Une exposition «Les verreries du Sultan… de Beykoz à Sidi Bou Saïd… aller simple» s’est tenue dans le sillage de la cérémonie de lancement du Livre «Treasures Unveiled: art works and objets d’art at the Baron Rodolphe d’Erlanger Palace in Sidi Bou Saïd» de Mounir Hentati.
Avec le coucher du soleil, la lumière du jour se métamorphose et cède la place aux lumières nocturnes, telles les notes d’une belle symphonie de ce lieu qui donne sur le port de plaisance lumineux et les villas nichées sur les terrains rocheux de la colline de Sidi Bou Saïd.
Dans ce cadre idyllique, Mounir Hentati a passé 20 ans de sa vie (1995-2014) dans le Palais Ennejma Ezzahra, demeure du baron Rodolphe D’Erlanger bâtie en 1910, qui est à la fois un lieu de travail mais aussi d’étude et de recherche dans les trésors d’un patrimoine inestimable. Cinq années après avoir pris sa retraite du Cmam, il y revient en écrivain et offre un livre d’art en anglais de 216 pages dans lequel il dévoile les secrets du château. Hentati, angliciste, évoque «un grand challenge d’écrire en anglais», ce qui l’a conduit à solliciter la collaboration d’une Anglaise pour les révisions linguistiques de ce livre d’art élaboré en quatre mois, après tant d’années de recherche.
Une exposition «Les verreries du Sultan… de Beykoz à Sidi Bou Saïd… aller simple» s’est tenue, samedi, dans le sillage de la cérémonie de lancement du Livre «Treasures Unveiled: art works and objets d’art at the Baron Rodolphe d’Erlanger Palace in Sidi Bou Saïd». «Treasures Unveiled», en français «Tresors dévoilés», est un livre d’art édité en 2019 par le Cmam dont la présentation a eu lieu par Ali Louati. La préface du livre est signée de son nom surtout que cet artiste-peintre, historien d’art, poète et scénariste, était parmi les pionniers qui ont travaillé dans le projet à Ennejma Ezzahra.
Le Palais dévoile la splendeur de son patrimoine légué par le Baron. Il fallait décrire le livre en partant de l’intérêt du Baron d’Erlanger, peintre, musicologue et amateur d’art, pour chaque collection citée. Les collections sont, soit rapportées par le Baron de ses voyages soit acquises par lui sur le marché de l’art. Elles proviennent essentiellement de pays musulmans (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Syrie, Turquie, Iran) mais de pays d’Europe ou d’extrême Orient, comme la Chine et le Japon.
Dans le prologue de l’ouvrage, l’auteur revient sur la passion du Baron pour les arts, tout en donnant des indications sur les caractéristiques, les provenances et les conditions d’acquisition de certains objets.
Peinture à l’huile et dessins, estampes japonaises, tapis d’Orient, céramique et porcelaine, argenterie et bijoux, verrerie et opale, mobilier objets en bois, objets en cuivre, costumes et couvre-chefs de famille sont au menu.
Au chapitre sur la peinture à l’huile du Baron, l’auteur revient sur sa carrière de peintre et la totalité de son œuvre, depuis qu’il était en Europe. Les précisions mentionnées vont de ses années d’apprentissage à l’Académie Julian, à Paris, et son entrée au Salon des artistes français, jusqu’à ses nombreux voyages.
La collection abrite 18 estampes japonaises d’origine, en différents formats et thèmes. Elles sont produites par la première génération d’artistes nippons, vers la fin de la troisième période «Edo». Quatre estampes de Katsushika Hokusai (1760-1849) sont les plus importants dessins de la collection nippone visible dans le livre, dont un dessin intitulé «Yoshida on the Tokaido Region». Ces séries sont peintes entièrement dans des nuances du bleu, un genre de dessin Edo assez populaire dans la fin de 1820 et début 1830. Katsushika Hokusai avait eu une grande influence sur les peintres occidentaux. Ali Louati décrit une influence qui a pris «les proportions d’une déferlante appelée ‘Japonisme’, véritable Nipppomania qui a touché la littérature, la mode et bien d’autres domaines».
Un autre chapitre est dédié à la collection des tapis d’Orient. L’auteur indique les matériaux, dimensions et spécificités de style et la provenance précise de toutes les traditions orientales qui vont des modèles persans, turkmènes d’Asie centrale, anatoliens aux transcaucasiens. Le lecteur découvre aussi la collection de céramique et de porcelaine. Le Baron s’intéresse à la céramique tunisienne, à usage décoratif ou utilitaire, mais aussi à la porcelaine d’extrême Orient, essentiellement chinoise et japonaise.
Arrosoir parfum, encensoir, plat, coffret miroir, bracelets, boucles d’oreilles et autres bijoux en argent provenant de Tunisie, de Libye et autres zones de l’empire ottoman figurent au chapitre argenterie et bijoux, divers objets en argent massif, plaqué argent ou en feuilles d’argent repoussé. Des pièces en verre transparent simple ou coloré, en verre opalin, opaque ou en verre opalisant (bonbonnière, vase, carafe, bouchon, gobelet, broque…) sont dans la collection verrerie et opale qui est majoritairement de style ottoman, avec des pièces provenant de Syrie et d’Europe.
Ali Louati décrit notamment la collection des «verrerie du sultan», des objets en verre et opaline du style Beykoz du XIXe siècle, si rare aujourd’hui, et ne figurant encore que dans les musées et collections privées. Divers styles de mobiliers et objets en bois aux multiples provenances sont au chapitre immobilier et objets en bois qui renseignent sur les préférences du Baron qui optait beaucoup plus pour les styles orientaux.
Pour Ali Louati, ce livre est «un travail remarquable», un «livre d’art, élégant qu’on aimerait feuilleter pour admirer les images, mais surtout un travail d’érudition». Il s’inscrit dans la ligne éditoriale du Cmam qui, en plus des livres traditionnellement dédiés à la musique et à la recherche musicologique, fournit en plus un travail d’investigation à l’ensemble du patrimoine artistique de ce palais où l’institution a élu domicile depuis 1992.
Hentati «nous voue cet ouvrage de haute teneur, à la fois esthétique et intellectuelle», d’après l’expression d’Ali Louati.
Le peintre décrit «une sorte de catalogue raisonné avec un luxe de détails sur la provenance, les origines et les dates des objets d’art, des ouvrages et artefacts conservés».
En épilogue, l’auteur propose un texte sur les liens entre ces trésors et la personnalité du Baron. Les bibliographies adoptées dans la recherche et une biographie sont visibles vers la fin de l’ouvrage. Un portrait de Mounir Hentati datant du 23 juillet 1992, signé Ali Louati, est rattaché au texte de sa biographie.
Ali Louati décrit le palais Ennejma Ezzahra comme étant «une belle synthèse entre des espaces propices, un mode de vie traditionnel et des commodités répondant au confort moderne. Il en a fait aussi un véritable musée des styles architecturaux et ornementaux musulmans.»
Pour le visiteur du Palais Ennejma Ezzahra, le lieu en soi offre un sentiment de quiétude qui dépasse ces lumières qui couvrent le vaste horizon ouvert sur la Méditerranée. Il n’était pas alors si étonnant de voir un Anglais s’y installer un siècle auparavant, car de jour comme de nuit, une esthétique naturelle sans équivalent embrasse le lieu et demeure l’image de marque de Sidi Bou Saïd, village au charme qui ne tarit jamais.