
Les gouvernements qui se sont succédé depuis la Révolution ont été devant l’impossibilité de mettre en place le concept de bonne gouvernance dans la gestion des affaires économiques. Pour Ridha Chkoundali, il est urgent que le prochain gouvernement place la bonne gouvernance en tête de ses préoccupations et de ses actions et la déployer sur plusieurs niveaux pour s’assurer de son efficience.
Au centre du débat économique et politique, le concept de gouvernance est, aujourd’hui, d’une brûlante actualité. Cette thématique est devenue une exigence absolue pour la consolidation du développement politique, économique, et social des nations démocratiques. Cependant, la Tunisie reste un mauvais élève en matière de gouvernance économique, malgré les progrès réalisés au niveau politique.
Ce n’est qu’un slogan!
D’après l’expert, la Tunisie est classée première dans le monde arabe en termes de liberté d’expression, de démocratie et de gouvernance politique. Cependant, le pays ne cesse de perdre du terrain en matière de gouvernance économique, puisque la vitesse de la transition politique est de loin supérieure à celle économique. Cet écart a créé un désenchantement total de la part des catégories populaires envers l’Etat et une méfiance envers le système politique d’une manière générale.
C’est pourquoi, le prochain gouvernement est appelé à mettre l’axe de la bonne gouvernance « économique » dans la ligne de mire de ses réflexions et de ses actions, afin de créer le cadre de développement idoine et se focaliser autour des exigences de transparence et de redevabilité dans les secteurs politique, économique et social ainsi que des questions de lutte contre la corruption, de renforcement de la société civile, de protection des droits humains et de promotion des politiques de soutien à l’éducation, à la santé et à l’environnement…
«Personne ne peut nier l’importance de la liberté d’expression, qui est le fondement de toute démocratie. Mais la gouvernance économique reste à inventer. C’est un défi difficile pour la Tunisie, pour qui la gouvernance est juste un slogan, une théorie brandie pour se ‘’valoriser’’ auprès des institutions et bailleurs de fonds au niveau international… Aucune bonne pratique et aucun mécanisme n’ont été adoptés concrètement dans les institutions de l’Etat, ni dans les banques, ni dans les entreprises», indique Chkoundali.
En tête des préoccupations
Pour l’universitaire, les choses doivent absolument changer et évoluer dans cette période de transition, sinon toute notre économie risque d’être structurellement déstabilisée. « Pour le prochain gouvernement, il est urgent de mettre la gouvernance en tête de ses préoccupations et de ses actions, afin d’activer et imposer les règles de bonne gouvernance qui doivent être adoptées par l’ensemble des organismes publics et privés…Car, dans un contexte économique difficile, le citoyen ne s’intéresse plus à la liberté d’expression. Son grand souci est de gérer convenablement son quotidien.
Donc, le simple citoyen a besoin de retrouver son intérêt dans la gestion et le fonctionnement des institutions de l’Etat et des entreprises qui opèrent dans notre économie», explique Chkoundali. L’expert estime, également, que la bonne gouvernance doit se déployer sur plusieurs niveaux pour être vraiment efficiente. « Les expériences des pays qui ont réussi leur transition économique et politique montrent la nécessité de créer une harmonie entre la gouvernance politique et économique. Faut-il rappeler dans ce cadre que la mauvaise gestion économique et financière dans un contexte de crise économique conduit aux remous sociaux et politiques.
Faut-il rappeler aussi que la gouvernance économique de cette période difficile n’a pas été marquée par le souci de transformations structurelles, qui sont capables de créer les conditions de relance économique… Malheureusement, la gestion économique du quotidien ferme les yeux sur la primauté de la construction d’une autre vision économique en vue de résoudre les problèmes de fond de notre économie, à l’heure où nos décideurs vivent au jour le jour, sans vision, ni programme, ni stratégie… Bref, l’Etat doit être réactif et agile en se concentrant sur ses missions essentielles pour éviter et dépasser cette mauvaise gouvernance», regrette-t-il.