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TUNISIE-FMI : Quand le bailleur de fonds hésite à débloquer les crédits


Les relations entre le Fonds monétaire international (FMI) et la Tunisie vont-elles se détériorer suite aux déclarations de Jérôme Vacher, représentant résident de ce bailleur de fonds qui estime que notre pays n’a pas accéléré les réformes convenues et qu’il est en droit de ne pas débloquer la tranche de crédits de 1,2 milliard de dollars ? Espérons que non, d’autant plus que les deux parties sont liées par des relations qui datent depuis longtemps.


M. Jérôme Vacher,  représentant résident du Fonds monétaire international (FMI), a annoncé le mercredi 18 décembre la suspension de l’octroi à la Tunisie d’une nouvelle tranche de crédits estimée à 1,2 milliard de dollars, faute d’accélération des réformes.
« Nous avons conclu la cinquième revue en juin 2019 portant le montant déboursé jusque-là à 1,6 milliard de dollars. C’est un engagement substantiel du FMI, d’autant plus qu’il permet aussi de débloquer d’autres financements de la communauté internationale.
Cela étant, par rapport à l’enveloppe qui a été allouée initialement, ceci veut dire aussi que 1,2 milliard de dollars n’ont pu être déboursés, faute d’avancement suffisamment rapide du programme et des réformes économiques à certains moments », a-t-il déclaré dans une interview accordée à notre confrère en ligne « Ilboursa ».

« Pas d’arrangements engagés »
« Depuis cette 5e revue, nous avons effectué des visites, de nature technique et informelle, en juillet et en octobre, pour continuer à faire le point sur la situation économique. Mais, pour l’instant, des arrangements pour préparer une éventuelle 6e revue n’ont pas été engagés.
Lorsqu’une nouvelle équipe gouvernementale sera en place, nous serons à même d’aborder les différentes politiques qui pourraient être soutenues par une revue, car notre dialogue ne se fonde jamais sur un jugement des orientations générales de telle ou telle composante politique, mais uniquement sur une analyse économique et des actions concrètes de politique économique », a-t-il encore expliqué.

L’accord relatif au mécanisme élargi de crédit prévoit, rappelons-le, plusieurs tranches, sur une période de quatre ans, jusqu’au mois d’avril 2020. La Tunisie a jusque-là reçu cinq tranches d’un montant global de 1,8 milliard de dollars, sur un total de 2,8 milliards de dollars. Quand la Tunisie a emprunté un crédit auprès du FMI en 2016, elle s’est engagée à mener des politiques destinées à surmonter des problèmes économiques et structurels, autrement dit à effectuer des réformes en profondeur de son économie.
Cet engagement est axé sur des réformes structurelles qui s’attaquent aux faiblesses institutionnelles et économiques, en plus des politiques propres à préserver la stabilité macroéconomique.

Or, au regard du contexte politique global que connaît la Tunisie, le FMI pourrait ne pas aller jusqu’au bout de son programme. Selon M. Jérôme Vacher : «A l’heure actuelle, en ce qui concerne la Tunisie, nous avons un accord au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC) qui a été approuvé en 2016 et qui se poursuit jusqu’au printemps 2020. Comme chaque programme, nous avons des revues régulières dont chacune fait le point sur les développements récents à travers le suivi d’un certain nombre d’indicateurs et de ce qui a pu être fait, et ce qui pourra être fait, par les autorités en termes de politiques et réformes économiques».

Et d’ajouter : « Nous avons conclu la cinquième revue en juin 2019 portant le montant déboursé jusque-là à 1,6 milliard de dollars. C’est un engagement substantiel du FMI, d’autant qu’il permet aussi de débloquer d’autres financements de la communauté internationale.
Cela étant, par rapport à l’enveloppe qui a été allouée initialement, ceci veut dire aussi que 1,2 milliard de dollars n’ont pu être déboursés, faute d’avancement suffisamment rapide du programme et des réformes économiques à certains moments ».

Le point sur la situation
Depuis cette 5e revue, nous avons effectué des visites, de nature technique et informelle, en juillet et en octobre, pour continuer à faire le point sur la situation économique. Ce que nous regardons c’est l’évolution de la politique économique sur les dernières années.
Ce qui intéresse le FMI en premier lieu, au-delà du changement des gouvernements, c’est qu’il y a eu un effort pour améliorer la situation budgétaire avec une réduction du déficit et notamment au niveau des recettes fiscales qui se sont sensiblement améliorées en 2018 et 2019.

On remarque aussi une poursuite de l’ajustement au niveau des dépenses même si, selon ce bailleur de fonds, il y a toujours un problème important en matière de composition, avec un poids qui reste trop important de la masse salariale de la fonction publique et un niveau de subventions énergétiques qui restent encore trop élevé (ce dernier représentant la moitié du déficit budgétaire). Ces deux facteurs introduisent beaucoup de rigidité au niveau des dépenses publiques ne permettant pas à la Tunisie d’avoir des « dépenses d’avenir » dans les domaines des  investissements publics, des dépenses sociales et notamment dans l’éducation et la santé.

S’agissant de la politique monétaire de la Banque centrale, qui est toujours un interlocuteur privilégié pour le FMI, on a observé des améliorations dans la gestion à la fois de la politique de change, avec un peu plus de flexibilité et de la politique monétaire qui est devenue beaucoup plus proactive par rapport à l’évolution de l’inflation, qui doit être l’objectif principal d’une banque centrale. Cela prouve que si la Tunisie est critiquée au niveau de la réalisation de certaines réformes, elle est bien appréciée au niveau d’autres domaines comme celui de la politique monétaire. D’ailleurs, M. Vacher souligne qu’« une avancée dans la voie d’une plus grande stabilisation macroéconomique, après des années particulièrement difficiles, et cela même si la croissance reste trop faible et les déséquilibres macro-économiques (finances publiques, comptes extérieurs) trop importants. Il faut maintenir le cap dans cette stabilisation de façon à ce qu’on puisse avancer rapidement sur d’autres sujets, et vers une croissance plus forte, plus soutenable et plus inclusive».

Le FMI est prêt, malgré tout, à soutenir les autorités tunisiennes dans un programme de politique et de réformes économiques qui permettent d’avoir plus de stabilité macroéconomique et financière et, à terme, d’atteindre une croissance plus soutenable et inclusive.
Sur ce dernier point, des progrès ont été réalisés, notamment avec la mise en place de la base de données sociales « Amen » qui permet un meilleur ciblage des politiques sociales vers les ménages les plus vulnérables.
Il est souhaitable, cependant, que la mésentente entre le FMI et la Tunisie soit dissipée au plus vite pour continuer le programme engagé qui prévoit, certes, des réformes impopulaires qui risquent d’aggraver la situation sociale. Le gouvernement est ainsi situé entre deux feux, celui de la pression sociale avec comme chef de file l’organisation syndicale et le FMI qui exige des réformes réelle dans les meilleurs délais !

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