L’agriculture biologique tunisienne est essentiellement destinée à l’export. Quels sont les problèmes rencontrés par les producteurs bio, notamment en termes d’exportation?
Il faut dire que l’export pour toutes les productions agricoles constitue un plus à gagner. C’est en quelque sorte la bonne nouvelle. Mais avant tout, nous devons être capables de produire pour le marché national de façon à répondre à ses besoins. Ainsi, il faut que le marché local soit le premier intéressé par la production biologique.
En ce qui concerne les problèmes à l’export, il y a des agriculteurs en Tunisie qui travaillent sur l’exportation des produits biologiques vers le marché européen mais qui ont des problèmes de production, comme par exemple la qualité des eaux utilisées, et qui pénalisent le rendement et la rentabilité de leurs projets. Etant un secteur concurrentiel, l’agriculture biologique offre des opportunités d’export et peut contribuer à l’amélioration de la balance commerciale mais il faut aider ces sociétés exportatrices pour pouvoir produire dans de meilleures conditions.
Est-ce que le département de l’Agriculture n’offre pas suffisamment d’appui pour ces producteurs ?
A vrai dire, le passage vers l’agriculture biologique pose un problème au niveau du rendement qui demeure, pendant une période assez importante, inférieur à celui de l’agriculture traditionnelle. Il faut, donc, passer par l’agriculture raisonnée qui est aussi une manière de préserver nos sols et nos ressources naturelles, notamment les ressources hydriques. Etant une méthode de travail bien définie, une sorte de philosophie, l’agriculture biologique a, comme objectif ultime, la préservation de la santé humaine.
Aujourd’hui, le monde est arrivé avec le productivisme à un maximum de production sans que l’on prenne en compte l’aspect de la santé publique. On voit qu’il y a dans le monde entier une utilisation invraisemblable de produits et intrants chimiques comme les pesticides et les engrais dont les conséquences sur la santé humaine se sont avérées néfastes. Or, nous avons suffisamment de surface de façon à produire mieux et préserver, en même temps, la santé de l’Homme. C’est là où réside l’intérêt de l’agriculture biologique. Maintenant, le problème des agriculteurs qui veulent reconvertir leurs productions du modèle classique conventionnel au modèle biologique c’est qu’il n’y a pas d’accompagnement durant la période de transition.
Vous insistez sur la nécessité d’avoir une demande intérieure en matière de produits agricoles biologiques. Ce qui n’est pas le cas pour le marché tunisien.
Evidemment, le marché tunisien n’est pas encore sur une demande du bio parce que la productivité de l’agriculture biologique demeure faible. Il va y avoir une différence au niveau du coût de production, d’ailleurs, l’agriculture classique tunisienne souffre, déjà, d’une crise en raison des coûts de production très élevés.
C’est dire qu’il est nécessaire d’avoir une vision de développement agricole bio sur le long terme qui se fait sur une période échelonnée d’au moins 10 ans. De plus, il est à préciser que nous avons des productions en Tunisie qui sont, traditionnellement, dites biologiques. On parle essentiellement de l’huile d’olive et des dattes, des produits-phares de notre exportation. On peut étendre ce modèle aux filières animales. A l’instar de plusieurs pays européens, nous devons mettre le paquet financier et technologique pour pouvoir assurer cette transition.