Mais ce qui importe le plus en premier lieu ne serait-il pas de définir exactement le rôle de ces journées et leur positionnement et aspirations par rapport au secteur pour que l’on ne se contente pas d’accumuler les Journées qui n’ont de pertinent que l’appellation racoleuse liée à Carthage et donner ainsi naissance à des événements mort-nés.
Le rendez-vous s’est renouvelé cette année avec les Journées d’art contemporain de Carthage (Jacc) pour une deuxième édition qui s’est tenue du 16 au 22 novembre. C’est la Cité de la culture qui a abrité le programme principal avec ses différentes expositions et autres panels et conférences. La nouveauté cette année, que l’on trouve par ailleurs louable, est cette ouverture sur d’autres espaces et galeries de la capitale mais aussi sur les régions, notamment à Sbeïtla, Tataouine (28 octobre-6 novembre) et à Kasserine (1er-10 novembre).
Une petite semaine pour profiter d’un programme varié et éclaté, une pléthore d’expositions, de rencontres et autres performances, projections et spectacles proposés par cette manifestation annuelle initiée par le ministère des Affaires culturelles, de quoi se perdre et rater peut-être les bons rendez-vous!
Les organisateurs annonçaient comme grand thème l’Art contemporain et ses horizons multiples avec, au menu, différentes approches et autres techniques. Fallait-t-il d’abord définir l’art contemporain et ses différentes approches sous nos cieux, car ce que l’on a pu voir dans le cadre de ces journées relevait plus de pratiques actuelles donc impliquant la temporalité au détriment du faire. Rien de transcendant après notre petit tour à travers les différents espaces de la Cité de la culture : au sous-sol, dans le hall central de la cité, est visible «Le national à l’œuvre» qui réunit 75 œuvres nées après la révolution par des artistes tunisiens et acquises par l’Etat, «L’international à l’œuvre», abritée sous une tente improvisée pour l’occasion, sur la place des théâtres et proposant les créations d’artistes de 16 nationalités
( 21 étrangers et 31 tunisiens). Les tendances régnantes faisaient plus dans les arts graphiques et autres toiles et supports peints. La manifestation , il faut le dire, est presque passée inaperçue par manque de communication, entre autres…
L’on comptait, également, l’espace «Les galeries à l’œuvre» qui marquait la présence de galeries étrangères, celle du Danemark (Hollufgard Artist Residence Skulpturpark), de Libye (Galerie Eskender Arts), du Soudan (Galerie Dara Art), du Maroc (Galerie 86), du Qatar (Katara Art Center), de Turquie (Kelimat Galeri) et de Côte d’Ivoire (5 Mondes Gallery). Et c’est justement dans les stands de ces galeries que nous nous sommes le plus attardés, une occasion de découvrir d’autres faire, d’autres manières de promouvoir et de diffuser ce qu’on appelle «Art contemporain».
L’Ivoirien Ghislain Okoua, responsable de la galerie «5 Mondes Gallery» âgée de 2 ans, basée à Abidjan et qui mise sur de jeunes talents émergents, participe pour la première fois dans une manifestation abritée par un pays arabe.Il comptait sur sa présence en Tunisie pour élargir son réseau. Il a présenté trois artistes à cette occasion qui se positionnent sur le marché international dont le plus coté est Famakan Magassa (notre coup de cœur artistique!), un jeune artiste malien de 22 ans. Le galeriste nous a parlé, également, du foisonnement artistique et du nombre important de galeries à Abidjan, d’une grande dynamique, d’un marché de l’art éclaté mais non structuré. «Chez nous, l’Etat s’investit dans l’art mais pas à votre dimension, pas assez et l’on aimerait qu’il y ait plus d’efforts dans ce sens. Globalement ce sont surtout les initiatives privées qui l’emportent, mais, vu le nombre d’artistes qui ne cesse d’émerger, il reste encore du travail à faire.», nous a-t-il expliqué.L’artiste tunisienne Mouna Jemal Siala, qui a exposé dans le cadre de «L’international à l’œuvre» et qui a, aussi, pris part au panel des artistes modéré par l’historienne de l’art Elsa Despiney, s’est exprimée après la clôture des Jacc pour saluer l’effort du comité d’organisation qui a pu mener ce projet à terme en deux mois, un temps record, selon ses dires et d’ajouter: « L’exposition «L’international à l’œuvre» a été installée, in extremis, sous la tente car il paraît qu’il était question d’un dôme à l’extérieur de la cité (hors les murs). Dommage, l’espace aurait été beaucoup plus indépendant! Les invités qui ont accepté de venir (selon les disponibilités de chacun) sont d’un niveau très respectable et même très haut… les panels ont été très appréciés car sérieux et décontractés en même temps. Certaines galeries sont très intéressantes notamment celle du Danemark (à mon goût) ! Dommage qu’aucune galerie tunisienne n’y était ! Après, il est vrai qu’il y a eu des visites dans des galeries de la Capitale. Je souhaite longue vie aux Jacc en améliorant chaque session, jusqu’à fidéliser un public qui viendrait du monde entier à l’instar des événements qui se passent sur notre continent et dans d’autres pays ! Le marché de l’art c’est une autre paire de manches et on ne sortira pas de l’auberge facilement». Nous, de notre côté, l’on s’étonne qu’un événement qui se veut de grande envergure et qui prétend rassembler un tant soit peu les pratiques contemporaines sous nos cieux et au-delà, soit organisé en des temps records!Une manifestation qui annonce de grandes ambitions comme celle de faire, dans le futur, dans le même éclat que les plus grands festivals d’arts en Afrique et dans le monde, ne doit pas faire dans l’improvisation et doit se préparer de nombreux mois à l’avance!
Mais ce qui importe le plus en premier lieu ne serait-il pas de définir exactement le rôle de ces journées et leur positionnement et aspirations par rapport au secteur de l’art pour que l’on ne se contente pas d’accumuler les journées qui n’ont de pertinent que l’appellation racoleuse liée à Carthage et donner ainsi naissance à des événements mort-nés. «Pour les prochaines Jacc il faudrait un commissaire qui chapeaute, conçoit et monte l’exposition quitte à ce qu’il soit non-Tunisien, ouvrons-nous plus si on veut être au même piédestal que les autres grands événements ailleurs. Il faudrait, aussi, un appel à candidature internationale pour le commissariat des Jacc et que le meilleur gagne! Il choisira ainsi ses artistes avec ou sans appel à candidature d’ailleurs et il assumera ses choix puisque ça sera son projet.
Dans le budget il faudra penser à payer le commissaire, la production, le catalogue…. De bonnes habitudes pourront être instaurées, ce que j’espère. Bref, il faut persévérer pour exister !», note l’artiste dans ce sens.
Elle encourage le public à aller voir l’exposition «Dessin et gravure à l’œuvre», abritée par le Musée du Bardo qui, contrairement aux autres expositions, se poursuit pour quelques jours encore. Elle regrette d’ailleurs qu’après tant d’efforts pour les monter, ces expositions soient décrochées rapidement suggérant de les laisser au moins encore un mois.