Bien que d’importants pas soient franchis, la santé sexuelle et reproductive en Tunisie demeure encore le parent pauvre du secteur, à bien des égards. Le manque d’équipements médicaux et de médecins spécialistes y est pour quelque chose. Qu’importe le droit d’accès à ces soins en l’absence d’un vrai projet de réforme sanitaire !
Le Fnuap-Tunisie, Fonds des Nations unies pour la population, 45 ans déjà et pas une ride ! Il s’en tient encore à son rôle d’assistant à la politique nationale du planning familial adoptée depuis les années 60. Ce fut alors un des choix judicieux qu’avait osé opter Bourguiba, bâtisseur de l’Etat moderne, au lendemain de l’Indépendance. Voire une exception dans le monde arabe et africain, a-t-on ainsi jugé. Toutefois, cette expérience a commencé, ces dernières années, à perdre du terrain.
A tel point que des besoins pressants en matière de planification familiale ne sont plus satisfaits. Un demi-siècle plus tard, la santé sexuelle et reproductive revient au centre du débat. Ses indicateurs étant en nette régression, cela va sans dire. Une chose est sûre : l’état des lieux laisse encore à désirer. L’on impute la responsabilité à l’Office national de la famille et de la population (Onfp) dont la mission n’est plus au fait de la réalité.
Le Fnuap, lui, semble revenir de loin, il a tendance à remettre les pendules à l’heure. Dynamique, son chef, Mme Rym Fayala, médecin de formation, sait de quoi elle parle. Elle a tout mis en lumière. Ce qui a été réalisé et ce qui est en cours de l’être ont fait, récemment, l’objet de sa rencontre avec les médias au siège de son département, à Mutuelleville à Tunis. Une sorte de briefing d’informations sur l’actualité des données liées aux questions de la santé sexuelle et de reproduction, avec pour cible jeunes, filles et femmes, toutes catégories confondues.
Car, au milieu urbain comme celui rural ou même aux confins du pays, l’accès à la santé est un droit acquis indissociable du droit à la vie. Droit de l’homme, un tout indivisible, dirait-on ! Ce qui n’est plus le cas, il y a maintenant des décennies durant. A cela s’ajoute un bilan des failles et d’anomalies dont souffre le secteur, dans tous ses états. Et là, le Fnuap se révèle digne de son nom, à l’image de son mandat : «Réaliser un monde où chaque grossesse est désirée, chaque accouchement est sans danger et le potentiel de chaque jeune est accompli», rappelle Mme Fayala. A l’horizon 2030, «ne laisser personne pour compte», voilà sa vision, d’ici dix ans. Et ce, pour atteindre trois ODD déjà inscrits sur l’agenda du développement durable des Nations unies : «Bonne santé et bien-être», «égalité des sexes» et «partenariats pour la réalisation des objectifs».
Trois résultats
D’ici là, les prévisions tablent sur trois résultats éliminatoires : pas de décès maternels évitables, aucun besoin non satisfait en planification familiale et plus jamais de violence basée sur le genre. Et encore moins de pratiques néfastes dont les mutilations génitales féminines et mariages d’enfants précoces ou forcés. L’ultime but est de «réaliser l’accès universel à la santé sexuelle et reproductive et réduire la mortalité maternelle, en vue d’accélérer les progrès dans la mise en œuvre du programme de la Conférence internationale sur la population et le développement (Cipd)».
Pour y parvenir, un premier plan d’action stratégique 2018-2021 a déjà été mis en place. Qu’en est-il du Fnuap-Tunisie, qui remonte à 1974? Son mandat est celui de promouvoir la santé sexuelle et reproductive, mais aussi d’aider à en faciliter l’accès pour l’ensemble de la population. Tout s’inscrit dans le cadre d’une approche participative et partenariale engagée avec le pays. Mais, sa mission est-elle accomplie ? Pas tout à fait, juge-t-on. Il y a toujours des hauts et des bas ! Nul ne peut remplacer l’Etat.
Un bilan mitigé
Toujours est-il que le bilan semble mi-figue, mi-raisin. Cela n’empêche, qu’il y a certains indices démographiques plus ou moins positifs. Chiffres 2018 à l’appui, la population tunisienne compte, actuellement, 11. 611. 602 mille habitants, soit six fois plus ce qu’elle était un siècle auparavant. L’indice synthétique de fécondité depuis les années 2000 se situe autour de 2,2 enfants par femme, avant d’être légèrement revu à la hausse après la révolution.
Autres points positifs : l’espérance de vie à la naissance est de 78,1 ans, une stratégie de la santé maternelle et néonatale 2020-2024, avec un panier de soins accessibles à tous en phase pilote à Nabeul et Kébili, stratégie nationale de santé sexuelle et reproductive en cours, appui à l’amélioration du registre de l’état civil (enregistrement des naissances, décès, mariages..), projection démographique jusqu’à 2040, plateforme de suivi des indicateurs des ODD, formation de plus de 3 mille prestataires de services (justice, police, affaires sociales, santé, femmes), appui technique et financier aux six centres de prise en charge des femmes victimes de violence à l’échelle nationale.
Et bien d’autres acquis réalisés à ce niveau. Pourtant, autant d’insuffisances persistent encore : près de 45 décès maternels pour 100 mille naissances vivantes depuis 2008, régression au niveau de consultation postnatale (42%) et de prévalence contraceptive (50,7%), hausse des besoins non satisfaits en contraception. Cela est dû à des carences en matière de prévention et d’éducation et d’accès inéquitable aux services de santé.
Bien que d’importants pas soient franchis, la santé sexuelle et reproductive en Tunisie demeure encore le parent pauvre du secteur, à bien des égards. La carence en équipements médicaux et en médecins spécialistes y est pour quelque chose. Qu’importe le droit d’accès à ces soins en l’absence d’un vrai projet de réforme sanitaire !