La décision prise par Habib Jemli d’entériner la fin de non-recevoir du quartet et d’aller vers une équipe de compétences nationales indépendantes, qui devrait aboutir incessamment, fait l’objet de critiques de toutes parts.
Une fois ratée l’occasion de former un gouvernement solide, soutenu par une majorité parlementaire quadripartite, voilà que l’on se rejette violemment la responsabilité de l’échec. Et la plupart des coups sont dirigés vers le maillon faible, Habib Jemli.
Ces coups proviennent en premier lieu d’Attayar et d’Echaâb qui accusent Jemli de les avoir « trahis » en accaparant une part importante des nominations ministérielles. Le chef du gouvernement pressenti a consenti d’importantes concessions aux deux alliés, puis s’est brusquement renfermé pour protéger son « domaine d’initiative » qui comportait un nombre important de ministres, la plupart indépendants et qui avait imposé des restrictions aux exigences d’Attayar. Cette démarche, qualifiée de « ruse », a été très critiquée par Jaouhar Ben M’barek et Habib Bouajila qui, eux aussi, considèrent avoir été bernés par Habib Jemli, qui n’a même pas reconnu leur rôle en tant que «médiateurs politiques» joué à son profit lors des négociations avec les partis.
L’ancien CPR puis Harak est plus virulent que Jaouhar Ben M’barek, il accuse : « Habib Jemli avait accepté la formule consensuelle que nous lui avons présentée au départ, puis il s’est rétracté. Il nous a trahis, c’est un véritable scandale ! ».
En fait, d’autres indiscrétions ont révélé que ni Jemli ni Ghannouchi n’avaient l’intention d’accorder des ministères importants à de fortes personnalités du type Abbou ou Maghzaoui, mais souhaitaient comme candidats des leaders Attayar et Echaâb de deuxième rang. Un malentendu qui mena vite au blocage. Mais un malentendu qui mérite un commentaire de fond. Est-il logique de voir Ennahdha, parti en charge du gouvernement national, choisir un chef de gouvernement modeste et l’entourer de personnalités politiques de seconde zone? Est-ce vraiment ce que les électeurs attendaient d’un parti qui se présente comme « révolutionnaire » et qui prétend vouloir remettre le pays sur les rails ?
De son côté, Abbou a affirmé hier que le candidat à la Primature, Habib Jemli, n’a en réalité jamais accepté les conditions posées par Attayar. Indiquant qu’il y a là un grand malentendu. « Après l’intermédiation de certains amis, j’ai exposé une nouvelle proposition pour la discuter. Si elle s’était avérée sérieuse, elle devait être soumise au bureau politique de notre parti, puis au conseil national pour qu’il prenne sa décision. Une heure après la réunion avec Jemli, samedi, le bureau politique examinait les engagements du futur chef du gouvernement avec toutes les données et remarques ». Or, le bureau politique a refusé de soumettre la proposition au conseil national. Et Abbou de rappeler que « le CN avait exigé la modification des conditions de participation d’Attayar au gouvernement, revendiquant la Justice, l’Intérieur et la Réforme administrative avec toutes les prérogatives nécessaires, sans quoi, il serait impossible de gouverner avec Ennahdha ».
Il se trouve, aujourd’hui, que le risque se précise, au vu des attaques auxquelles se soumet Habib Jemli, que la confiance au gouvernement n’est pas vraiment acquise