Accueil A la une Le chef de l’état tend la main à Sidi Bouzid : « Le peuple sait ce qu’il veut…et nous le ferons ! »

Le chef de l’état tend la main à Sidi Bouzid : « Le peuple sait ce qu’il veut…et nous le ferons ! »

Selon de nombreux analystes et observateurs, le Président de la République était attendu, avant-hier, à Sidi Bouzid, pour prêter main-forte à l’option «17 décembre 2010» comme date historique de la révolution tunisienne, une version défendue par les premières localités des régions défavorisées qui avaient mené l’insurrection populaire, puis ramassé leurs morts et blessés dans le silence glacial de la répression.
Mais c’est la première fois qu’une institution officielle-le Président de la République élu au suffrage universel direct-affirme publiquement que le 14 janvier correspondrait plutôt à la contre-révolution. Sans compter que Sidi Bouzid, en particulier, était attachée à cet événement déclencheur de la révolution que fut l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, ce 17 décembre 2010, suite à une nouvelle vexation policière.

Tout au long d’un discours enflammé dont la «sono» n’était pas au point, Kaïs Saïed, quelque peu «chahuté» positivement par des milliers de ses fans, qui lui suggéraient des mots d’ordre, a répété sans jamais s’en lasser son slogan de campagne :
« Le peuple veut ! ». N’hésitant pas à le compléter par son engagement solennel à ce que cela soit. C’est-à-dire à ce que toutes les promesses qu’il avait faites aux jeunes rencontrés aux quatre coins du pays, dans les montagnes, les prairies, les champs et les cités populaires, soient réalisées, maintenant qu’il a concrétisé son rêve : devenir un président au service de la volonté du peuple et de sa jeunesse.

Et Saïed de répéter que pour lui ce n’est pas la présidence qui importe, mais la réalisation des attentes et des revendications du peuple, ce peuple «qui veut» et «qui sait ce qu’il veut».
Un aspect dérangeant a cependant perturbé le discours rassembleur du chef de l’Etat, c’est un style quelque peu agressif destiné à mobiliser les gens frustrés des régions délaissées, tous ceux qui, neuf ans après le geste sacrificiel de Bouazizi, voient si peu de promesses se réaliser, voient les enjeux de liberté, d’emploi et de dignité dévoyés au profit des intérêts catégoriels des élus du régime démocratique et des bureaucrates des partis politiques, dont certains ont gravi lestement tous les échelons de la prospérité personnelle et familiale. Alors que la corruption dont on accusait la famille Trabelsi, s’est démultipliée et ronge tous les secteurs économiques du pays.

Ce alors que les laissés-pour-compte, dont Bouazizi avait sonné l’heure de la révolte, sont toujours au plus bas, démunis des promesses folles que leur révolution avait fait circuler dans les couloirs fastes des organismes onusiens, aux quatre coins de l’univers.
Un bilan même simpliste suffit à situer l’ampleur du désastre. Les manifestants des régions marginales revendiquaient pour leurs zones une meilleure part des 5% de croissance économique que le pays réalisait. On leur a promis une discrimination positive et une amélioration nette de la croissance nationale dont une part substantielle leur reviendrait.

Où en sommes-nous en 2019 ? Une croissance de 1,1%, le dinar au tiers de sa force, des caisses vides, ni épargne ni investissement et une attractivité économique nettement diminuée avec une pression fiscale de 34%.
Quant au chômage, il garde toutes ses «chances», ne diminuant accessoirement que lorsque les islamistes consentent un nouveau coup de pouce à leurs camarades amnistiés. Comme ce « fonds de la zakat » que l’Assemblée a rejeté, mais qu’on se promet de remettre sur le tapis pour aider les pauvres, les jeunes démunis, les handicapés et… les «victimes du régime dictatorial».

Lorsque le Président de la République parle de complot, de magouilles, de fin de non-recevoir vis-à-vis des revendications du peuple, il montre à quel point il est choqué par ce gâchis. Mais rares sont les révolutions qui concrétisent toutes leurs promesses.
Maintenant, associer le 14 janvier à la contre-révolution et diviser le peuple tunisien en «nous vertueux» et en «eux fauteurs» qui complotent contre le peuple, n’est pas une démarche vraiment productive dans un pays qui, depuis le 14 janvier, mène sa transition démocratique et qui possède des institutions républicaines qui fonctionnent. Dont la présidence de la République.

 

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