Tomber définitivement dans la délinquance et peut-être aussi s’engager dans le crime organisé. Voilà ce que risque notre peuple si rien n’est fait pour arrêter le gaspillage révoltant de toutes nos ressources, le temps en premier ainsi que la corruption et aussi pour rétablir la discipline, l’ordre, le travail et la redevabilité (Accountability) de tous et de chacun, à tous les niveaux, à commencer dans l’administration publique et les autres rouages de l’Etat.
Sachant que notre société a entamé depuis des années un processus de décomposition qui s’est, entre autres, traduit par une baisse inquiétante de la compétence de tous et dans tous les domaines, comme nous l’avons expliqué dans nos précédentes chroniques, sauf hélas dans les domaines hors la loi et contre les bonnes mœurs et le vivre-ensemble.
Le manque de moyens financiers à tous les niveaux ou presque continue, hélas de s’aggraver, faute de croissance et de perspectives sérieuses pour le sauvetage de notre économie. Une situation cauchemardesque qui nous place réellement face-à-face avec plusieurs autres dangers aussi graves que le premier, surtout que le nouveau gouvernement tarde à être formé, car otage d’une mosaïque parlementaire paralysante.
Citons, parmi ces dangers, la baisse continue, rapide et inquiétante du niveau général de compétence de la population et de la compétitivité de notre pays, exacerbée par l’hémorragie de la fuite des cerveaux. Citons aussi la progression du chômage des diplômés du supérieur, la détérioration encore plus rapide et plus lourde de conséquences des services sociaux, l’incapacité à arrêter le vieillissement et la détérioration des infrastructures, etc.
Notre pays est, en effet, devenu, depuis ces derniers mois, obligé de produire des richesses supplémentaires non pour satisfaire ses besoins financiers toujours plus grands et plus pressants, seulement mais aussi et surtout pour s’acquitter de ses dettes. Sachant qu’il arrive difficilement à créer des richesses supplémentaires.
Un état inquiétant qui risque de plonger le pays dans le tourbillon infernal du surendettement, processus inexorable qui n’a pour seule issue que la faillite, véritable casse-tête que doit affronter le pays et à sa tête le nouveau gouvernement.
Oui un peuple peut devenir délinquant à l’image d’un enfant qui a été élevé dans les privations et la peur jusqu’à l’adolescence et qui se retrouve brusquement dans la rue. Oui un peuple peut aussi, après avoir baigné dans la délinquance, tomber dans le crime organisé partiellement ou totalement et cette dernière phase possède un autre nom, la guerre civile.
Nous sommes déjà dans une guerre civile dont les armes sont autres que celles à feu. Citons, entre autres, les agressions verbales et physiques et les violences de tous genres, y compris celles qui ont la triste réputation de briser ou d’ôter la vie à de paisibles citoyens sur les routes, etc. Cela sans parler des mouvements sociaux qui, parfois, prennent une tournure violente.
Citons aussi les accusations de toutes sortes, y compris celles très graves de trahison et de terrorisme, les menaces sérieuses, les calomnies, les diffamations à travers les médias, les fausses nouvelles, les rumeurs, les fake news, etc.
Une guerre qui dure depuis plusieurs années et qui est en train de s’amplifier et de s’installer dans la durée. Ce qui est à la fois très grave et très inquiétant car elle pourrait dégénérer. Chose pouvant facilement avoir lieu, surtout lorsque même les institutions de l’Etat sont devenues le théâtre de combats acharnés et continuent d’être victimes de règlements de comptes entre bandes «politiques» rivales.
Ce qui s’est passé la semaine dernière au sein de l’hémicycle du Bardo et la violence dégagée par le comportement de certains députés, entre eux, et contre l’honorable institution, siège du pouvoir législatif, constitue une grave atteinte à l’honneur de l’Etat et de notre peuple et une blessure narcissique supplémentaire dans l’âme de ce dernier.
Notre peuple continue, en effet de souffrir de ces conflits qui n’ont rien à voir avec ses préoccupations, pire qui sont contre ses intérêts et l’intérêt général du pays. Conflits qui, pour la plupart d’entre eux, prennent racine dans ce qui est devenu un éternel contentieux, entre le groupe qui a dominé le pays depuis l’indépendance et jusqu’à la révolution (1956-2011) et celui qui voulait lui prendre le pouvoir à partir du début des années 1980 et jusqu’à la révolution.
Image fortement négative qui nuit extrêmement à notre pays, à l’intérieur comme à l’extérieur et nous montre sous un jour sombre avec un peuple enragé, immature, irresponsable, violent et destructeur. Ce qui aura pour conséquence directe le renforcement de la régression de notre économie.
Or, qui dit régression de notre économie dit encore plus de problèmes de tous genres et dit aussi la surinfection de toutes les plaies restées béantes depuis 2011. Traduire montée de la tension sociale qui présage un hiver très… chaud.
Par Foued ALLANI