• «Le Roumain était un technicien hors pair»
• «A l’origine, Bayari m’a pris sous son aile»
• «Prise de conscience après la blessure de Khaled Touati»
Il était le dépositaire du jeu clubiste grâce à sa clairvoyance, sa vision et sa technique impressionnante.
Si les milieux de terrain savent faire briller les attaquants en leur donnant des offrandes, Sami Nasri, l’ex-légende du Club Africain, y apportait une touche collective grâce à son impulsion et son ratissage permanent au cœur du jeu.
Le football connaît de nombreux joueurs capables de renverser la tendance et de déposer le meilleur ballon pour marquer un but.
Au CA, de Hédi Bayari à Khaled Saïdi en passant par Lotfi Rouissi et Samir Sellimi, un homme constituait le maillon fort de l’entrejeu, celui par qui l’attaque se construit. Cet homme, c’était Sami Nasri, un compétiteur-né dont l’avènement va au-delà du simple football, sachant qu’il était le joueur le plus sollicité sur le terrain, à la récupération, à la relance et au quadrillage. C’était un porteur d’eau au vrai sens du terme, une sentinelle toujours sur la brèche, en éveil. Sami Nasri, c’est une idole qui a traversé le temps sans que sa légende ne prenne une ride. C’était un gamin en or, devenu un taulier de stature continentale. Même hors de l’aire de jeu, toujours timide, il n’en n’était pas moins détendu, humble et surtout cohérent dans ses propos. Car Sami Nasri sait pertinemment qu’il n’est pas né star, il l’est devenu ! Toutes ces petites choses qui nous font penser que Sami Nasri est comme tout le monde, un citoyen du monde. Mais attention, n’est pas Nasri qui le veut!
S’il est incontestablement respecté par ses pairs et adversaires, il est aussi à la fois le symbole d’un football splendide, celui du CA des années fastes. Aujourd’hui encore, il est encore considéré comme l’un des meilleurs joueurs clubistes de tous les temps.
Et pour beaucoup d’inconditionnels, il représente la sagesse, l’humilité et le surpassement sur le terrain. Nasri est né avec un ballon aux pieds, avec un don. Le don de séduire et de caresser le cuir. C’était un magicien qui émerveillait les petits, impressionnait les grands et émoustillait les anciens. C’était un virtuose qui pouvait d’un coup de reins porter le danger et changer le cours d’un match. Une facette du personnage nous apprend aussi que Sami Nasri n’est pas qu’un footballeur. C’est beaucoup plus que cela.
C’est quelqu’un pour qui tout le monde a de l’estime. Il a offert de la fierté par procuration aux fans. Sur le terrain, tout comme le regretté Lassaâd Ouertani, «Zgaw» cœur de lion, c’était lui le patron. Sami Nasri n’avait pas besoin de se mettre en avant pour concentrer les projecteurs sur sa personne. Non, c’est quelqu’un de discret. Sa pensée est très humaine. Bref, l’homme incarne la générosité. Doté de qualités de constance et de persévérance sur le terrain, il alliait générosité et technique raffinée. Jamais à court de jus, il allait au charbon comme on dit, sans ménager ses efforts.
Ce soliste issu d’un foyer de virtuoses du ballon rond, l’AS Ariana, a fait ses classes au sein de ce vivier de grands joueurs qui a enfanté les Mohamed Hédi Bayari, Tarak Dhiab & co. C’est d’ailleurs du côté d’un terrain vague que Hédi Bayari, subjugué par la technique de ce talent en herbe, le prendra sous son aile.
Cap sur le Club Africain! Et à ce natif de 1968 de découvrir le haut niveau et de signer dans la foulée une licence au profit des juniors. Sa vélocité le distingue de ses coéquipiers. Les choses s’accélèrent et le voilà dans la cour des grands. Rencontre avec un joueur hors normes : «L’arrivée de Hmid Dhib, un coach qui parie sur les jeunes, m’a offert la possibilité de monter en grade. Cependant, je prendrai mon envol la saison suivante avec l’avènement de Faouzi Benzarti. C’est le décollage sauf qu’un terrible incident dont a été victime Khaled Touati me fait prendre conscience de toute l’incertitude qui entoure le football».
Au four et au moulin !
«En été 1989, notre buteur maison est donc victime d’une fracture sur les plages de Monastir en pleine préparation d’avant-saison.
J’ai de suite eu une prise de conscience. La carrière peut basculer à n’importe quel moment. J’ai donc décidé d’y aller à fond.
Par la suite, la saison a débuté par une victoire contre les Verts du CSHL (3-0). Sur le terrain, j’étais au four et au moulin !
Sans transition, par la suite, le derby a constitué pour moi un vrai baptême du feu. On croise le fer avec l’EST de Piechniczek, un onze valeureux constellé de joueurs cadres. La saison d’après, en 1990, on joue sur les trois tableaux, C1, Coupe de Tunisie et championnat.
Sauf que l’on a manqué de réussite tantôt. Je me rappelle que l’on a perdu en Coupe de Tunisie face à une JSK brillante et technique.
Il y a eu aussi un passage de témoin au CA, un changement de génération comme on dit. Et le jour de gloire est arrivé pour le CA.
Jamais je n’oublierais notre épopée face aux Ougandais de Nakivuba. Puis vint la Coupe afro-asiatique face à Al Hilal et un derby inoubliable face à l’Espérance. Ce match était indécis et plaisant. Jamel Tayeche a repoussé le penalty de Ali Ben Néji, alors que Abdelhak a catapulté le cuir au fond des filets, toujours sur penalty. Nous étions aux anges».
«Mrad Mahjoub me tend la main»
«Du point de vue personnel, j’avais atteint un niveau intéressant.
Puis, Mrad Mahjoub me convoque en sélection quelques semaines après le sacre du CA. Au sein du Team Tunisie, je prends du galon et je joue face aux Lions de l’Atlas. Au Parc A, en cette période précise, j’ai été fortement marqué par le passage du virtuose technicien Balaci ainsi que par le discours et les entraînements pointus de Amor Amri. Le Roumain, quant à lui, était de la race des grands, un technicien hors pair. Il jonglait avec les préceptes tactiques et savait motiver ses troupes. En football, l’appétit vient en mangeant. Je voulais coûte que coûte brandir haut et fort mon second championnat, et les dieux du stade étaient clubistes ce jour-là. Le onze à Youssef Zouaoui n’en revenait pas ! Et comme les victoires appellent les victoires, on brandit la Coupe de Tunisie la même année. Par la suite, en 1994, je commençais à accuser une certaine décrue. Mais notre attaque repart de plus belle grâce aussi à l’arrivée d’un certain Nabil Mâaloul, patron de l’entrejeu. Je me rappelle qu’à l’époque de Jean Sérafin, je n’avais plus mes jambes de 20 ans, quoi de plus normal avec le poids des années.
Au sein du microcosme sportif, j’ai noué des liens solides avec de grands joueurs et c’est ça le plus important. De Ayadi Hamrouni à Sami Touati en passant par quasiment tous les joueurs du CA des années fastes, je garde des amis sincères. C’est surtout ça le football !».