Au terme de curieuses péripéties qui n’ont pas manqué de semer le doute, le chef de gouvernement désigné, Habib Jemli, a fini par rendre publique, hier, en début d’après-midi, la liste de son gouvernement au complet comportant près de 25% de femmes et dont l’âge varie entre 31 et 69 ans. L’équipe comporte 30 ministres et 14 secrétaires d’Etat, dont quatre ministres femmes et six femmes secrétaires d’Etat.
On note la présence de plusieurs ministres ayant servi depuis la révolution, dont Tarak Dhiab au Sport, une dame ex-députée constituante d’Ettakatol convertie à l’associatif et un vieux de la vieille de la Sécurité sociale qui fait figure de référence nationale incontournable.
Le candidat à la Primature avait annoncé le 31 décembre peu avant minuit qu’il venait de remettre la liste de son gouvernement au président de la République qui la transmettra le lendemain, soit mardi matin, au président de l’ARP. Mais il n’a pas annoncé la composition du gouvernement. Ce qui suscita mille et une réactions dont des interrogations sur les dispositions constitutionnelles à ce sujet.
Pour Habib Khedher, chef de cabinet du président de l’ARP, et dans la mesure où aucune correspondance n’est encore parvenue de Carthage concernant la composition du gouvernement, celle-ci est arrivée hier (jeudi). «On devra alors vérifier que la correspondance est complète, avec toutes les pièces jointes nécessaires et notamment l’original de la liste transmise par le chef du gouvernement au chef de l’Etat, avec une petite synthèse du programme gouvernemental, les C.V. des membres proposés, etc.». Ce n’est que lorsque cette vérification est faite et que tout est en ordre, que le Bureau de l’ARP se réunit pour fixer une date pour le vote de confiance au gouvernement.
La chargée de communication au bureau de l’Assemblée, la députée Nesrine Laâmari, parle de cafouillage suite au refus de Habib Jemli, mercredi, de révéler la liste de son équipe lors de la conférence de presse pourtant tenue à cet effet. Et d’expliquer que le président de la République n’est pas tenu par des délais constitutionnels pour adresser cette liste à l’ARP. Or, c’est là une «brèche constitutionnelle».
Mais le véritable «cafouillage», c’est Ennahdha qui l’installe à tous les niveaux par sa déclaration rendue publique avant-hier soir, selon laquelle elle attend «la version finale du gouvernement Jemli…pour prendre la position appropriée». Sachant que Jemli venait de rencontrer Ghannouchi et lui a soumis la teneur de son gouvernement.
Et Ennahdha d’indiquer qu’elle a formulé «un certain nombre de commentaires destinés à développer la proposition de Jemli, afin qu’elle réponde mieux aux aspirations des Tunisiens et à la nécessité de mettre en œuvre les réformes requises».
En fin de compte, le chef de l’Etat a signé, hier, une correspondance adressée au président de l’ARP, afin que soit fixée la date de la séance plénière pour le vote de confiance au gouvernement. La présidence explique que c’est en vertu de l’article 89 de la Constitution qu’intervient cette correspondance. Et il se trouve que cet article n’oblige pas le président de la République à soumettre la liste du gouvernement au président du Parlement, mais seulement à lui adresser une correspondance l’informant que le gouvernement est formé.
Encore une «brêche constitutionnelle» qui a trouvé à qui parler. Ce n’est pas à un vieil enseignant de droit que l’on apprend le juridique. Dire que Habib Khedher comptait recevoir un dossier volumineux !
Espérons voir les trois protagonistes mettre fin à leur bras de fer formel et les partis Qalb Tounès, Tahya Tounès et Al Karama, qui menacent de couler le nouveau gouvernement, de s’armer de plus de discernement. La Tunisie attend d’être gouvernée et bien gouvernée.