en Tunisie.
La Presse a sondé, en fin de séance matinale, Abdelhak Khemiri, de la C.T.A.C.I. alias AHK Tunisie pour donner ses premières impressions grâce à l’appui de l’expertise allemande : « A travers cette collaboration, c’est le transfert du savoir, c’est la mise en place d’une alternative pour arriver à résoudre nos problèmes qui compte. C’est un programme ouvert face à une problématique de longue durée qu’on arrivera à maîtriser».
L’approvisionnement en eau, la technologie des eaux usées, et les usines de dessalement en Tunisie sont passés sous la loupe de l’AHK qui met tout en œuvre pour améliorer la situation alarmante faite de pénurie d’eau et de manque de réserves dans les barrages que décrient les experts tunisiens à l’instar de Raoudha Gafrej tout récemment.
Rareté de l’eau
Dans son allocution, M. Khemiri a signalé la rareté de l’eau en Tunisie d’où l’importance de la gestion de cette précieuse ressource naturelle. Il relève qu’entre 2013 et 2017, un double phénomène qui s’est produit suscite de nouvelles inquiétudes. Si la consommation de l’eau a augmenté de 10%, la baisse des réserves en eau avec la raréfaction de l’eau qui place la Tunisie sous la barre des 500 m3 par habitant est un signal alarmant. Les prévisions ne sont guère rassurantes pour l’avenir puisqu’on estime qu’on atteindra le seuil de pauvreté hydrique avec 300 m3 par habitant par an. Carsten Meyer, ministre conseiller de l’ambassade d’Allemagne, fait des prévisions inquiétantes pour le sud tunisien qui connaîtrait prochainement une forte pénurie d’eau.
Pertes en eau élevées
Les interventions remarquées des spécialistes de l’eau en Tunisie qui relèvent de l’Office national de l’assainissement et de la Société nationale de distribution des eaux ont permis d’étudier la situation des eaux usées traitées et du dessalement des eaux à forte salinité. Mme Hajer Gharbi, chef de division au département épuration de l’Onas, a fait un rappel historique sur la politique de l’eau en Tunisie. Elle affirme que le rejet des eaux usées industrielles dont 50% du volume ne sont pas traitées posent un problème de pertes en eau et bien pire lorsque qu’elles sont déversées directement dans la mer. Un constat amer de «l’Onas qui reste le donneur d’ordre principal sur le traitement des eaux usées en Tunisie», selon Majdoub qui coupe court aux spéculations dans ce dossier sensible.
Mme Gharbi a présenté par la suite un programme d’efficience énergétique qui inclut l’installation de photovoltaïques pour disposer de l’énergie solaire, l’assainissement industriel, l’amélioration de la qualité des eaux épuisées. Un expert de la Sonede, service de l’eau de consommation en Tunisie, a relevé que la qualité de l’eau laisse à désirer avec un niveau de salinité assez important. Il serait nécessaire d’aller vers le dessalement de l’eau de mer, selon ses dires. M. Tarek Hamzaoui, directeur de dessalement et de l’environnement à la Sonede, qui a relevé le problème du manque de ressources en eau avec acuité, estime que le «nord a une eau de surface de bonne qualité tandis que plus on va vers les régions du sud, plus la qualité de l’eau de surface est moins bonne».
Recours à la technologie de pointe pour une meilleure gestion
Il a mis en exergue le fonctionnement des stations pour le dessalement des eaux à Sousse, Sfax, Le Kef et Jerba, indiquant que le transfert de l’eau entre Gabès et Jerba permet de gérer à la fois le manque et le surplus. L’implantation d’une nouvelle station à Ben Guerdane prévue en 2021 avec une entrée en service en 2023 permettra de traiter dès le démarrage un volume important de 9.900 m3 d’eau.
C’est une stratégie de sécurisation des ressources en eau en Tunisie qui permet d’utiliser des techniques de dessalement des eaux salines très élevées. Les volumes d’eau qui seront dessalées passeront de 160.000 m3 à 875.000 m3 selon les estimations de M Hamzaoui. M Abdelhamid Mnajja, directeur de l’eau potable au ministère de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques, relève que l’augmentation de la consommation de l’eau potable cumulée à la réduction de la part de l’eau irriguée créent de nouveaux déséquilibres dans la rationalisation de la gestion de l’eau.
Lors de la deuxième séance du séminaire, de nombreux partenaires commerciaux sont intervenus pour présenter la palette de produits innovants qu’ils mettent à la disposition des organismes publics et privés tunisiens qui veulent rationnaliser les ressources en eau et bien plus encore. Des surpresseurs, des transmetteurs, des convertisseurs de différentes sociétés ont été présentés afin de faire profiter la Tunisie d’une technologie à la pointe du progrès. En parallèle, Mme Braune de la GWP a fait la promotion des activités de l’organisation en matière de partage de savoir-faire comme appui indispensable à la technologie nécessaire à acquérir. En effet, les différentes sociétés allemandes pour la plupart et internationales venues sur place présenter leurs produits aux Tunisiens ont été soutenus par les propos de Mme Braune qui loue la grande qualité et la durabilité des produits allemands qui sont réputés chers pour les pays en voie de développement.
La GWP souhaite bénéficer de relations économiques et commerciales durables avec la Tunisie qui fait partie des quatorze PED de son réseau de partenaires.