« L’Etat ne peut continuer à fonctionner, en consacrant près de la moitié du budget à la masse salariale, et ce, au détriment du développement et de l’investissement », a affirmé le président de la Conect, Tarak Chérif, qui a été reçu hier par le chef du gouvernement désigné à Dar Dhiafa, dans une déclaration à l’agence TAP.
Chérif a critiqué la répartition du budget de l’Etat 2020, estimé à 47 milliards de dinars, faisant savoir que 40% de ce budget ont été alloués aux salaires et environ 9% à la compensation, alors que 8% seulement sont réservés à l’investissement.
Les dépenses salariales sont estimées, en 2020, à 19 milliards de dinars, soit une hausse de 10,9%, en comparaison de 2019. Ces dépenses représentent 15,1% du PIB, l’un des taux les plus élevés à l’échelle mondiale, ce qui a provoqué les critiques du FMI et de tous les partenaires économiques de la Tunisie, selon plusieurs économistes.
D’après ces experts, le problème ne se situe pas dans la masse salariale, mais plutôt au niveau de l’accroissement considérable du nombre des salariés dans le secteur public, puisque l’effectif en surplus dans l’administration tunisienne est estimé à 200 mille fonctionnaires, représentant une masse salariale dépassant les 5 milliards de dinars.
Commentant le projet de budget 2020, Chérif a déclaré que « les mêmes causes produisent les mêmes effets la loi de finances initiale va nécessiter une loi de finances complémentaire, et ainsi de suite. Ce qui signifie davantage de crédits, d’endettement et la sortie sur le marché financier international ». Et de poursuivre, « l’hémorragie de l’endettement, outre la masse salariale, réduit la marge de manœuvre du gouvernement, en matière de promotion du développement et de création d’emplois. De fait, les crédits consacrés dans le projet de la loi de finances 2020, aux investissements publics sont estimés à seulement 6 milliards de dinars ».
Pour une stratégie d’encouragement au départ volontaire de l’administration
Pour dépasser le problème du gonflement de la masse salariale dans l’administration publique, qui compte 800 mille agents, le président de la Conect a appelé le gouvernement à mettre en place une stratégie, sur 10 ans, au moins, pour encourager les fonctionnaires, à quitter volontairement, l’administration publique, tout en leur accordant leurs droits entiers et leur octroyant d’importants avantages financiers et sociaux
Il a recommandé aussi, de lancer des fonds d’investissement pour aider les personnes qui partent de l’administration, à créer des projets privés et à s’installer à leur propre compte. L’Etat peut, également, recourir aux financements extérieurs pour alimenter ce programme, étant donné les problèmes dont souffrent les caisses sociales.
« Cette mesure va contribuer à l’allégement des dépenses de l’Etat et, partant, lui permettre d’orienter les montants consacrés aux salaires, vers d’autres secteurs plus importants et rentables, dont notamment l’investissement, le développement, les secteurs de l’éducation, du transport et de la santé, ainsi que de concrétiser les décisions prises en matière de la numérisation », a avancé, Chérif.
Le président de la Conect a souligné, à ce propos, l’importance d’investir dans l’éducation et de changer le système éducatif actuel, en une « éducation pour l’avenir », en mettant en place des programmes en adéquation avec le marché de l’emploi et les évolutions technologiques et numériques.
Il est nécessaire, a-t-il insisté, de « dépasser les programmes des années 40 qui fabriquent des chômeurs, pour élaborer des programmes basés sur les matières scientifiques, les mathématiques, les recherches et la technologie ».
Et de citer l’exemple de l’Inde qui compte plus d’un milliard et demi d’habitants mais qui réalise un taux de croissance de plus de 7%, grâce à son système éducatif moderne qui lui garantit une présence dans plusieurs pays, notamment dans le domaine de l’informatique.
Nécessité de réduire la tutelle de l’Etat sur les entreprises publiques
Le président de la Conect a estimé que l’augmentation de la masse salariale est essentiellement due à la forte tutelle de l’Etat sur plusieurs secteurs, ce qui explique le nombre important de fonctionnaires dans les administrations et les entreprises publiques.
Chérif a ainsi appelé à réduire la tutelle de l’Etat sur les entreprises et les secteurs, soulignant que la situation actuelle des finances publiques ne permet pas à l’Etat de supporter les pertes annuelles continues des entreprises publiques (102 entreprises). « L’Etat doit envisager un retrait ou une limitation de ses participations dans ces entreprises ».
La réduction de la tutelle de l’Etat permettrait de diversifier l’offre, favoriser la concurrence et améliorer le niveau des services dans les différents secteurs, a-t-il expliqué, considérant que « la privatisation vise à préparer les entreprises à opérer dans un climat concurrentiel, à même de dynamiser les activités économiques productives et assurer la complémentarité entre les secteurs public et privé ».
Et de poursuivre : « La privatisation ne signifie pas la cession totale des actifs de l’Etat. L’Etat peut conserver la propriété et confier aux privés la gouvernance et la gestion de ces actifs, ce qui bénéficiera à toutes les parties ».
Toujours selon lui « cette solution est facile à appliquer. Elle nécessite tout simplement, d’avoir la volonté de faire primer l’intérêt de l’Etat. Nous réclamons la qualité du rendement et non la propriété. Le problème en Tunisie est que certaines parties veulent imposer leurs positions, sans dialogue, ni concertation ».
S’agissant de la position de l’organisation syndicale concernant le dossier de la privatisation, Chérif a indiqué : « Je ne pense pas que l’Ugtt va rejeter la privatisation comme solution pour rétablir les équilibres financiers des entreprises en difficulté, d’autant plus qu’elle a déjà eu recours à cette solution en privatisant la compagnie d’assurances et l’hôtel qu’elle possédait ».