Forte d’un tissu industriel de 5.649 entreprises, employant 10 personnes et plus, dont 45% exportatrices, la Tunisie occupe une place de choix dans le bassin méditerranéen. Optant pour un modèle de croissance industrielle focalisé sur l’exportation, la Tunisie est le premier pays africain exportateur industriel vers l’Europe avec 23,7 milliards de dinars d’exportations industrielles en 2014, soit 75% des exportations totales du pays.
Principales locomotives des exportations industrielles nationales, les industries textiles et habillement, les industries agroalimentaires et les industries mécaniques et électriques représentent près de 30% du PIB et concentrent 70% des IDE et 80% des emplois.
En dépit de la croissance économique impulsée par les exportations et due à la présence d’atouts reconnus par les investisseurs étrangers, tels que la position géographique, le cadre incitatif, le rapport avantages, qualité/ coûts, la disponibilité des ressources humaines qualifiées la plupart des activités industrielles sont restées cloisonnées dans des activités à faible valeur ajoutée.
Offre peu visible
L’offre tunisienne reste peu visible à l’international et son image de marque est encore basée sur un pays law-cost et une orientation traditionnelle vers l’Europe. D’après Mme Imen Ghodhbene Ben Slima, du Centre d’études et de perspectives industrielles. «Le contexte économique actuel n’a pas favorisé l’innovation, le dynamisme du secteur privé et la montée en gamme dans la chaîne de valeur ajoutée».
Et d’ajouter que les facteurs-clés du succès d’une stratégie industrielle reposent sur un environnement propice au bon déroulement des affaires, une incitation à l’entrepreneuriat, une adéquation de la variante formation/ emploi, un renforcement de la compétitivité, une mise en place d’un écosystème favorable à l’investissement et tiré par l’innovation assurant une montée en gamme et une intégration importante dans les chaînes de valeur mondiales.
Ainsi, la stratégie de développement de l’industrie tunisienne à l’horizon 2025 reposera sur la mise en œuvre d’une nouvelle génération de réformes structurelles, économiques et sociales.
Parmi les axes fondamentaux de cette stratégie, l’ancrage des fondements de la bonne gouvernance, l’amélioration du climat des affaires, le développement économique, l’approfondissement et l’intégration dans les marchés mondiaux. Ceci, outre le développement inclusif basé sur le partenariat gagnant-gagnant, le développement du système de financement, la modernisation des infrastructures et de l’offre territoriale, l’équilibre régional et la mise en valeur des potentialités et des richesses des régions, le renforcement du développement humain et social et, enfin-la consolidation du développement durable.
Cette nouvelle stratégie industrielle vise la migration d’une économie à faible coût à un hub économique où règnent la justice sociale, le développement inclusif et durable.
Le projet de développement de la Tunisie sera ainsi basé sur trois variantes économique, sociale, régionale et environnementale, visant une croissance dirigée par l’innovation et le partenariat, une justice sociale et une économie verte.
Agrégats économiques
Le tissu industriel de demain sera piloté quantitativement par la croissance, la qualité et la diversification, mais aussi la fertilisation.
Quantitativement, la politique industrielle de la Tunisie à l’horizon 2025 devra concerner les agrégats économiques suivants:
-Le doublement des exportations pour atteindre 50 milliards de dinars à l’horizon 2025 contre 23,7 milliards de dinars en 2014. Ainsi, le renforcement de l’effort d’exportation permettra d’atteindre 42% du PIB en 2020.
-L’accroissement de la valeur ajoutée des secteurs exportateurs de 15% actuellement à 20% en 2020.
-La croissance de la part des secteurs à haut contenu technologique de 20% du PIB en 2015 à 30% en 2020.
-La hausse du taux d’investissement pour atteindre 25% du PIB en 2020
-L’amélioration de la part de l’investissement privé dans le total des investissements pour dépasser le seuil de 65% en 2020
-L’augmentation du volume des investissements directs étrangers de 80% sur les cinq années à venir
-L’amélioration du climat des affaires afin de modifier le classement de la Tunisie selon le rapport Doing Business, du 92e rang occupé actuellement à la 40e place en 2020
-L’accroissement du PIB industriel de 8% en moyenne pour tous secteurs confondus
-La réduction du taux de chômage de 15% en 2014 à environ 10% en 2025, notamment auprès des diplômés de l’enseignement supérieur et dans les régions intérieures.
«Cette nouvelle politique industrielle est nécessaire pour accélérer la transformation structurelle de l’industrie (de biens et de services) et permettre son intégration dans la chaîne des hautes valeurs mondiales. Elles sera axée essentiellement sur un environnement favorable à l’investissement en général et des incitations sectorielles spécifiques, destinés à encourager l’investissement dans les secteurs à fort potentiel de développement pour lequel la Tunisie possède des avantages comparatifs», indique Mme Ben Slima. Parmi ces secteurs figurent les industries aéronautiques, les composants électriques, surtout pour l’automobile, pharmaceutique, du textile/ habillement et les autres industries de services comme les TIC, la santé et le tourisme.Dans le cadre du plan de relance économique 2019-2020 du gouvernement, le Conseil d’analyses économiques travaille actuellement sur l’élaboration de 6 pactes sectoriels pour un échantillon de secteurs qui sont : les textiles, habillement, cuirs et chaussures, les TIC, l’agriculture et les industries agroalimentaires, les composants automobiles, les industries pharmaceutiques, et, enfin, les énergies renouvelables.
Innovation, clusters et pôles de compétitivité
La promotion des secteurs prometteurs et à forte valeur ajoutée basée sur l’innovation consentira l’intensification des créations d’emplois et le développement des exportations.
Dans ce contexte, les efforts seront intensifiés pour la création davantage de pôles technologiques pour attirer les investissements dans les secteurs à fort contenu technologique, tels que la biotechnologie, les technologies de l’information et de la communication, les industries électroniques, du textile et de l’environnement, la santé et l’énergie renouvelable.
«Il devient crucial de généraliser les pôles de développement et les centres industriels et technologiques dans toutes les régions. Une politique de renforcement de clustering sera un levier de croissance stratégique pour la Tunisie de demain», précise Mme Ben Slima.
Les réformes seront orientées vers le développement du système national de l’innovation à travers l’intégration du facteur innovation dans le processus de production, en plus de la création de zones technologiques pour attirer les entrepreneurs dans des activités à forte valeur technologique. De plus, «le développement des bases de données et ses sources d’information interconnectées, fiables, accessibles et cohérentes, ainsi que la mise en place d’un système de veille stratégique et d’intelligence économique seront un pilier de croissance des PME tunisiennes».