Accueil Actualités Paysage politique et parlementaire : Ennahdha à l’épreuve de ses choix précipités

Paysage politique et parlementaire : Ennahdha à l’épreuve de ses choix précipités


Avec le double échec essuyé par Ennahdha au parlement en voyant son initiative relative à la création d’un fonds de la zakat rejetée par les députés et en se trouvant obligé de retirer son projet de loi visant à accélérer l’entrée en fonction du fonds Al Karama d’indemnisation des victimes de la dictature, le parti nahdhaoui se trouve dans une situation inconfortable, en premier lieu face à ses militants de base dont il n’arrive pas à satisfaire les exigences, ensuite au sein du paysage politique et parlementaire où il compte désormais ses soutiens sur les doigts d’une seule main sans être sûr de leur aval quand il en aura besoin


Ennahdha ou plutôt ses grands stratèges à la tête desquels Rached Ghannouchi, président du parti (en principe jusqu’au prochain congrès prévu en mai ou juin 2020 au cas où il ne serait pas reporté à une date ultérieure) et présidant de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), ont-ils commis une erreur stratégique dont ils paieront cher les retombées en proposant au parlement l’initiative législative concernant la création d’un fonds de la zakat sans s’assurer auparavant du nombre requis des députés pour que le projet soit adopté ?

C’est la question principale que l’on se pose au niveau du paysage politique national et des partis ou coalitions soutenant le parti nahdhaoui ou partageant au moins ses approches, à celui des partis que Habib Jemli, le chef de gouvernement désigné (par Ennahdha, faut-il le rappeler à ceux qui veulent l’oublier, y compris parmi les nahdhaouis), peine toujours à rallier pour faire partie de son prochain gouvernement et enfin (et c’est la dimension la plus importante et la plus pesante) au niveau de la base nahdhaouie à laquelle on a ancré l’idée que leur parti a gagné les législatives et que ses projets de loi seront adoptés facilement au parlement et qui découvrent que leur parti a essuyé, mardi dernier, une double défaite au palais du Bardo.
La première consiste à voir leur parti se retrouver minoritaire lors du vote sur l’initiative législative portant sur la création d’un fonds de la zakat.

Avec 93 députés votant contre le projet, 17 abstentions (soit 110 voix hostiles) et 74 voix pour (soit les députés nahdhaouis et ceux d’Al Karama), Ennahdha et ses dirigeants, dont certains disposent d’une expérience parlementaire de près de 10 ans (depuis l’époque de l’Assemblée nationale constituante), se sont rendu compte qu’ils se sont précipités pour la soumission d’un tel projet au vote des députés et qu’il leur reste beaucoup de travail à effectuer au niveau des autres groupes parlementaires qu’ils croyaient acquis d’avance à leurs projets et avec lesquels ils ont oublié de négocier.

La deuxième défaite concédée par Ennahdha en ce même jour de mardi dernier a trait au retrait du projet de loi relatif à l’activation et à l’accélération de l’entrée en fonction du fonds Al Karama d’indemnisation des victimes de la dictature, attitude qu’Ennahdha a été obligé d’adopter étant convaincu que son initiative ne parviendra pas à récolter les voix requises pour être adoptée par les députés.

Et les députés nahdhaouis ainsi que leurs soutiens de se contenter de justifier leur double échec par l’hostilité des députés antirévolutionnaires aux idéaux et objectifs de la révolution de la liberté et de la dignité.
Ils oublient, cependant, d’expliquer comment ils vont se comporter avec leurs militants de base, plus particulièrement les dizaines de milliers qui attendent de percevoir leurs indemnisations financières depuis que l’Instance vérité et dignité (IVD) a avalisé leurs dossiers et a évalué la compensation matérielle à laquelle ils ont désormais droit, au regard de la loi fondamentale portant création de l’instance.

Sauf qu’ils attendent toujours (et semblent avoir perdu patience) que le fonds Al Karama d’indemnisation des victimes de la dictature devienne opérationnel (avec un financement initial de 10 millions de dinars en attendant les dons étrangers et les contributions diverses) et que le chef du gouvernement des affaires courantes actuel, Youssef Chahed, accepte de recevoir de la part de la présidente de l’IVD le rapport final de l’Instance et décide de le publier au Journal officiel de la République Tunisienne afin de conférer juridiquement à son contenu et à ses recommandations le caractère exécutoire.

Malheureusement, Youssef Chahed a d’autres priorités pour le moment et les responsables d’Ennahdha ont aussi d’autres dossiers plus importants à suivre. Le futur locataire, en l’occurrence Habib Jemli, le chef de gouvernement désigné, pour qui les dirigeants nahdhaouis se mobilisent ces derniers jours en essayant de reconvaincre leurs «alliés récalcitrants et un peu gourmands» afin de réviser ou d’adoucir leurs caprices et de participer au prochain gouvernement dispose-t-il d’une stratégie d’avenir ou même d’une solution de conjoncture qui lui permette de répondre positivement aux milliers d’indemnisés, en majorité écrasante nahdhaouis, qui viendront lui demander, une fois installé à La Kasbah, de leur accorder les compensations que l’IVD leur a décidées».

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