Accueil Magazine La Presse Hommage – A l’occasion de l’inauguration du boulevard du grand leader Tahar Ben Ammar, Carthage-La Marsa : L’homme à la signature immortelle (*)

Hommage – A l’occasion de l’inauguration du boulevard du grand leader Tahar Ben Ammar, Carthage-La Marsa : L’homme à la signature immortelle (*)


Homme de principes, imbu des hautes valeurs humaines universelles, Tahar Ben Ammar est entré dans la postérité pour avoir été celui qui a signé, le 20 mars 1956, les protocoles grâce auxquels la France avait reconnu l’indépendance de la Tunisie. L’histoire retiendra aussi qu’il vécut, deux années plus tard, lui ainsi que sa famille, une dure épreuve, fruit d’une terrible injustice


Né à Tunis, le 25 novembre 1889, le grand leader Tahar Ben Ammar restera toujours vivant dans notre mémoire collective pour avoir été l’homme qui a signé, le 20 mars 1956, à Paris, les fameux protocoles grâce auxquels la France avait reconnu l’indépendance de la Tunisie, après 75 années d’occupation (1881-1956)
L’histoire retiendra qu’il a commencé à servir la cause de son pays avant même la naissance du mouvement national, dont il a été l’un des fondateurs, en 1920 aux côtés de ses mentors, dont l’illustre cheikh Abdelaziz Thaâlbi. Une œuvre qu’il poursuivra tout au long de près d’un demi-siècle, au cours duquel il a failli être assassiné par les pouvoirs de l’occupation (1952).
L’histoire retiendra aussi qu’il vécut, deux années, après l’indépendance, lui ainsi que sa famille, une dure épreuve, fruit d’une terrible injustice commise envers eux par les dirigeants politiques de l’époque. Une épreuve qui n’a fait que le grandir davantage aux yeux de ses compatriotes, non seulement parce qu’il était innocent, mais aussi parce qu’il avait réussi à prouver facilement son innocence et à rester digne et égal à lui-même tout au long de l’épreuve et jusqu’à son décès, le 8 mai 1985, à Tunis.
Un événement rendu encore plus triste à cause du quasi-black out officiel et médiatique imposé par les décideurs politiques de l’époque et qu’il faudrait considérer comme une honte pour eux. Ces derniers n’ont ni organisé des obsèques nationales pour le grand leader, ni exprimé une quelconque solidarité avec la famille du disparu.
Président de la Chambre tunisienne agricole (1930-1954) et à la fois président de la section tunisienne du Grand conseil (plusieurs sessions), Ben Ammar a été aussi le président fondateur du Front national (1944-1954 avec pour secrétaire général le leader Habib Bourguiba)

Accession à la souveraineté nationale, un travail d’orfèvre
En février 1945 et sous la présidence de Ben Ammar, le Front national tunisien élabore un document de première importance à travers lequel il revendique l’autonomie interne et l’élaboration puis l’adoption d’une constitution pour le royaume. Revendications favorablement accueillies par le peuple tunisien et par bon nombre de politiciens français.
Un pas qui rendit encore plus facile la réunion, en août 1946, de l’ensemble des composantes du mouvement national en un congrès national qui formera un tournant décisif dans la lutte pour la libération du pays du joug de la colonisation. Ledit congrès revendiquera, en effet, l’indépendance totale de la Tunisie.
La mort suspecte, en septembre 1948, en France, de Moncef Bey, le roi détrôné et déporté, en 1943 par les autorités coloniales françaises, finit par unir le peuple contre un occupant arrogant et violent qui refusait d’améliorer le sort des Tunisiens.
Mais la France continuait à ignorer les revendications tunisiennes reformulées encore une fois en octobre 1951 par le gouvernement tunisien (Chenik II) et qui étaient pourtant moins radicales que celles adoptées en 1946. Et la réponse, le 15 décembre 1951 du gouvernement français, était la goutte qui fit déborder le vase. Le peuple tunisien se prépara donc au pire. Et une grève générale de trois jours fut observée.
Le Néo-Destour, représenté au sein du gouvernement par le leader Salah Ben Youssef, monta alors au créneau et réclama le recours aux Nations unies. Ce sera Ben Ammar qui convaincra son ami M’hamed Chenik, le chef du gouvernement, de l’opportunité et de l’efficacité de ladite proposition. Ce dernier était hésitant pour plusieurs raisons, dont le refus de bon nombre de ses équipiers.

Non seulement il réussit cette entreprise pour laquelle le palais n’était pas très enthousiaste, car défiant le fameux traité du Bardo qui liait la famille régnante à la France, mais aussi il parvint à réunir l’ensemble des composantes du mouvement national et à faire signer la requête par les représentants de chacune d’entre elles. Et le précieux document sera déposé auprès du secrétariat des Nations unies.
Les autorités françaises nommèrent alors l’amiral De Hauteclocque, nouveau résident général de France en Tunisie. Celui-ci inaugurera dès son arrivée à Tunis, le 13 janvier 1952, une politique de la terreur. Le peuple répondra à cette attitude belliqueuse, et les mesures coercitives qui la concrétisèrent, par des manifestations houleuses et déclenchera la résistance armée.
De Hauteclocque entreprit alors l’arrestation de plusieurs leaders du mouvement national, dont Habib Bourguiba, ce qui finira par faire entrer tout le pays en ébullition. Ben Ammar exprimera alors son indignation, à propos de la tournure qu’ont prise les évènements auprès du chef du gouvernement français.
Commencera, quelques jours après, l’oppression musclée du peuple et elle se poursuivra plusieurs jours pour atteindre son paroxysme au Cap Bon, qui sera victime du déchaînement sauvage et criminel des forces de l’occupation, contre les populations civiles.
En compagnie de plusieurs personnalités françaises influentes, qu’il invita spécialement pour l’occasion ainsi que quelques personnalités tunisiennes, Ben Ammar conduira une commission d’enquête, sur le terrain, afin d’établir un rapport détaillé des exactions commises par la France dans ladite région. Le rapport sera accablant pour les autorités françaises et les personnalités françaises invitées se chargèrent d’éclairer l’opinion publique de leur pays sur les crimes qu’ils ont constatés.
Une action qui provoquera le courroux du résident général car ayant contrecarré son programme sanguinaire et qui le poussera à accuser Ben Ammar de verser de l’huile sur le feu et de le menacer de représailles. Ben Ammar fit la sourde oreille et continua à mobiliser l’opinion publique française contre la politique coloniale entreprise par la France, en Tunisie.
Mieux encore, il réunit le comité du front national et fit adopter par lui une série de revendications dont la pleine autonomie interne de la Tunisie, l’élection d’un parlement qui sera composé exclusivement de Tunisiens, un gouvernement exclusivement tunisien et la tunisification de l’administration publique.
Muni du document, il s’envola pour Paris afin de faire entendre la voix des Tunisiens auprès des décideurs français, en prenant soin de leur préciser que l’autonomie revendiquée ne devrait être qu’une courte étape vers l’indépendance totale.
Encore une fois, le colonisateur feignit d’ignorer les revendications légitimes du peuple tunisien et contre-attaqua par la proposition de réformes qui projetaient d’instaurer, en Tunisie, d’une manière officielle et définitive, la co-souveraineté.

Contre l’arrogance du colonisateur
En compagnie de Farhat Hached, leader du mouvement syndical et chef secret de la résistance nationale, d’autres leaders et de personnalités issues de la société civile tunisienne, Ben Ammar se mobilisa contre le projet de l’occupant.
Une commission ad–hoc dite conseil des quarante, se forma alors et s’emploiera à soutenir le roi afin qu’il refuse ledit projet. Le monarque résistera, ainsi farouchement aux desseins encore plus hégémoniques de la France en Tunisie.
Une action qui lui coûtera de figurer sur la liste des leaders à éliminer, établie par les autorités françaises.

Il faillit être liquidé le 4 décembre 1952 et il échappa à la mort par miracle. Ce ne sera pas le lendemain le cas du leader Farhat Hached qui, lui, tombera en martyr.
Ben Ammar réagira contre ces deux événements en mettant en branle la machine de ses multiples relations au sein de la société française, surtout auprès des personnalités françaises qui affichaient leur opposition à la politique colonialiste de leur pays.
Il continuera à lutter contre toutes les tentatives françaises visant à étouffer le mouvement national tunisien et à instaurer la co-souveraineté, jusqu’à l’adoption, le 30 juillet 1954 par le parlement français de la décision d’octroyer à la Tunisie son autonomie interne.
Ben Ammar sera appelé, à la suite de ce tournant décisif, à diriger le gouvernement tunisien (Les deux Gouvernement Ben Ammar, consécutifs, I et II), et conduira de ce fait les négociations avec la France pour l’autonomie interne (1954-1955) puis pour l’indépendance (1956). Enfin, il sera élu le 8 avril 1956, membre de la constituante.
Ayant toujours joui d’une grande estime en Tunisie comme à l’étranger, Ben Ammar était un vrai politicien, patriote, honnête et intègre, doublé d’ un homme de dialogue très doué pour les négociations tout en utilisant une forme très efficace de lobbying en France et aussi à l’étranger.
Détestant la politique de la «chaise vide » et celle du « tout ou rien », Ben Ammar a réussi, avec assurance, abnégation et persévérance, à faire avancer la cause nationale et à chaque fois il faisait gagner au pays un peu plus de souveraineté et au peuple plus de dignité. Et le 20 mars 1956, il signera, comme déjà dit, les protocoles ayant reconnu l’indépendance de notre pays.

Par Foued ALLANI
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(*)IV et fin
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