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Loi d’expropriation : Les raisons des blocages


La nouvelle loi de 2016 a-t-elle contribué à faciliter les procédures ? La réalité du terrain nous en donne, pourtant, une autre image, puisque de nombreux projets attendent, encore, des décisions judiciaires.


On accuse trop souvent (à tort ou à raison) l’administration tunisienne d’être à l’origine des entraves à l’investissement ou à la réalisation, dans les délais, d’immenses projets de développement. Sans, pour autant, avaliser cette thèse ou la contredire, on trouve de telles pratiques dilatoires dans certaines chancelleries européennes installées chez nous. Les demandeurs de visas, par exemple, subissent le calvaire avec des allées et venues dans la zone du Lac. On voit des dizaines et des dizaines de ces infortunés faire la queue pour procéder aux différentes démarches administratives et payer les diverses « prestations » sans être sûrs d’obtenir le visa.
Venus de tous les gouvernorats du pays, ces gens ont, souvent, des raisons valables pour voyager (regroupement familial, études, tourisme…).

Les refus de l’expropriation sont banalisés
Cet exemple de pratiques nous permet de relativiser nos critiques à l’égard de notre administration puisqu’un échantillon de blocages administratifs nous est fourni par ces ambassades.
Le parallèle établi entre cette anecdote et le sujet de cet article semble un peu complexe. Mais, à bien y voir, on y retrouve les grandes lignes du travail aveugle des agents chargés d’accueillir les administrés. Dans le cas des investissements et le lancement des projets, beaucoup de promoteurs doivent affronter une multitude d’obstacles avant de pouvoir parvenir à leurs fins. D’autres abandonnent carrément. Tandis que d’autres, aussi, ne pensent même pas à placer leur argent dans tel ou tel projet parce qu’ils sont convaincus, d’avance, qu’ils auront toutes les peines du monde à le faire aboutir.
Cette réalité amère est, pourtant, connue de tous. Y compris des autorités. Malgré certaines « améliorations » des législations en cours, les procédures demeurent, pour beaucoup, labyrinthiques. Une fois dedans, on ne s’en sort plus. Les intéressés se sentent piégés au point qu’ils ne peuvent plus reculer parce qu’ils ont, déjà, placé d’importantes sommes d’argent. En attendant que la situation s’éclaircisse, ils continueront de perdre de l’argent avant même d’avoir vu la réalisation de leur projet. Il y a forcément une mentalité à abolir. Car ce n’est pas tant la législation qui serait à remettre en cause que le comportement humain. C’est, sûrement, de ce côté-là qu’il faudra agir et, s’il le faut, sévir. Ceux qui ont été confrontés à de telles difficultés le savent très bien. S’aventurer dans ce domaine c’est comme marcher sur un terrain miné. C’est malheureux de le dire mais c’est ainsi. On peut comprendre les nombreux Tunisiens qui thésaurisent. Leur argent est, ainsi, en sécurité. Pourquoi courir tant de risques alors qu’ils ne cherchent qu’à faire fructifier des fonds dont ils disposent alors que l’administration leur refuse ce droit par des entourloupettes incompréhensibles.
Et, toujours, dans le chapitre des blocages des projets, on ne peut pas rester indifférents devant les actes d’expropriation pour cause d’utilité publique. La législation dans ce domaine a beau être revue et corrigée, elle n’en répond pas moins à la volonté affichée pour mettre en œuvre des programmes nationaux de développement.

Pas de progrès
Avant 2011, l’application de la loi rencontrait moins d’obstacles quoique l’on déplore certains préjudices portés aux expropriés. Mais la formule était rodée. Les démarches légales étaient, généralement, suivies et le projet était mené à bon port dans la majorité des cas. Même si le propriétaire des biens concernés ne se sentait pas bien compensé, on suivait, à la lettre, la décision de la justice. Si le bénéficiaire refusait d’encaisser la somme, celle-ci est consignée auprès de la trésorerie générale. De ce fait on évitait les longues tergiversations et pertes de temps.Actuellement, les démarches d’expropriation sont encore plus longues et le recours à la justice fait perdre des années et des années. Si l’Etat a contracté des prêts avant d’entamer le projet, il aura tout le loisir de subir les retards indéterminés imposés par les opérations d’opposition.
Ce n’est, donc, pas un hasard si on voit des centaines de projets mis en veilleuse, justement, à cause des problèmes d’expropriation pour cause d’utilité publique. Des barrages, des entreprises industrielles, des travaux de raccordement en eau ou en gaz ou en électricité, des autoroutes, etc. sont en attente de régularisation par la voie judiciaire. Tout simplement parce que quelqu’un qui possède un lopin de terre n’est pas d’accord qu’on passe sur son terrain ou qu’il n’a pas accepté l’indemnisation qui lui a été proposée.
Pourtant la loi n° 2016-53 du 11 juillet 2016, portant expropriation pour cause d’utilité publique, est venue assouplir les dispositions en vigueur dans l’ancienne loi. Cette dernière fixe, justement, les principes, les règles et les procédures administratives et judiciaires en matière d’expropriation des immeubles pour réaliser des projets ou pour exécuter des programmes ayant un caractère d’utilité publique. L’article 2 précise que l’expropriation pour cause d’utilité publique est prononcée à titre exceptionnel et moyennant une compensation équitable et avec les garanties prévues par la loi.
Lorsque cette loi a été adoptée, après un débat, par l’ARP en juin 2016, elle avait rencontré quelques voix discordantes selon lesquelles elle permettrait des « abus » à l’encontre des propriétaires. Ce qui n’a pas empêché, certains autres, de douter, encore de son efficacité. Elle ne peut pas garantir, totalement, la facilité et la rapidité des démarches et des procédures d’expropriation. Et, par conséquent, les mêmes freins gênent la réalisation d’importants projets de développement au niveau national.

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